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Un mois à la campagne (jusqu'au 28 avril)

le  09/03/2018   au théâtre Déjazet, 41 boulevard du Temple 75003 Paris (du lundi au samedi à 20h30)

Mise en scène de Alain Françon avec Nicolas Avinée, Jean-Claude Bolle-Reddat, Laurence Côte, Catherine Ferran, Philippe Fretun, Anouk Grinberg,
India Hair, Micha Lescot et Guillaume Lévêque écrit par Ivan Tourgueniev




Un mur vieilli revêtu d’une peinture piquée, plus quelques pièces de meubles en rotin : c’est là tout le décor on ne peut plus dépouillé qui attend le spectateur entrant au Théâtre Déjazet pour y voir « Un mois à la campagne », la pièce d’Ivan Tourgueniev mise en scène actuellement par Alain Françon.
Mais Bientôt l’animation prend vie dans ce qui est apparemment la résidence d’été d’une famille aisée. A droite, la table de jeu où une dame sévère se chamaille élégamment avec son partenaire de cartes. Et à gauche sur le canapé, il y a elle, celle que l’on remarque immédiatement : Natalia Pretrovna, la maîtresse des lieux. Elle badine avec légèreté pendant que son fidèle ami Mikhäil Alexandrich Rakitine lui fait la lecture. Peu à peu, les personnages arrivent sur scène et l’intrigue se noue progressivement.
Ce qui se joue est en fait très simple et universel : un jeune précepteur arrive pour enseigner au jeune Arkady Sergueï Islaïev, fils de Natalia Petrovna Islaeïva et à sa pupille, Véra Alexandrovna. Jeune homme fougueux et passionné, il va, malgré lui, semer le trouble auprès de sa jeune élève et surtout de sa patronne Natalia Petrovna. Arrivera avec lui son lot de querelles et de jalousies (policées car on est ici entre gens bien nés !).
L’histoire est donc simple mais c’est dans les rapports entre les personnages que la pièce déploie donc toute sa passionnante complexité. Les relations sont multiples et parallèles. Chacun des comédiens, qui porte un personnage, a ainsi l’occasion de faire montre de son (grand) talent. Ainsi en est-il du docteur, ami de Natalia Petrovna et de son mari, homme cynique et désabusé. Ainsi en est-il aussi de Véra Alexandrovna (India Hair), qui de jeune fille insouciante, va se muer en amoureuse rebelle, se révoltant contre l’autorité de sa tutrice. Il y a aussi et surtout le duo amical/amoureux (on ne le saura pas) entre Natalia Petrovna, formidable Anouk Grinberg et Rakitine, l’impeccable Micha Lescot, doux dandy bientôt relégué au rang de jouet ennuyeux suite à l’arrivée du jeune précepteur. Ces deux là jouent une partition absolument sans fausse note même en ce soir de première à laquelle nous étions présents. Ces deux-là vont constituer le noyau dramaturgique de ce mois à la campagne. Elle minaudant à l’excès, changeant sans cesse d’humeur, et lui jouant de sa proximité avec cette femme, que l’on dit si dure mais que l’on découvre si changeante et en proie au doute.
La langue est nette, pure : la traduction de Michel Vinaver, grand auteur dramatique contemporain, lui donne une acuité particulière en la simplifiant. La mise en scène d’Alain Françon se focalise sur l’essentiel : le jeu des acteurs. Et même si l’on peut arguer du fait qu’il ne s’agit là que d’une petite intrigue entre membres de la bourgeoisie russe, et que ce « coup de tonnerre dans un ciel sans nuages » (pour reprendre une expression de la pièce) n’est jamais qu’un petit jeu – presque - sans conséquences, on sort de ces deux heures de théâtre, galvanisé par l’intelligence du propos et par le talent de cette belle et grande troupe de 11 comédiens réunis le temps de ce « mois à la campagne »....

E.D



 
 
 
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