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Les parents terribles

le  03/03/2023   au théâtre Hébertot, 78bis boulevard des Batignolles 75017 Paris (du mardi au samedi à 21h00 et matinée le dimanche à 15h30)

Mise en scène de Christophe Perton avec Charles Berling, Murielle Mayette-Holtz, Maria de Meideros, Emile Berling et Lola Creton écrit par Jean Cocteau


*diffusion sur Aligre FM le jeudi 16 mars à 11h50-55

Lorsque la lumière se fait sur le grand plateau du Théâtre Hébertot, le spectateur est plongé dans la chambre d’un intérieur bourgeois, Yvonne, la mère de famille y trône en reine. Drame de la journée : Michel, l’amour de sa vie, a découché. Michel, son mari ? Non, Michel est le fils vingtenaire, admiré, adulé, chéri avec lequel apparemment le cordon ombilical est resté tressé en filins d’acier. Parmi les autres protagonistes, il y a aussi Georges, le mari d’Yvonne et l’inoxydable Léo, la sœur d’Yvonne, qui est le seul élément d’ordre dans le chaos qui semble régner dans cet appartement parisien. Michel, l’insouciant fils, et Madeleine, son amoureuse, sont presque extérieurs à ce huis-clos.
Dés les premières minutes, on est saisi par le ton boulevardier du spectacle : décors, costumes, jeu de Muriel Mayette-Holz, tout concourt à donner le sentiment d’assister à un de ces nombreuses intrigues bourgeoises qui ont fait le succès des scènes du début du 20ème siècle. Alors on se renseigne plus avant : oui, « Les parents terribles » est bien revendiqué par Cocteau, son auteur, comme un boulevard. Il a conçu la pièce en 1948 en utilisant toutes les recettes qui faisaient le succès de vaudeville. Il souhaitait ainsi répondre aux attentes du public populaire. Bingo ! La pièce sera un succès et sera vue par plus d’un million de spectateurs avant d’être adaptée au cinéma.
Alors, Cocteau, auteur de pochade boulevardière ? Non, il est beaucoup plus que ça ; au fil du déroulement de l’intrigue, l’auteur développe la mécanique implacable et complexe des sentiments de ses personnages : Yvonne, la pasionaria, idolâtre son fils au point de lui dénier la possibilité d’aimer une autre femme qu’elle ; Georges, délaissé par son épouse, va chercher dans la jeunesse de sa maitresse ce que sa femme ne lui donne plus ; et Léo, figure sacrificielle apparemment froide, révèle ses sentiments brûlants. Quant aux jeunes amoureux qui sont Michel et Madeleine, ils semblent promis au sacrifice des passions des adultes.
Huis-clos comico-étouffant, « Les parents terribles » offrent une forme légère et presque comique à une langue qui déroule sa beauté presque anodine au détour de nombreuses répliques. Ainsi, lorsque par exemple Léo s’adresse à sa sœur : « Je ne sais pas si je l’aime ou pas, je ressens plus une habitude du cœur ». L’auteur se permet même des clins d’œil souriants en faisant dire à plusieurs reprises à ses personnages, « on n’est pas au théâtre ici ! ».
Même si l’on peut contester le choix du metteur en scène de s’être orienté vers l’aspect boulevard du texte, force est de reconnaitre que c’est redoutablement efficace et emporte l’adhésion. Après une première partie où Muriel Mayette-Holtz offre un jeu un peu excessif, elle finit par rejoindre le rang et par convaincre, Charles Berling (Georges) joue une partition efficace mais il n’a pas la part belle car ce sont ici les femmes qui mènent le jeu, à l’exemple de Maria de Medeiros qui campe une Léo subtile et classieuse, véritable pendant de sa sœur volcanique. On émettra une très légère réserve sur le jeu des deux jeunes acteurs que sont Lola Créton (Madeleine) et Emile Berling (Michel) mais jouer les amoureux passionnés en sortant des sentiers battus n’est pas chose aisée.
Il serait facile de faire le parallèle entre Yvonne, diabétique qui se pique à l’insuline et Cocteau, l’opiomane compulsif. Il serait encore plus facile de comparer l’amour impossible d’Yvonne pour son fils aux amours interdites de Cocteau pour les hommes. On va donc se contenter ici de suggérer aux spectateurs nombreux de monter dans cette « roulotte » qui semble cheminer à l’écart du monde et de partager pour une heure trente la vie de cette famille où règne le chaos.

Eric Dotter



 
 
 
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