en 
 
 
cinema

 
 

Femmes en colère (jusqu’au 1er avril)

le  08/02/2023   au théâtre La Pépinière, 7 rue Louis Le Grand 75002 Paris (du mardi au samedi à 21h et mâtinée samedi à 16h)

Mise en scène de Stéphane Hillel avec Lisa Martino, Gilles Kneusé, Hugo Lebreton, Nathalie Boutefeu, Fabrice de la Villehervé, Sophie Artur, Clément Koch, Magali Lange, Aude Thirion et Béatrice Michel écrit par Mathieu Menegaux et Pierre-Alain Leleu




Une femme a commis l’irréparable. Agressée, elle a décidé de se venger de la manière la plus irréversible possible de ses deux violeurs. Le jury d’assises se réunit pour la juger. Représentant de l’ordre public, le procureur a requis contre elle 20 ans d’emprisonnement dont une peine de sûreté de 12 ans. C’est sur sa culpabilité et la qualification de ses actes de « barbares » que quatre hommes et cinq femmes, juges professionnels et jurés choisis au hasard, vont devoir trancher.
La mise en scène fait un choix fort judicieux : Mathilde, l’accusée, ne quitte pas la scène un instant. Placée en avant-scène, on la voit torturée par l’attente. Angoissée à la perspective de la réclusion loin de ses deux filles, elle déroule le récit de son agression sans en omettre aucun détail, y compris ceux la mettant en cause, elle, la femme libérée, à qui la liberté sexuelle a indirectement coûté la comparution devant les assises. En alternance avec son récit, nous sommes plongés dans le huis-clos de la salle des délibérations où les débats sont parfois animés, mais toujours pondérés. Le président, juge professionnel représentant du droit, recentre ainsi sans cesse la discussion « la peine (prononcée) doit respecter les intérêts des parties civiles (les deux hommes initialement violeurs mais victimes de la revanche de Mathilde) et de la société ».
Le spectateur reçoit ainsi une splendide leçon de culture judiciaire française. Pas de « votre honneur » ici ; on en apprend beaucoup sur la manière dont un procès aux assises se déroule en France aujourd’hui. Ecrite dans une langue simple, dépourvue de fioritures, « Femmes en colère » est merveilleusement portée par une troupe de 10 comédiennes et comédiens qui, chacun dans son registre, jouent une partition sans fausse note. Et si Lisa Martino, qui interprète Mathilde, met quelques courts instants à convaincre, son jeu vibrant et passionné emporte vite l’adhésion.
On serait tenté de faire une comparaison avec une autre pièce judiciaire fameuse « Douze hommes en colère ». Mais même si le titre « femmes en colère » fait un évident clin d’œil à la pièce de Reginald Rose récemment montée au Théâtre Hébertot, le parallèle s’arrête là : nous sommes ici en France, en 2023 et la colère est celle de la victime avant tout, et avec elle, de toutes celles qui ont ou pourraient partager son sort. Autre différence de taille : là où la victime n’était qu’évoquée et essentialisée dans le film de 1957, « Femmes en colère » décide de donner la parole à la victime/accusée, une parole forte et sincère qui touche le spectateur au plus profond de ses tripes et de son âme.
Au « non », maintes fois répété à ses agresseurs qui refusèrent de l’entendre, le jury d’assises répondra-t-il oui ou non en condamnant ou pas Mathilde ? C’est ce que cette belle pièce profonde et bouleversante propose de découvrir. Une pièce indispensable aurait-on envie d’écrire.

Eric Dotter



 
 
 
                                                      cinema - theatre - musique