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Kap O Mond (jusqu’au 30 juin)

le  03/05/2023   au théâtre de Belleville, 16, Passage Piver 75011 Paris (en mai : mercredi et jeudi à 19h15, vendredi et samedi à 21h15 et dimanche à 15h – en juin : du mercredi au samedi à 19h15 et dimanche à 15h)

Mise en scène de Olivier Coulon-Jablonka avec Charles Zevaco et Simon Bellouard en alternance, Roberto Jean et Sophie Richelieu en alternance écrit par Alice Carré et Carlo Handy Charles




Deux jeunes gens se rencontrent au concours de Sciences Po. L’un, Mathieu, provenant de sa banlieue, est un déraciné social, « banlieusard parmi les fils à papas ». L’autre, Kendy, est un déraciné géographique, haïtien venu étudier en France. Récit ou plutôt leçon d’histoire haïtienne, « Kap O Mond » présente les itinéraires croisés de deux jeunes hommes en train de forger leur conscience politique.
Mais tout ne va pas sans heurts : Mathieu rejette Sciences Po et son « formatage néolibéral ». Quant à Kendy, il tente de faire sa vie loin de son pays, tout en dispensant la bonne parole à Mathieu avec un soupçon d’arrogance : « t’es pas si mal pour un français, toi au moins, tu ne confonds pas Haïti et Tahiti ». Alors, quand Mathieu va décider de s’engager dans une association humanitaire, la rupture sera totale entre les deux hommes : « c’est trop dur pour moi de t’entendre m’expliquer les problèmes de chez moi » ; dit ainsi Kendy. Et Kendy, l’haïtien - apparemment bien né - de se faire l’apôtre du système libéral où chacun a sa chance, et de terminer, fataliste, vaincu par un système haïtien où rien ne serait plus possible : « être haïtien, c’est ne jamais connaitre le repos ».
Confrontation irréconciliable de deux conceptions, amitié en dents de scie, c’est ici le passé postcolonial de la France et l’histoire de la « première république noire indépendante » qui viennent se confronter. Culpabilité de la part de Mathieu, position de « sachant » de la part de Kendy, on a plus le sentiment d’assister à une conférence à deux voix qu’à un véritable spectacle de théâtre. L’objet théâtral n’est certes pas sans intérêt mais sa volonté didactique forcenée peut rebuter le spectateur à la recherche d’un peu de subtilité dans l’écriture. On ne peut donc recommander « Kap O Mond » qu’à un public qui voudrait en savoir plus sur l’histoire de celle qui conquit son indépendance en 1804 pour finir par être reconnue en 1825 par l’Etat français comme telle.

Eric Dotter



 
 
 
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