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Soif (au théâtre La Luna à 20h10 à Avignon du 07 au 29 juillet)

le  09/03/2023   au théâtre du Rond-Point – salle Roland Topor, 2bis avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris (du mardi au samedi à 19h) puis à Avignon jusqu'au 29/07

Mise en scène de Catherine d’At avec Julien Bleitrach écrit par Amélie Nothomb




Hasard de la programmation, deux des textes d’Amélie Nothomb sont sur les scènes parisiennes en ce moment. On a sur ce même site évoqué « Barbe Bleue » qui montrait une sorte d’ogre échappé du conte de Perrault. Dans Soif, changement total d’univers : c’est LE personnage ultime qui est mis en scène : Jésus-Christ. Apparaissant dans une lumière éblouissante (et sûrement divine), on le découvre en croix, et en proie à d’intenses réflexions, fort humaines. Pendant un peu plus d’une heure, ce fils de Dieu déroulera les pensées qui l’animent depuis son premier miracle jusqu’à son supplice, en passant par sa condamnation via Ponce Pilate.
Ici, pas de crucifié à longue barbe : de l’icône familière à toute l’imagerie catholique, seule est restée la sorte de pagne qui sera bientôt remplacée par le jeans-tee-shirt. Catherine d’At est d’ailleurs claire sur ce point : elle a voulu représenter un Jésus-Christ dans sa banalité, souhaitant que « chacun continue à projeter sa propre image sur Julien » (Julien Bleitrach, le comédien). Alors, ce Jésus décidément bien humain nous narre avec simplicité et parfois beaucoup d’humour les péripéties qui ont émaillé sa courte vie de 33 ans. Son miracle préféré ? Les noces de Cana où il s’est rendu avec sa mère. Evitant à la fête de tourner à l’émeute faute du fruit de la vigne, il change l’eau en vin : « A Cana, on n’exigeait rien de moi ». Il se fait parfois plus intime, révélant ses coups de foudre. Il y a Marie-Madeleine, bien sûr, qu’il préfère appeler simplement Marie, mais aussi Véronique, qui, d’un geste doux, viendra tenter de soulager sa peine lors de sa crucifixion.
A tous les coins de phrase, on sent percer l’œil mutin d’Amélie Nothomb. Ainsi, lorsque Mathieu l’apôtre verse dans la parabole : « mon joug est doux et mon fardeau léger », et Jésus, ployant sous la croix, de lui répondre : « pas pour moi, mes amis ». C’est un superbe décor virtuel qui a été choisi comme toile de fond à ce texte original de la graphomane préférée des français : tour à tour cachot aux moellons infranchissables, désert étouffant ou superbe paysage, la magie de la projection fait voyager le spectateur et donne au jeu une profondeur de champ supplémentaire.
Malgré tout, le jeu de l’unique comédien peine à convaincre et la banalisation voulue du personnage neutralise parfois la richesse et l’originalité du propos. Nous n’y étions qu’à la troisième représentation et peut être la gestuelle, parfois inutilement agitée du comédien, sera-t-elle simplifiée. Sans vouloir se mettre sur la même lignée qu’un personnage dont l’aura et la célébrité traversent les millénaires, on pourra faire sienne sa devise, alors qu’il agonise sur la croix : « Le sens de la vie est de ne pas souffrir ».

Eric Dotter



 
 
 
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