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Carnage (sur Ciné + Premier)

Sortie  le  06/03/2023  

De Roman Polanski avec Jodie Foster, Kate Winslet, Christoph Waltz et John C.Reilly


Dans un jardin public, 2 enfants de 11 ans se bagarrent et se blessent. Les parents de la « victime » demandent à s’expliquer avec les parents du « coupable ». Rapidement, les échanges cordiaux cèdent le pas à l’affrontement. Où s’arrêtra le carnage ?

Sacré monsieur Polanski, toujours là où on ne vous attend pas (forcément !), à nous dégoter un de ces scénarios dont vous avez le secret, en un mot, qui vise juste et tape dans le mille ! Avec ce « carnage », vous allez faire assurément un carton, c’est évident, aussi bient auprès des « intellectuels » qui vont trouver brillante - et elle l’est ! - votre adaptation de la pièce intitulée Le dieu du carnage de Yasmina Reza, jouée à guichets fermés en 2008 au théâtre Antoine à Paris, que du grand public, toujours au rendez-vous et près à vous suivre dans vos œuvres, souvent à la recherche d’une histoire qui tienne bien la route, à la fois drôle, lucide et tellement réaliste.
Vous avez réussi tout cela en seulement 1h20, à travers un sacré condensé d’explications plus ou moins stériles ; de conciliations qui tournent petit à petit au vinaigre ; de médisance qui monte d’un cran ; de rapports houleux avec, se profilant à l’horizon, pas mal d’eau dans le gaz ; et d’exaspérations où le ton devient cinglant, le tout allant crescendo et ainsi de suite jusqu’à son inexorable paroxysme. C’est un vrai plaisir que de vous voir asticoter pour ne pas dire malmener vos personnages, 2 couples contemporains plutôt mal assortis, dans un huis clos psychologique (d’autant plus normal et pour cause puisque c’est au départ un spectacle écrit pour le théâtre !), se débattant tant bien que mal avec leurs nombreux défauts (et non des moindres !), ainsi que leur côté si souvent ridicule dans des situations aussi bien d’attaques que de défensives.
Vous n’êtes pas très loin d’une autre adaptation théâtrale que vous aviez déjà réalisé en 1994, celle de La jeune fille et la mort, d’après la pièce d’Ariel Dorfman, ni d’une version cinématographique de la série télévisée « Desperate housewifes » ! Entre les mesquineries des uns, la mauvaise foi des autres, les phrases assassines envoyées, les pics qui fussent, les coups bas qui volent, les insultes qui pleuvent, les humiliations qui s’invitent à la partie, et les non-dits comme les sous-entendus qui en disent longs, c’est un vrai régal à la fois pour nos yeux (notamment grâce au formidable jeu des acteurs) et notre esprit (entre autres les discutions divinement rédigées et les dialogues ciselés à souhait).
Comment ne pas jubiler de plaisir devant ces parents, des petits bourgeois typiquement new-yorkais soi-disant « responsables » qui vont essayer de régler à l’amiable une querelle entre 2 de leurs enfants en s’étripant verbalement pour au final virer au « combat » spirituel hommes/femmes ? D’un côté, des « bobos » assez larges d’esprit mais pointilleux et énervés, et de l’autre, des BCBG plutôt sans gêne, profitteurs et suffisants. Et comment ne pas craquer devant le choix de vos 4 prestigieux comédiens qui les interprètent à la perfection, tous subtils et très à l’aise dans le rôle de ces « sales cons caractériels » ?
Une Jodie Foster au sommet de son (7ème) art en femme investie et de bonne volonté (dite aussi « gardienne du monde »), qui a le sens de la « communauté », se choque pour un rien, sermonne tout le monde et s’excuse à tout bout de champ ; un John C.Reilly pétillant dans la peau de son époux débonnaire genre gros ours incapable de tenir son rang d’homme puisque avalisé par sa femme ; une Kate Winslet toujours performante en épouse stressée et coincée à cause d’un mari misogyne, à l’atitude abjecte et véritable tête-à-claques, formidablement interprété par un Christophe Waltz plus caustique et cynique que jamais. Bref, pas un pour rattraper l’autre, ni pour arrondir les ongles et encore moins pour arranger les problèmes qui s’enveniment et persistent !
Bref, de la méchanceté bien humaine à fleur de peau et de l’« agréable sérénité » faussée, pour ne pas dire méprisante, plus vraie que nature ! En résumé, monsieur Polanski, vous n’avez pas perdu la main et c’est tant mieux car votre film mérite amplement qu’on le recommande chaudement, c’est-à-dire haut et fort !

C.LB



 
 
 
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