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Le retour de Richard III par le train de 9h24 (jusqu'au 30 avril)

le  18/01/2023   au théâtre Actuel/La Bruyère, 5 rue La Bruyère 75009 Paris (du mercredi au vendredi à 21h, mâtinée samedi à 18h30 et dimanche à 16h)

Mise en scène de Eric Bu avec Hervé Dubourjal, Isabelle de Botton, Amandine Barbotte, Camille Bardery, Lauriane Escaffre, Benjamin Alazraki, Jean-Gilles Barbier et Gilles Dyrek écrit par Gilles Dyrek




L’action commence alors que les spectateurs ne sont pas encore tout à fait installés. Sur fond du « j’attendrai », popularisé par Dalida, les protagonistes entrent tour à tour et s’attablent, un, deux, puis bientôt six. Yeux dans le vague ou accrochés à leur portable, ils semblent ne pas prêter attention les uns aux autres. Ils sont finalement tous là, rassemblés autour de la table familiale : enfants, beaux enfants, sœur, épouse, meilleur ami. Et bientôt arrive le patriarche, Pierre Henri, « PH », appuyé sur sa canne. Il va bientôt mourir et il a souhaité les rassembler « j’ai toujours aimé les repas de famille » dit-il sentencieusement. Le spectateur se cale alors dans son fauteuil, et coche mentalement la case « pièce de repas familial qui tourne au vinaigre ».
Mais en y regardant de plus près, on se dit que la famille est bien disparate : Elisabeth, la plus jeune fille a quasiment le même âge que son frère, censé être l’ainé, et surtout il y a l’épouse, beaucoup plus jeune que son mari, certes mais surtout largement benjamine au regard de ses deux enfants supposés. A nouveau le spectateur reprend sa liste et coche la case « casting mal fait »
Mais pensant casting, le spectateur découvrira bientôt qu’il a tout faux : au soir de sa vie, PH, dont toute la famille a disparu dans un accident a embauché des comédiens disparates pour dire symboliquement au revoir à ses proches et surtout, régler les conflits pour partir en paix. Une fois ce rebondissement acté (et ce ne sera pas le seul), la pièce change de ton et la mise en abyme donne lieu à de passionnants et hilarants allers-retours entre l’ego des acteurs au travail et la frustration des membres de l’entourage de PH qu’ils interprètent.
Et les propos caricaturaux des comédiens de se succéder « Ce n’est pas Elisabeth qui pose les questions, c’est la comédienne qui se nourrit » dit ainsi l’interprète de la plus jeune fille de PH. Mais le plus bouffi de prétention, c’est William, l’ami de la famille, faux bienveillant, sorte de bonze un peu sentencieux lorsqu’il est à table, il se révèle le comédien donneur de leçons et reprend systématiquement ses co-acteurs d’un sentencieux « on ne dit pas -je fais [tel personnage], on dit -je suis, quand on est acteur, on est le personnage ». C’est une pièce foncièrement originale qu’a écrit Gilles Dyrek. Ou alors devrait-on écrire plusieurs pièces tant chaque partie ouvre un tiroir qui recèle une surprise, un rebondissement, ou un nouveau personnage. Le ressort comique réside ainsi l’aller-retour permanent entre le jeu des pseudos membres de l’entourage du patriarche et les échanges désabusés des comédiens embauchés pour jouer sa famille.
Au final, plus que l’analyse des dysfonctionnements de la famille de PH, c’est à la confession des failles de chacun des comédiens que le spectateur assiste. C’est bien écrit, bien joué et servi par une troupe de comédiens qui passent avec facilité d’un registre à l’autre. On rit souvent, et l’émotion se révèle avec pudeur, toujours entre deux sourires. Alors, pourquoi Richard 3 ? On ne le révélera pas ici, tout au plus peut-on dire que le rapport entre cette comédie de qualité et Shakespeare n’est que très lointain. Ah si peut-être, l’esprit de troupe…

Eric Dotter



 
 
 
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