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Le paradoxe des jumeaux (jusqu’au 3 mars)

le  25/01/2019   au théâtre La Reine Blanche, 2bis passage Ruelle 75018 Paris (du mercredi au samedi à 20h45 et dimanche à 15h, dates supplémentaires les 31/01 et 21/02 à 14h30)

Mise en scène de Bernadette Le Saché avec Sabine Haudepin, Elisabeth Bouchaud et Karim Kadjar écrit par Jean-Louis Bauer et Elisabeth Bouchaud




Lorsqu’elle évoque les lettres quotidiennes envoyées par Marie Curie à son mari défunt Pierre pendant 6 mois, après sa mort, les yeux d’Elisabeth Bouchaud brillent : « c’est parmi les plus belles choses qui ont été écrites », dit l’interprète de Marie Curie rencontrée juste après la première représentation du « Paradoxe des jumeaux », actuellement au théâtre de la Reine Blanche dont elle est également la directrice.
Elle y campe une Marie Curie austère dans sa robe noire de veuve boutonnée jusqu’au cou : elle y incarne aussi une chercheuse passionnée par son travail, tout aussi rigoureuse lorsqu’elle revêt la blouse blanche pour travailler dans son laboratoire. « Je n’ai pas le droit d’avoir une vie en dehors de la recherche », dit-elle à Paul Langevin, ex-élève de son mari qui l’encadre étroitement. Il faut dire que le jeune Paul (né 23 ans après le défunt mari de Marie) en pince pour l’austère polonaise. L’occasion d’un joli jeu de mots faisant s’opposer « la chimie de l’impondérable » (permettant de mesurer autrement ce qui ne peut être pesé), évoquée par Marie Curie à la « chimie des sentiments », glissée par un Paul Langevin énamouré.
Et ainsi, malgré la nostalgie de son pays natal attisée par sa sœur Bronia - « Ton travail n’a de sens que pour la reconstruction de ton pays », dit-elle ainsi -, Marie va rester en France et tisser une union avec le scientifique qui a pour défaut majeur d’être marié et père de famille. S’ensuivra un immense scandale attisé par la presse dont une partie se remet à peine de sa campagne antidreyfusarde : « manœuvres de l’étrangère », hurle ainsi à pleines colonnes la presse conservatrice pour évoquer ce qu’elle qualifie d’« enlèvement du père à ses enfants ». Science et passion humaine sont ici entremêlées. Aux plus savants, on suggérera d’essayer de comprendre la théorie des deux jumeaux, une théorie de la relativité découverte par Langevin qui finira par se faire damer le pion à Einstein. La formule (réelle) en est inscrite sur le tableau noir, élément du décor de la pièce.
Aux plus sentimentaux - ou moins scientifiques -, on suggérera de se focaliser sur la tension dramatique de la pièce, portée par sa comédienne principale, et fort bien servie par ses deux camarades de jeu. Au final, plus qu’un duo amoureux entre Paul et Marie, c’est bien un trio amoureux que « le paradoxe des jumeaux » met en scène, tant l’amour de Marie et l’admiration de Paul pour le défunt Pierre Curie, « irradie » leur relation. Parmi les minces réserves, on regrettera certaines scènes qui sont de l’ordre du clin d’œil aux initiés. Ainsi, l’intervention de la vidéo de Loie Füller dansant avec ses voiles de couleur, ne peut être comprise que si l’on sait que la danseuse avait demandé aux époux Curie de lui donner du radium pour illuminer ses voiles et créer un effet scénique. On regrettera aussi parfois de ne pas avoir été meilleur au lycée et d’être aussi largué devant certaines explications scientifiques.
Mais au final, que l’on comprenne ou pas les formules, on jubile devant la réussite de Marie Curie, qui, en 1911, obtiendra pour elle seule un Prix de Nobel de chimie, après le prix de physique qu’elle avait partagé avec son mari Pierre en 1903. Et c’est donc en femme seule et indépendante qu’elle montera sur le podium pour prendre possession de son prix, à une époque où pour tous les hommes «être femme et scientifique est un oxymore » et, après un vibrant hommage à son défunt Pierre, elle réitérera son credo : « La vie est un sacrifice nécessaire, seule compte la science ».

E.D



 
 
 
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