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Elizabeth, l’âge d’or (sur Ciné + Emotion)

Sortie  le  11/02/2024  

De Shekhar Kapur avec Cate Blanchett, Geoffrey Rush, Clive Owen, Rhys Ifans, Jordi Molla, Abbie Cornish et Samantha Morton (les 11 et 16/02)


En cette année 1585, Elizabeth 1er règne sur l’Angleterre depuis près de 30 ans. Le vent destructeur du catholicisme fondamentaliste souffle sur l’Europe sous la conduite de Philippe II d’Espagne. Soutenu par l’Eglise de Rome, le roi dispose d’une armée puissante et d’une armada qui domine les mers. Philippe II est déterminé à renverser la reine « hérétique » et à ramener l’Angleterre au sein de l’Eglise romaine catholique. Elizabeth se prépare à la guerre contre l’Espagne mais doit aussi mener un combat plus intime contre ses sentiments pour Walter Raleigh, pirate au service de sa Majesté. L’amour étant interdit à une souveraine vouée corps et âme à son pays, la reine encourage sa dame d’honneur préférée, Bess, à se rapprocher de Raleigh. Elizabeth observe l’idylle naissante. Tôt ou tard, elle le sait, elle devra choisir entre les aspirations de son cœur et ses devoirs de monarque si elle veut éviter le destin de sa cousine Marie Stuart, reine d’Ecosse, dont le nom semble lié au nouveau complot tout juste découvert par Sir Francis Walsingham.

Quelle drôle de surprise et pour le moins audacieuse que d’avoir attendu aussi longtemps, presque 10 ans, pour donner une suite à Elizabeth, film réalisé par Shekhar Kapur (Masoom, Mr.India, La reine des bandits, Frères du désert) en 1998 ! Sans doute le succès inattendu du premier volet aidant (7 nominations aux Oscars) mais aussi le besoin de raconter la suite à la fabuleuse destinée d’Elizabeth, reine d’Angleterre de la fin du 15ème jusqu’au début du 16ème siècle, est-elle la véritable raison de ce 2ème chapitre.
Cette fois, ce sont les amours contrariés d’Elizabeth ainsi que la guerre avec l’Espagne qui se profilent à l’horizon. Dans cette fresque historique en beaux costumes d’époque mêlant destin, trahison et romance, on navigue entre la vie à la cour royale et son défilé de prétendants possibles, et les complots et autres manigances qui se trament autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays d’Angleterre, entre l’Ecosse où sa cousine Mary Stuart sous surveillance fomente un assassinat contre sa personne, et l’Espagne où le roi Philippe II décide de remettre l’Angleterre dans le droit chemin d’une « moralité » religieuse. Il est question aussi bien d’amour que de pouvoir, de problèmes de cœur que de raisons d’Etat, d’idylle naissante que d’Inquisition, d’intrigues amoureuses que de conspirations, de convoitises sensuelles que de machinations, de baisers furtifs que d’assassinats.
Il va s’en dire que le sens du devoir passe avant tout, que les intérêts en jeu sont considérables, voire primordiaux pour un tel royaume, et qu’une histoire d’amour ne pourrait que nuire à la bonne marche d’un Empire, surtout lorsque ceux-ci sont dirigés par une femme pendant 45 ans. Les affaires de cœur doivent passer bien après celle de l’Etat et, en cette période historique sous pression et tension fort houleuses, il est bon de se concentrer que sur la sécurité et le bien être de ces sujets. Bref, Elizabeth doit en son âme et conscience oublier les batifolages et autres galipettes, garder la tête haute et bien visée sur ses épaules, sans penser à envie, désir, émotion et sentiment vis-à-vis de son intrépide aventurier, le pirate Walter Raleigh, joué par Clive Owen (Closer – entre adultes consentants, Sin city, Inside man, Les fils de l’homme).
On a beau s’interroger sur la virginité de la reine, ses conseillers comme ses proches, ce n’est pas une priorité pour elle, du moins, c’est ce dont elle doit se convaincre si elle veut régner durablement et ne pas perdre le pouvoir en route ! Ce n’était pas drôle tous les jours la vie de souveraine, appelée aussi la « reine vierge » (et pour cause !), puis la « reine sanguinaire » (après avoir donné l’ordre de décapiter sa cousine Mary Stuart), mais aussi la « bâtarde » et la « catin » (par Philippe II d’Espagne). Pas facile non plus de devoir tout contrôler, d’être à la fois puissante, autoritaire, dure, orgueilleuse, intransigeante, complexe, pleine de rigueur et sans pitié, et en même temps seule, isolée, juste, honnête, sincère, amoureuse, vulnérable, délicate, sachant juger équitablement tout en doutant face aux lourdes responsabilités et grandes décisions à prendre. Elle est la loi et cette loi est là pour protéger son peuple. Donc, pas de faiblesse ni de sentimentalisme, et laissons les affaires amoureuses à sa jeune pupille et dame d’honneur, la délicieuse Bess, interprétée par la charmante Abbie Cornish (Somersault, Cercle intime, Une grande année) !
Si Cate Blanchett (Le seigneur des anneaux, Veronica Guerin, Bandits) est fabuleuse, aussi majestueuse qu’impériale, dans ce personnage qu’elle porte magistralement 2h durant, qui lui va comme un gant et qui a fait sa notoriété, reprenant ainsi son rôle de souveraine britannique qu’elle avait déjà dans le premier volet, on a l’impression que de son côté, Clive Owen en fait un peu trop, débarquant tel un beau gosse séduisant, ambitieux et sûr de lui, le teint bronzé, les biceps saillants, l’œil vainqueur, le regard charmeur et le caractère bien trempé, prêt à s’attirer les faveurs, voire à conquérir le cœur de la reine comme le Nouveau Monde qu’il vient d’explorer. Il dénote légèrement par rapport au reste du casting impeccable, à nouveau composé de Geoffrey Rush (Shine, Moi Peter Sellers, Pirates des Caraïbes 1, 2 & 3), magistral de gravité en conseiller avisé de la reine, tour à tour strict et rigoureux, ainsi que des autres, tous aussi parfaits les uns que les autres (entre autre Rhys Ifans – Coup de foudre à Notting Hill, Human nature – en fourbe comploteur à la solde de l’Espagne, et Jordi Molla – Jambon jambon, La fleur de mon secret, Bad boys 2 – en roi d’Espagne complètement investi d’une mission divine).
On pourra trouver à redire sur la réalisation très théâtrale, assez ampoulée et bourrée de dialogues comme d’images d’Epinal (notamment la reine en armure et à cheval avant la bataille finale, telle Jeanne d’Arc motivant ses troupes), mais la mise en scène est impeccable, autant dans la trame narrative parfaite que dans la photo resplendissante, autant dans la reconstitution minutieuse (le navire de Raleigh) que dans les effets spéciaux impressionnants (le combat naval), autant dans les prises de vues originales que dans les combats fort élaborés, et autant dans les décors merveilleux que dans les costumes chatoyants. De plus, c’est parlé en 3 langues, l’anglais bien entendu, l’espagnol, forcément un peu et même l’allemand, très léger.
Comme quoi, c’est tellement rare une production qui respecte l’Histoire et les convenances dans ses moindres détails, qu’il faut le mentionner sans plus attendre. En résumé, voilà une fresque d’époque au souffle épique, certes quelque peu romancée mais très ordonnée et parfaitement maîtrisée, qui réjouira les fans de films d’aventures à grand spectacle, dans la lignée de Capitaine Blood et d’autres pirateries cinématographiques du même acabit !

C.LB



 
 
 
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