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On va faire la cocotte (jusqu’au 18 juin)

le  27/04/2023   au Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris (du mardi au samedi à 18h30 et dimanche à 15h)

Mise en scène de Jean-Paul Tribout avec Caroline Maillard, Claire Mirande, Julie Julien, Samuel Charle et Jean-Paul Tribout écrit par Georges Feydeau




Emilienne et Alcide Trévelin forment un couple bourgeois conventionnel : ils s’entendent bien et leur différence d’âge (27 ans) n’est pas un sujet de discussion, car, comme le prétend Alcide « les hommes ne vieillissent pas, ils mûrissent ». C’est le soir, et Emilienne veut aller se coucher, mais Alcide tourne en rond. Veut-il donc sortir, lui demande sa femme ? « Si on sort, je suis ton homme, sinon, je suis ta femme ! ». Apparemment oui, et Alcide sort sans son épouse. Seul ? Emilienne a des doutes, elle soupçonne Alcide d’avoir une maîtresse. Elle ne le sait pas mais Emilienne est un personnage de Feydeau et qui dit Feydeau dit maitresses (et peut-être des amants cachés dans le placard !).
On laisse aux spectateurs la découverte de ce vaudeville inachevé et échevelé qui fourmille de quiproquos et de rebondissements. Montés sur ressorts, les personnages surgissent, puis disparaissent. Et c’est là l’excellente idée du metteur en scène et acteur Jean-Paul Tribout (qui incarne Alcide) et de sa scénographe Amélie Tribout : le décor est fait de simples caisses de déménagement dont les personnages jaillissent comme des diables de leurs boites. Pas de porte qui claque ici mais des couvercles qui s’ouvrent et se referment.
L’effet fonctionne pleinement et les comédiens, tous convaincants, servent merveilleusement l’implacable mécanique de Feydeau sur le petit plateau du Lucernaire. Il y a bien sûr Alcide, interprété par Jean-Paul Tribout, l’initiateur de ce projet théâtral. Moustache en alerte et œil pétillant, il incarne avec ce qu’il faut d’énergie le vieil homme encore vert qui ne dédaigne apparemment pas la galipette. Samuel Charle joue Thomas, l’étudiant, qui travaille au PTT, qu’Emilienne fait venir chez elle. Il déploie la jeunesse et le dynamisme de son personnage, n’hésitant pas à faire une véritable cascade sur scène. Enfin, on n’omettra pas le musicien, Dario Ivkovic, qui, coincé dans une boite, ponctue l’action de son talentueux accordéon.
Mais ce sont les femmes qui dominent largement l’action, à commencer par Emilienne, Incarnée avec charme, fermeté et conviction, par Caroline Maillard. Olympe, son amie est, portée par Claire Mirande, qui donne à son personnage cette allure de femme mûre qui ne veut pas vieillir. La cocotte du titre, c’est Julie Julien, bustier pigeonnant, robe à froufrous et accent gouailleur, elle pose son franc parlé des faubourgs et l’oppose à la morgue de ces bourgeois de Trévelin.
Ce qui est particulièrement réjouissant dans ce qui aurait pu n’être qu’un énième vaudeville de Feydeau, c’est la place que l’auteur laisse aux femmes. Ce sont Emilienne et Olympe qui affirment haut et fort leur liberté, y compris sexuelle en ce début du XXème siècle (la pièce date de 1913), pudibond et hypocrite. On peut ainsi dire, avec Emilienne parlant des cocottes « pourquoi ce seraient toujours les hommes qui seraient toujours avec des jeunes, pourquoi on n’aurait pas des cocos ?». Drôle, bien joué, mis en scène avec invention, « on va faire la cocotte » propose un divertissement enthousiasmant dans lequel le message féministe est passé…au second degré.

Eric Dotter



 
 
 
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