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- expo : Le chef-d'oeuvre inconnu - entre génie et folie à la Maison de Balzac à Paris (jusqu'au 6 mars 2022)

le  18/11/2021   au la Maison de Balzac, 47, rue Raynouard 75016 Paris (du mardi au dimanche de 10h à 18h

Mise en scène de Yves Gagneux, commissaire de l'exposition et directeur de la Maison de Balzac avec des peintures, dessins et fi­lms des XXe et XXIe siècles écrit par Balzac ainsi que par d'autres




Le Chef-d’oeuvre inconnu est l’un des romans les plus célèbres de Balzac. Alliant intimement les thèmes de l’érotisme, de l’esthétique et de la mort, ce texte a inspiré les philosophes comme les artistes, apparaissant comme une source inépuisable de création et de réflexion. L’exposition se propose de témoigner de cette influence.

Grâce à une sélection inédite de peintures, dessins et fi­lms des XXe et XXIe siècles, l’exposition délivre une véritable réflexion sur l’art. Les œuvres d’artistes majeurs comme Pablo Picasso ou Anselm Kiefer, s’inspirent de ce conte fantastique devenu, au ­fil des reprises faites par Balzac, un essai philosophique sur la ­finalité de l’expression artistique.

-Le chef-d'oeuvre inconnu - une exégèse de l'art :
Le Chef-d’œuvre inconnu met en scène dans le Paris du début du XVIIe siècle, deux grands peintres ayant existé, Nicolas Poussin et Frans Pourbus le jeune, ainsi qu’un troisième ctif, maître Frenhofer.
Le jeune Nicolas Poussin, fraîchement arrivé à Paris, rencontre dans l’atelier de Pourbus un vieil artiste, Frenhofer, qui critique dédaigneusement puis magnifie en quelques retouches une œuvre réalisée par Pourbus. Il tient sur l’art un discours profond mais exprime aussi ses doutes : il travaille depuis dix années à un portrait qu’il souhaite comparer à une femme parfaite, afin de vérifier qu’il a surpassé la nature en beauté et en vérité.
Poussin propose alors un échange : il fera poser sa maîtresse – au risque de perdre son amour – contre quelques minutes de contemplation de cette peinture magistrale. Cependant, une fois admis dans l’atelier, Pourbus et Poussin n’aperçoivent, au lieu d’une figure de femme, qu’un « chaos de couleurs, de tons, de nuances indécises, espèce de brouillard sans forme » dont se dégage seulement le bout d’un pied nu « mais un pied délicieux, un pied vivant ! ». Ulcéré par leur réaction, Frenhofer dissimule sa toile sous un tissu de serge verte et congédie les deux peintres.
Les six éditions du Chef-d’œuvre inconnu, parues du vivant de Balzac, témoignent de l’habitude de l’écrivain de corriger sans cesse ses œuvres, mais aussi de son attachement particulier à cette nouvelle. Au fil des réécritures, le conte fantastique devient roman philosophique, et l’histoire d’amour s’accompagne d’une réflexion majeure sur le concept d’art. Il en résulte une complexité, une intensité psychologique, une multiplicité des thèmes qui, amplifiées par la profondeur de la pensée et la subtilité de l’écriture, expliquent la fécondité d’un récit où chacun relève des pensées différentes, voire contradictoires. Comment figurer l’être humain ? Qu’est-ce que l’art ? Frenhofer est-il le prophète génial de la modernité artistique ou au contraire un peintre fou ? Est-il possible d’associer l’amour et l’art ?
Autorisant des lectures multiples, Le Chef-d’œuvre inconnu a stimulé nombre d’artistes qui se sont approprié cette nouvelle pour développer des réflexions personnelles, exprimées dans les œuvres exposées.

-Le parcours de l'exposition :
*Le Chef-d’œuvre inconnu propulsé au firmament de l’histoire de l’art grâce à Picasso
Les premiers illustrateurs de cet ouvrage s’en tiennent à des représentations littérales, personnages ou scènes d’atelier.
En 1926, l’éditeur et marchand d’art Ambroise Vollard décide d’utiliser des études graphiques de Picasso. Ces dessins sont complétés par des planches spécialement commandées pour ce projet.
Dans ces treize gravures, Picasso explore les rapports de l’artiste avec son modèle, un thème qu’il apprécie et que Balzac aborde dans son roman.
Quelques années plus tard, Picasso s’installe rue des Grands-Augustins, à l’adresse même où commence la nouvelle de Balzac. Il y réalisera notamment son propre chef d’œuvre : Guernica.

