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- 2 expos : Tina Modotti - "L'oeil de la révolution" et Bertille Bak - "Abus de souffle" au Jeu de Paume (jusqu'au 12 mai)

le  13/02/2024   au Jeu de Paume 1, place de la Concorde, 75008 Paris

Mise en scène de Isabel Tejeda Martín, commissaire de l'expo Tina Modotti + Marta Ponsa, commissaire de l'expo Bertille Bak (en présence de l'artiste) avec des photos, des vidéos, des sculptures, des dessins... écrit par ou plutôt proposé par Quentin Bajac, directeur




- L'oeil de la révolution de Tina Modotti :
Consacrée à son travail photographique, l’exposition donne à voir une œuvre longtemps disséminée et dissimulée. Elle permet de retracer la fulgurance du parcours de l’artiste, du cinéma muet hollywoodien et de la photographie d’art de ses débuts, à ses liens avec les muralistes mexicains et son engagement politique.

La vie de Tina Modotti (Udine, Italie, 1896 – Mexico, 1942) a été marquée par quelques-uns des événements historiques majeurs les plus importants de la première moitié du XXe siècle (notamment les années 1920/1930) : l’émigration économique des Européens vers l’Amérique, la naissance du cinéma muet sur la côte ouest des États-Unis, les mouvements agraires postrévolutionnaires au Mexique, l’essor du muralisme politique, la revendication de la culture indigène mexicaine, l’émancipation des femmes dans la sphère publique, l’opposition entre staliniens et trotskistes après la révolution russe de 1917 et la guerre civile espagnole.

Elle fait partie d’une génération de femmes qui a apporté une contribution majeure à la photographie des années 1920 et a exercé une grande influence sur la photographie mexicaine ultérieure, de Manuel Álvarez Bravo à Graciela Iturbide. Modotti s’est initiée à la pratique de la photographie grâce à Edward Weston ; toutefois, son œuvre, qui développe une vision très personnelle, dépasse l’enseignement formaliste de ce dernier. Après son émigration économique depuis la ville italienne d’Udine jusqu’à San Francisco et Los Angeles, Modotti part pour le Mexique, où elle participe à la « renaissance mexicaine » et à l’effervescence culturelle postrévolutionnaire. Intégrée au cercle des artistes et des muralistes établis sur place, elle allie rapidement une « photographie incarnée » au formalisme de Weston. Militante du Parti communiste mexicain (PCM) dès 1927, elle dénonce la condition des démunis avec son appareil photo, insistant notamment sur la construction d’un nouvel imaginaire autour des femmes mexicaines.

En 1930, Modotti est expulsée du Mexique en raison de son engagement communiste. Elle vit alors pendant plusieurs années en Union soviétique, où son militantisme photographique se transforme en activisme. Au milieu des années 1930, le Parti communiste soviétique l’envoie en Espagne. Durant la guerre civile, elle organise l’évacuation des « enfants de la guerre », coordonne la gestion des hôpitaux militaires et mène à bien les missions relatives à la propagande. À la suite de la défaite des républicains en 1939, elle traverse les Pyrénées aux côtés de milliers d’exilés. Épuisée et désillusionnée par l’issue de la guerre d’Espagne, elle doit à nouveau quitter l’Europe. Elle décède en 1942 dans la ville de Mexico.

-Abus de souffle de Bertille Bak :
Les vidéos, installations, photographies, sculptures et dessins de Bertille Bak (née en 1983 à Arras et nominée du prix Marcel Duchamp en 2023) mettent en scène des communautés dans lesquelles elle s’est au préalable immergée, afin d’en saisir les codes, les mœurs et les rites. Militante humaniste, elle collecte et archive les traces de ces groupes marginalisés, « invisibles », pour créer des récits filmiques et des œuvres teintées de poésie.

Détournant les représentations habituelles de communautés marginalisées ou invisibilisées, l’œuvre de Bertille Bak (née en 1983 à Arras) met en scène des populations, des rituels ou des situations qu’elle subvertit avec la complicité des protagonistes eux-mêmes.

Sans scénario préalable, l’artiste s’immerge dans le mode de vie d’un groupe — l’équipage d’un bateau de croisière à Saint-Nazaire, des cireurs de chaussures à La Paz, de jeunes mineurs indiens, indonésiens ou thaïlandais, des demandeuses d’asile résidant à Pau, des artisans dans la médina de Tétouan. Elle évolue à leur contact, observe leurs rites, leurs gestes et leurs objets, avant d’y instiller de nouvelles règles et des artifices en tout genre. Bertille Bak conçoit dès lors avec ces communautés des rituels collectifs qui produisent une image d’elles-mêmes émancipatrice, libérée des clichés véhiculés tant par des documentaires misérabilistes que par un discours activiste basique. Loin de banaliser leurs conditions de vie précaires, Bertille Bak montre ces réalités le plus souvent faussées par l’imaginaire collectif, et donne aux premiers concernés les moyens de se raconter par des chemins détournés. Ensemble, ils façonnent des récits fictionnels, des histoires qui bousculent l’ordre établi et le sentiment de fatalité, puis elle leur propose de recourir à la performance et au théâtre.

Bertille Bak place la question du travail au centre de ses projets. Elle fait appel à des savoir-faire et à des moyens de production préindustriels comme à autant d’actes militants relevés d’une note de fantaisie et d’humour. L’action prévaut sur l’esthétique. Les images sont trafiquées au moyen d’effets spéciaux bidouillés et low-tech inspirés des jeux d’arcade ou bien avec des techniques du cinéma primitif. Il en ressort un ton léger, en contrepoint de la profondeur des sujets traités. Bertille Bak ne cherche pas à créer une illusion de vraisemblance, mais à dévoiler les coulisses de la construction de toute image et à avertir le public, d’une manière à la fois tendre et loufoque, que l’art n’est qu’un simulacre.



 
 
 
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