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Diari d’amore (jusqu’au 16 juin)

le  08/06/2024   au sein de L’Athénée/théâtre Louis Jouvet, 2-4 square de l’Opéra Louis Jouvet 75009 Paris (du mardi au samedi à 20h et dimanche à 16h)

Mise en scène de Nanni Moretti avec Valério Binasco, Daria Deflorian, Allesia Giuliani, Arianne Pozzoli et Giorgia Senesi écrit par Natalia Ginzburg




Un couple d’âge moyen discute, allongé dans son lit. Il ne se dit pas grand-chose de fondamental, mais peu à peu leur portrait s’esquisse, celui d’un couple de petits bourgeois italiens ; lui prétendu écrivain sans un sous et elle, oisive. « Tu fais tout à moitie », lui reproche-t-il sans animosité. « Depuis que je suis sans boulot, je me sens libre », réplique-t-elle.
Depuis leur trône horizontal, qu’ils ne quitteront quasiment pas, ils commentent, donnent des ordres à une invisible domestique qu’ils n’ont pas - ou plus - les moyens de payer, mais qui fait « tourner » la maison. Ils évoquent leur fille, que l’on ne verra pas non plus. Tout n’est que banalités mornes. Un couple, eux ? Une sorte d’équipe plutôt, réunie par la médiocrité et la lassitude : « Tout est fatigant ». Alors quand un semblant d’intrigue teinté de trahison fait son entrée, c’est aussi l’indifférence qui domine. Pas de déchirement ni de désespoir, seule la peur purement égoïste d’un manque à venir : « J’avais l’impression que ma vie tenait debout ».
Rideau sur « Fraogola e panna » (fraise et crème) qui constitue la première partie de cet assemblage de deux pièces de Natalia Ginzburg interprétées en italien et surtitrées en français. S’agissant de la première mise en scène au théâtre du célèbre cinéaste Nanni Moretti, on cherche en vain quelque chose qui pourrait évoquer son cinéma bavard et introspectif. On n’y trouve que l’ennui, certes servi par d’excellents comédiens.
C’est donc plein d’espoir que l’on aborde la deuxième des pièces intitulée « Dialogo » (dialogue). Elle met en scène l’intérieur bourgeois d’un avocat et de son épouse. Même déclinaison, un cran au-dessus dans l’échelle sociale : l’avocat et sa femme ne constituent plus qu’un duo indifférent qui fait en sorte de se croiser le moins possible, au point que leur fort bavarde domestique envisage de démissionner rapidement, gagnée par l’ennui qui suinte de la maison. L’évènement marquant ici, c’est l’arrivée de Barbara, une frêle jeune fille de 19 ans. Elle a fui son foyer, un mari violent et jaloux, et veut se réfugier chez l’avocat, son cousin affirme-t-elle. Mais l’avocat est-il réellement son cousin ? Comment sa femme envisage-t-elle l’arrivée de cette trop jeune femme ?
C’est un vaudeville bourgeois un tout petit plus animé qui est esquissé cette fois, donnant l’occasion aux comédiens, tous excellents, de briller chacun dans leur registre : depuis la frêle jeune fille jusqu’à la fort bourgeoise et indifférente maitresse de maison, en passant par la sœur de ladite maitresse de maison, classe et snob. On nous dit que c’est l’essence même du théâtre de Natalia Ginzburg de dénoncer une société trop indifférente aux péripéties de la vie. Mais hélas, l’indifférence des personnages, témoins mornes des péripéties dont ils sont également les acteurs, gagne aussi le spectateur et c’est à son tour indifférent à cette petite forme théâtrale que le spectateur quitte la fort jolie bonbonnière que constitue le théâtre de l’Athénée. Une bonbonnière dont le contenu est hélas cette fois-ci bien décevant.

Eric Dotter



 
 
 
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