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Voyage au bout de la nuit (jusqu'au 1er juin)

le  02/05/2019   au théâtre Tristan Bernard, 64 rue du Rocher 75009 Paris (du mardi au samedi à 21h)

Mise en scène de Franck Desmedt avec Franck Desmedt écrit par Louis Ferdinand Céline




Résumer quelques 600 pages plutôt denses, d’une écriture aussi riche que celle de Céline, dans « voyage au bout de la nuit » en un peu plus d’une heure de spectacle, c’est le pari entrepris par Philippe del Socorro. Ce fait d’armes n’aurait cependant que peu d’intérêt, s’il n’avait abouti à ce beau spectacle présenté en ce moment par Franck Desmedt qui interprète et met en scène ce texte vibrant. Car ce qui marque avant tout, c’est la langue magnifique de Céline, et dans le concentré tel que rédigé par l’adaptateur, ce sont les phrases chocs qui frappent.
Au fil de ce texte, que l’on hésite à qualifier de monologue tant le comédien incarne des personnages différents au fil du récit, on en entend beaucoup. Même réduit à son essence, le récit et la structure de l’œuvre de Céline subsistent : comme dans l’original, on retrouve Ferdinand Bardamu place de Clichy en 1914 qui finit par s’engager dans la guerre contre les allemands et cela malgré son absence d’a priori contre eux : « aussi loin que je cherchais dans ma mémoire, je leur avais jamais rien fait aux allemands » dit-il ainsi. On le suit ensuite dans ses relations avec les femmes, sa rencontre avec Musyne, jeune violoniste : « l’amour, c’est l’infini à la portée des caniches » dit ainsi drôlement le narrateur.
Chaque scène, reproduisant les différents chapitres du livre, a droit à son ambiance sonore et lumineuse, savamment travaillée par le metteur en scène. Après Paris, et les champs de guerre, c’est l’Afrique, poisseuse et étouffante dans laquelle Bardamu se retrouve après avoir déserté. Mais déjà, changement d’ambiance, un embarquement ainsi qu’un long et pénible voyage en paquebot plus tard, Bardamu se retrouve à New York qui le fascine : « New York, c’est une ville debout, chez nous elles sont couchées ». A Detroit où il est allé chercher du travail, il en trouvera chez FORD, Il rencontrera Molly, prostituée qui deviendra sa maîtresse et l’entretiendra « pour la première fois, un être humain s’intéressait à moi ».
Misanthrope, Ferdinand n’en reste pas moins lyrique voire poétique. Aucune haine ne suinte de ce récit sans illusions d’un homme désabusé. On se surprend souvent à sourire devant la belle langue jouée avec talent par Franck Desmedt qui emprunte plusieurs voix pour figurer les différents intervenants, y compris les femmes. C’est une vision du monde que Céline propose dans « Voyage au bout de la nuit » et c’est à ce voyage que Franck Desmedt nous convie. Profitons donc de cette belle expérience de communion collective que nous propose le théâtre, et particulièrement le théâtre Tristan Bernard pour ce spectacle et défions-nous de cette phrase de Céline qui affirme « C’est le voyageur solitaire qui va le plus loin ».

E.D



 
 
 
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