*Le Chef-d'oeuvre inconnu illustré par Picasso :
Ambroise Vollard (1866-1939) est un marchand d’art audacieux qui soutint Gauguin et fut le premier à exposer Matisse ou Picasso. Grand admirateur d’Alfred Jarry, il se passionna également pour la littérature. Dès 1894, il devient éditeur de gravures et de livres d’art et s’implique très fortement dans la gravure comme dans les livres. Faute de contrat et de correspondance, l’histoire de son Chef-d’œuvre inconnu reste mal connue.
L’idée du livre serait venue à Vollard après sa découverte dans l’atelier de Picasso d’un carnet de croquis exécutés en 1924, présentant d’énigmatiques séries de lignes droites reliant des points. A-t-il aussitôt fait le lien avec la mystérieuse dédicace « À un lord », suivie par cinq lignes de points, apposée par Balzac sur l’édition de 1846 ? Blaise Cendrars contribua-t-il à la genèse du projet, comme le suggère Picasso bien des années plus tard ?
Seize pages de dessins en traits et points sont proposées avant le texte de Balzac, « en manière d’introduction par Pablo Picasso ».
Douze gravures hors texte numérotées de I à XII ont été réalisées en 1927 ; la table qui les regroupe a été commandée en 1931. Vollard semble avoir acquis plus de gravures qu’il n’en a utilisées, et a retenu neuf représentations d’ateliers (sept de peintres et deux de sculpteurs), une scène de tauromachie, deux autres d’esquisses. On ne connaît pas les parts respectives de Picasso et de Vollard, ni dans le choix des images ni dans celui de leur disposition.

*Le Chef-d'oeuvre inconnu à l'écran :
Avec La Belle Noiseuse, Le Chef-d’œuvre inconnu fait son entrée au cinéma sous l’œil de Jacques Rivette.
Jacques Rivette admirait Balzac qu’il cite à l’occasion dans ses lms. La Belle Noiseuse (1991) s’inspire très librement du Chef-d’œuvre inconnu : l’action se déroule en Provence à la n du XXe siècle.
Contrairement au héros de Balzac, le peintre ne cherche pas à surpasser la nature mais tente de traduire la personnalité profonde de son modèle – au risque de le détruire psychologiquement – et il atteint son but.
Pour cette adaptation, la question de la représentation du chef-d’œuvre de Frenhofer devient primordiale. En 1990, le réalisateur choisit Michel Piccoli pour incarner le vieux maître mais s’adresse à un peintre, Bernard Dufour, pour dessiner devant la caméra les formes de la jeune Emmanuelle Béart.
Dans cette œuvre cinématographique, Jacques Rivette aborde une nouvelle fois le thème du modèle, de sa personnalité et de ses interactions avec l’artiste, mais dans un sens très personnel.
La projection d’extraits du film accompagnera l’exposition inédite de quatre œuvres de Dufour, dont une marquée par l’empreinte du pied de Jane Birkin.

Dans La Belle Noiseuse, Frenhofer est depuis dix ans marié à Liz, son précédent modèle, et par amour pour elle, a abandonné son chef-d’œuvre. Il renoue avec son ambitieux projet lorsqu’il rencontre Nicolas et la compagne de ce dernier, Marianne ; laquelle accepte de poser pour lui. Liz avertit Marianne du violent traumatisme qui la menace si Frenhofer parvient à figurer son intériorité. Quelques jours plus tard, Liz cherchant son mari le trouve endormi dans l’atelier. Elle aperçoit alors l’esquisse qu’il avait autrefois faite d’elle et qu’il a presque entièrement recouverte pour y figurer Marianne. Elle s’éloigne sans bruit mais l’empreinte de son pied sur un dessin posé à terre, trahit son passage. Cette séquence, très importante dans le scénario, fait écho au « pied vivant » de la nouvelle de Balzac.

-Balzac, source d’inspiration de la création contemporaine :
D’autres grands artistes tels Eduardo Arroyo, Paula Rego, Anselm Kiefer et Callum Innes vont à leur tour s’approprier Le Chef-d’œuvre inconnu.
Balzac avait très tôt considéré l’artiste comme un visionnaire, capable de révolutionner la pensée et l’idée que l’on se fait du monde. Telles sont les œuvres présentées dans cette exposition, qui proposent toutes une lecture originale du Chef-d’œuvre inconnu. L’in délité au récit devient hommage à la richesse de la pensée, aussi riche que dense, qui af£ eure à chaque page de ce court roman.
En adaptant très librement le roman, Eduardo Arroyo, Jacques Rivette, Bernard Dufour ou Paula Rego s’inscrivent dans la continuité de Picasso car chacun offre une approche singulière, et suggère une nouvelle manière de lire le récit.
En sélectionnant quelques œuvres parmi les plus remarquables, l’exposition souligne la complexité de la ré£ exion de Balzac qui, aujourd’hui encore, contribue à nourrir la création artistique.



 
 
 
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