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Gainsbourg (vie héroïque) - (sur Canal + Grand Ecran)

Sortie  le  21/06/2022  

De Joann Sfar avec Eric Elmosnino, Lucy Gordon, Laetitia Casta, Doug Jones, Anna Mouglalis, Mylène Jampanoi, Sara Forestier, Philippe Katerine et Ophélie Kolb (sur Canal + Grand Ecran les 21 et 22/06)


C’est l’histoire, drôle et fantastique, de Serge Gainsbourg et de sa fameuse gueule. Où un petit garçon juif fanfaronne dans un Paris occupé par les allemands ; où un jeune poète timide laisse sa peinture et sa chambre sous les toits pour éblouir les cabarets transformistes des Swinging Sixties. C’est une vie héroïque où les créatures de son esprit prennent corps à l’écran et sa verve se marie aux amours scandaleuses. De là est née une œuvre subversive avec en vedette un citoyen fidèle et insoumis qui fera vibrer la planète entière.

C’est qu’il se faisait attendre et qu’on ne l’espérait plus, ce fameux biopic presque intégral sur Serge Gainsbourg ! Il aurait été impardonnable, voire inconcevable, de ne pas rendre un vibrant hommage cinématographique à celui qui a œuvré aussi bien pour la musique que pour le cinéma, notamment en tant qu’acteur (Anna, Erotissimo, Cannabis, Trop jolies pour être honnêtes, Je vous aime), cinéaste (Je t’aime moi non plus, Equateur, Charlotte for ever, et Stan the flasher) ainsi que compositeur de musiques de films (de L’eau à la bouche à Tenue de soirée, en passant par La horse, Good bye Emmanuelle et Le pacha avec le fameux Requiem pour un con). Encore fallait-il l’honorer de la façon la plus originale et la plus subtile qui soit, d’autant que l’homme le méritait amplement, vu son parcours hors du commun et sa fabuleuse carrière !
Et là, on peut dire que le résultat est probant, saisissant de véracité, remarquablement filmé et décoré, divinement mis en scène et magistralement bien joué. Ce réussite incombe autant au cinéaste Joann Sfar, à la base auteur de bandes dessinées (Le chat du rabbin, adapté en film d’animation bientôt au cinéma : ne surtout pas louper le générique de début !) qui a su insuffler une grande part de fantastique (pour ne pas dire fantasmagorique), voire même de surréalisme, dans cette histoire retraçant la réelle existence de « l’homme à la tête de chou »; que du comédien Eric Elmosnino (Le colonel Chabert, Bernie, Liberté-Oléron, Gentille, L’heure d’été, Bancs publics), d’une ressemblance sidérante mais également d’un mimétisme flagrant, presque aussi vrai que l’original. Sa prestation est en tout point parfaite, que ce soit dans l’attitude, le gestuel, la voix, les dialogues et réparties (aussi percutants et drôles que ceux de son vivant), sans oublier le chant (c’est lui qui interprète la presque totalité des chansons entendues et vues à l’écran, 23 en tout, du Poinçonneur des Lilas à "La Marseillaise" en passant par la javanaise, Bonnie & Clyde – en duo avec B.B. -, Je t’aime moi non plus !), avec des traits de sa personnalité ni trop appuyés, ni soulignée à outrance, bref, juste ce qu’il faut pour ne pas être trop casse-gueule dans le portrait, et redonner vie à cet incroyable chanteur/compositeur devenu culte un peu partout dans le monde.
C’est qu’il doit raconter toute sa vie sans faire pâle figure (sauf peut-être à la fin de sa vie !) et tenir la route plus de 2h à l’écran sans le singer ou le caricaturer, omniprésent sur quasiment chaque plan et face à d’autres « personnages » tous aussi importants et influents dans son cheminement artistique, que ce soit Boris Vian (le chanteur Philippe Katerine avec sa petite voix fluette), les Frères Jacques (les 4 musiciens du Quatuor avec « l’accent » alors que les Frères Jacques étaient 5 !), Juliette Gréco (Anna Mouglalis – J’ai toujours rêvé d’être un gangster, Coco Chanel & Igor Stravinsky - et son beau timbre grave), France Gall (Sara Forestier en petite fille aux longues chaussettes blanches montantes jusqu’aux mollets), Brigitte Bardot (Laetitia Casta, aussi belle que notre Bébé national et minaudant autant qu'elle), Jane Birkin (Lucy Gordon – Les poupées russes, Spider-Man 3, Cinéman -, récemment disparue mais néanmoins tout aussi anglaise que la vraie), et Bambou (la franco/chinoise Mylène Jampanoï – Les rivières pourpres 2, 36 quai des Orfèvres, Martyrs -, elle aussi légèrement bridée).
Le réalisateur Joann Sfar, dont c’est le premier long métrage, a transformé, avec nuance et humour, cette aventure humaine plutôt ambitieuse sur 5 décennies en conte onirique parfois fellinien, peuplé ici et là de « créatures » de carnaval, mais surtout à travers un autre personnage qui suit notre héros durant tout le film, son double imaginaire, sa (bonne ou mauvaise) conscience qui l’accompagne partout et sa « gueule » (avec une tête gigantesque, le nez, les oreilles et les doigts surdimensionnés), sorte de grande marionnette géante animée sous les traits de Doug Jones (Le labyrinthe de Pan, Les 4 fantastiques 2, Hellboy 2, En quarantaine).
Joann Sfar a su rendre passionnant autant son enfance dès 1942, avec ses parents (la petite touche comique du film), sa peinture (qu’il abandonna pour la musique après avoir d'ailleurs brûlé toutes ses toiles) et ses débuts musicaux (joli numéro de duettistes entre Serge Gainsbourg et Boris Vian sur le thème « je bois »), que sa période « Gainsbarre » dans les années 80, avec ses multiples rencontres féminines (voire la liste non exhaustive plus haut !) et un peu masculines (le truculent Claude Chabrol qui joue son éditeur !), ainsi que sa période d’autodestruction (entre autre son infarctus à 53 ans et ses nombreuses soirées de biture). En résumé, il a immortalisé sur pellicule ce poète provocateur, véritable icône française, de façon certes nouvelle, curieuse et légèrement atypique, mais vraiment enthousiaste, magistrale et remarquable, limite inoubliable, qui mérite bien de faire au moins autant de « tabac » que celui que Serge Gainsbourg a fumé durant toute son existence !

C.LB



 
 
 
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