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Emily Dickinson : a quiet passion

Sortie  le  03/05/2017  

De Terence Davies avec Cynthia Nixon, Jennifer Ehle, Jodhi May, Keith Carradine, Catherine Bailey et Emma Bell


Nouvelle-Angleterre, XIXème siècle. Dans son pensionnat de jeunes filles de bonne famille, la jeune Emily Dickinson ne cesse de se rebeller contre les discours évangéliques qui y sont professés. Son père se voit contraint de la ramener au domicile familial, pour le plus grand bonheur de sa soeur Vinnie et de son frère Austin. Passionnée de poésie, Emily écrit nuit et jour dans l’espoir d’être publiée.
Les années passent, Emily poursuit sa recherche de la quintessence poétique. La rencontre avec une jeune mondaine indépendante et réfractaire aux conventions sociales ravive sa rébellion. Dès lors, elle n’hésite plus à s’opposer à quiconque voudrait lui dicter sa conduite.
Personnage mystérieux devenu mythique, Emily Dickinson est considérée comme l’un des plus grands poètes américains.


Pas très facile ni forcément évident de porter à l’écran la vie d’une poétesse aussi connue soit-elle (ici le portrait de « la plus grande poétesse américaine » sous la forme d’un biopic), de surcroît plus ou moins « recluse » de son propre gré et de sa propre volonté dans sa grande maison familiale, cette dernière étant particulièrement unie et aimante mais peu joyeuse à bien des égards ! Dans cet exercice, beaucoup s’y sont cassés le nez (souvenez-vous de Sylvia en 2003, Le tigre et la neige en 2004, et Monsieur Flynn en 2012 !) alors que d’autres ont néanmoins réussi ce pari considéré comme plutôt assez difficile voire périlleux (Le cercle des poètes disparus en 1989, Rimbaud Verlaine et Dead man en 1995, Bright star en 2009, ainsi qu’Ingrid Jonker en 2011). Malgré tout et en toute connaissance de cause, il faudra cette fois s’armer de patience en regardant pendant plus de 2 heures l’existence disons austère d’Emily Dickinson.
C’est Cynthia Nixon (Little Manhattan ; Sex and the city 1 & 2 ; An englishman in New York) qui s’y colle avec maestro (elle a un petit air d’Isabelle Carré, « le visage adorable et l’âme belle »), interprétant impeccablement cette femme difficile à satisfaire, certes honnête mais blessante à souhait, sophistiquée et pleine d’éloquence (elle a de la répartie en toute occasion) mais vaniteuse, étriquée, stoïque, aigrie et particulièrement amère aux idées morbides, une « vieille fille » à l’esprit tourmenté (elle se pose des questions sur sa dévotion, elle qui n’est pas sûr de sa foi), pédante, stricte, empruntée, hostile et peu docile, aussi exigeante qu’insolente et aussi intransigeante qu’exaspérante, d’autant qu’elle ne laisse aucune place à l’excentricité (à part un ou 2 cris d’enthousiasme ou d’exaltation au tout début lorsqu’elle était encore jeune, et quelques badinages frivoles superficiels, genre entre pimbèches qui pérorent, avec une amie pleine d’esprit, libre de toutes contraintes et préjugées), ni d’ailleurs son frère et sa sœur tout sourire et encore moins ses parents (son père, joué par Keith Carradine, s’est fait pour l’occasion une tête à la Abraham Lincoln vieux). Bref, une indépendante affichée bien avant l’heure mais toutefois assez « seule dans sa rébellion » !
Vous voyez donc un peu le tableau et, à ce titre, ceux de l’intérieur de sa demeure retranscrits en image de manière extrêmement précise, posée et calme par le réalisateur anglais Terence Davies (The deep blue sea ; Chez les heureux du monde ; Sunset song – des mises en scène autour de la destinée de femmes aux parcours riches qui se déroulent à peu près à la même période, c’est-à-dire au début du 20ème siècle -) sont d’un théâtral appuyé, tout comme les dialogues rarement ironiques (entrecoupés de lectures en voix off de poèmes sans grande flamme), et d’une authenticité soulignée (on pense aux éclairages à la bougie façon Kubrick dans Barry Lyndon !). En résumé, une production américaine dramatique d’un classicisme exacerbé et pourtant peu avenante malgré toute la bienséance affichée à cette époque – et fort heureusement en très grande partie révolue de nos jours en ce bas monde....

C.LB



 
 
 
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