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Le banquet des fraudeurs

Sortie  le  12/04/2017  

De Henri Storck avec Françoise Rosay, Christiane Lenier, Jean-Pierre Kérien, Daniel Ivernel, Yves Deniaud, Paul Frankeur et Raymond Pellegrin


Un village belge est traversé par trois frontières, l'Allemagne, la Hollande, la Belgique, et habité par trois mondes qui cohabitent, celui des travailleurs, celui des douaniers et celui des fraudeurs...

Très loin d’être l’ancêtre « original » du film qui a inspiré la comédie Rien à déclarer à Dany Boon, cette « drôle de » production, sélectionnée au festival de Cannes en 1952, est plutôt une sorte de pamphlet plus ou moins dramatique qui retrace l’univers de plusieurs « communautés » assez disparates mais néanmoins vivant si proches les unes des autres, abordant des thèmes ainsi que des problèmes d’ordre autant sociaux qu’économiques liés à l’ouverture des frontières et surtout à la libre concurrence qui commençait à pointer le bout de son nez entre plusieurs pays d’Europe de l’Ouest au tout début des années 50. Bref, nous voilà en présence d’une fiction qui anticipait déjà sur l’Union Européenne actuelle, d’un « chaleureux plaidoyer pour la suppression, dans toute l’Europe, d’anachroniques frontières. » !
Nous devons ce long métrage en noir et blanc, tournée en Belgique peu de temps après la Seconde Guerre Mondiale, à Henri Storck, père du cinéma documentaire belge, qui tisse ici, entre tous ces acteurs – et actrices - d’avant et d’après-guerre (entre autres Françoise Rosay – Le cave se rebiffe ; La métamorphose des cloportes ; Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages -, ainsi que Jean-Pierre Kérien – Un homme marche dans la ville ; Prisonniers de la brousse ; Dernier amour -, sans oublier Yves Deniaud – Si Versailles m’était conté ; Huis-clos ; Quand la femme s’en mêle -), une intrigue commune à tout un tas de gens assez différents (industriels, ouvriers syndicalistes, contrebandiers et douaniers) qui tentent « d’échanger » et de (sur)vivre tant bien que mal ensemble en menant chacun de son côté un combat souvent identique vis-à-vis des autres, au sein d’un village/carrefour (du nom « hollandais » de Dorpsveld), sur fond de cérémonie solennelle frontalière (avec queue de pie et haut de forme), de drame social (délocalisation d’usine, piquet de grève, occupation des lieux du style « sitting »), de conflit amoureux (entre un escroc belge, une fille de gendarme et une allemande encore traumatisée par la guerre) et de jalousie ambiante.
Inspiré de la création du Bénélux et de la levée des barrières douanières qui va d’ailleurs changer les conditions de travail de tout ce beau monde, ce film de commande détournée, décalée et légèrement engagée – la seule fiction que le cinéaste ait tourné ! – mais fidèle à l’esprit et au regard du cinéma du réel proposé par Henri Storck, possède un humour bon enfant évident - en l’occurrence ici belge -, certes quelque peu passéiste sur les bords mais au charme néanmoins désuet qui réussit tout de même à nous faire sourire à plusieurs reprises, grâce notamment à certaines répliques, plaisanteries et autres réparties bien senties en faveur de la future Union Européenne, servies par un casting assez prestigieux - plein de têtes (re)connues - pour l’époque. Bref, une curiosité nostalgique un peu surjouée, souvent moralisatrice et parfois figée, qui amène pourtant à réfléchir sur une situation bel et bien d’actualité et qui résonne encore aujourd’hui....

C.LB



 
 
 
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