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Qui va garder les enfants ? (jusqu’au 31 mars)

le  24/01/2019   au théâtre de Belleville, 94 rue du faubourg du Temple 75011 Paris (du mercredi au samedi à 19h15 et dimanche à 15h et, à partir du 05/03, également mardi à 19h15)

Mise en scène de Gaëlle Héraut avec Nicolas Bonneau écrit par Nicolas Bonneau et Fanny Chériaux




« Qui va garder les enfants ? » : certains d’entre nous se souviennent de cette phrase empreinte d’un bon gros machisme bien gras prononcée par le délicat Laurent Fabius, ex-ministre, membre du comité directeur du PS, à l’annonce de sa candidature par Ségolène Royal aux présidentielles de 2007.
Cette phrase sert de titre au spectacle présenté au Théâtre de Belleville. C’est l’occasion pour le co-auteur, metteur en scène et interprète Nicolas Bonnaud de faire un bilan sur la présence des femmes dans le paysage politique français depuis que la République existe, voire même bien avant. Pour cela, il a accumulé une volumineuse documentation et suivi certaines des femmes qui font ou ont fait la politique de notre pays. Il en a ensuite fait une synthèse sous forme de spectacle.
Parmi les plus célèbres de celles qu’il a rencontrées pendant ces deux ans de collecte, on retiendra Yvette Roudy et Ségolène Royal. Le comédien restitue leur parole et leurs postures sans les caricaturer, avec une délicatesse qui tient de l’évocation plus que de l’imitation : ainsi, lorsqu’il restitue son entretien avec Yvette Roudy, première ministre des droits de la femme qui exerça sous la présidence de François Mitterrand, il en fait un figure austère, rigide, pure - « encore un homme qui se mêle de parler des femmes ! » lâche-t-elle en l’accueillant. Une Yvette Roudy qui ne concède rien à la mode des confidences personnelles et veut relire tout ce qu’il aura écrit sur elle. Il en est tout autrement lorsqu’il rencontre Ségolène Royal en plein essayage d’escarpins. Mais malgré son apparente légèreté, elle décrit dans un accent d’honnêteté la manière dont Michel Rocard l’invitera à retirer sa candidature au PS (décidément !) en lui envoyant son « charme » à la figure.
Dans une énumération parfois fastidieuse, parfois maladroite (on est un instant bouleversé par l’intervention de la voix de Simone Veil qui contraste avec le reste du texte du spectacle) et pas toujours lisible des femmes politiques, Nicolas Bonneau touche à l’essence de son sujet lorsqu’il restitue sa rencontre d’une journée avec la mairesse de Saint Julien des Combes dans le Limousin, qui court d’une querelle de voisinage vers l’inauguration de Pomme expo en passant par la visite du chantier du stade dans lequel « la buvette a été refaite mais pas les vestiaires pour filles ». La scénographie, parfois inutilement chargée, sait à ce moment saisir l’effacement contraint de la mairesse au milieu d’une réunion de la communauté de communes confisquée par les hommes.
Alors, « Qui veut garder les enfants ? » est-il un spectacle de plus sur le féminisme ? Certes mais un spectacle avec ses spécificités : celui-ci est interprété par un homme, un homme qui n’épargne pas son genre lorsqu’il campe avec malice un politique/bateleur/harangueur qui sous couvert de discours féministe verse dans la pure misogynie. « Vous avez le pouvoir de murmurer à l’oreille du chef », dit-il ainsi dans un accent de démagogie du plus bel effet. Honnête, le comédien l’est aussi lorsqu’il admet avoir été frustré en classe de 3ème lorsque Virginie, son premier amour goutera au militantisme et le délaissera quelque peu : il dit ainsi avoir été « frustré d’être le petit ami d’une meneuse d’AG ».
Et l’homme sur scène de s’interroger : comment se fait-il qu’il ait toujours été choqué des inégalités sociales et pas des inégalités entre hommes et femmes ». Parmi les nombreuses fausses fins d’un spectacle dont la forme reste à affiner, on nous permettra de choisir la nôtre, et d’adopter aussi la voix des femmes : « nous ne sommes pas meilleures que vous, mais nous pourrons difficilement être pires ».

E.D



 
 
 
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