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Reviens-moi (sur Canal + Grand Ecran)

Sortie  le  05/02/2024  

De Joe Wright avec James McAvoy, Keira Knightley, Romola Garai, Saoirse Ronan et Vanessa Redgrave


Août 1935 : malgré la canicule qui frappe l’Angleterre, la famille Tallis mène une vie insouciante à l’abri dans sa gigantesque demeure victorienne. La jeune Briony a trouvé sa vocation, elle sera romancière. Mais quand du haut de ses 13 ans, elle surprend sa sœur aînée Cécilia dans les bras de Robbie, fils de domestique, sa réaction naïve face aux désirs des adultes va provoquer une tragédie et marquer à jamais le destin du jeune homme.

S’il y a un film à aller voir en ce début de nouvelle année, c’est bien celui-là ! Cette comédie romantique anglo-saxonne qui vire au drame a de quoi autant attiser la curiosité du cinéphile averti qui est en vous que d’attirer le chaland hésitant devant une salle de cinéma multiplex. Rarement un film anglais aura su transmettre des émotions aussi palpables que celles présentées et dépeintes admirablement ici ! Il y a une beauté, une sensibilité et une puissance qui forcent le respect, au moins celui du jeune réalisateur Joe Wright qui a parfaitement su faire passer des sensations et des impressions sans avoir recours pour cela à une surenchère de mots ou de dialogues. Il nous avait déjà captivé avec sa merveilleuse adaptation du chef-d’œuvre de Jane Austen, Orgueil et préjugés. Il réitère ici le même pari ambitieux et le même enjeu audacieux en mettant en scène cette fois le roman Expiation de Ian McEwan d’une manière aussi fidèle qui soit, toujours avec sa même actrice fétiche, la resplendissante Keira Knightley (Joue-la comme Beckham, Le roi Arthur, Love actually, Pirates des Caraïbes 1, 2 & 3) dans le rôle de la grande sœur distante et empruntée.
De par son regard mutin et son attitude légèrement hautaine, elle porte littéralement cette histoire d’amour tragique avec un charisme, une aisance et une expression tourmentée qui frissent le sublime, du moins un succès assuré et une haute distinction bien méritée à la clef. Sa parfaite interprétation n’a d’ailleurs rien à envier aux autres acteurs qui sont tous aussi excellents et impressionnants les uns que les autres, sachant tous insuffler passion, élan, fougue et retenue à ce film d’une grande retenue typiquement anglaise. Que ce soit James McAvoy (La plus belle victoire, Le monde de Narnia, Le dernier roi d’Ecosse) en fils de domestique banni par erreur, Saoirse Ronan puis Romola Garai (Rose et Cassandra, Vanity fair – la foire aux vanités, Scoop, Angel) en petite puis jeune fille sensible, orgueilleuse, pointilleuse et fielleuse, qui par sa naïveté va déclencher une action singulière aux répercussions dramatiques, et Vanessa Redgrave dans la peau du même personnage mais beaucoup plus âgée et à la fin de sa vie, ils nous tiennent en haleine et sont vraiment surprenants à plus d’un titre.
En effet, ce film qui se déroule avant et pendant la 2ème guerre mondiale et enfin de nos jours, raconte le point de vue introspectif de Briony Tallis, une jeune fille, puis une femme et enfin une vieille dame, à 3 moments charnières de sa vie. C’est elle adolescente qui va provoquer, par son côté suspicieux et fantasque, le départ forcé du bien-aimé de sa sœur aînée Cee (voire la photo ci-dessus), accusé à tort de viol sur une mineure et obligé de choisir entre la prison ou l’armée, disant ainsi adieu à tout espoir d’une existence meilleure et d’une destinée brillante toute tracée. A force de se comporter comme une petite femme responsable, élevée dans les convenances et les bonnes manières, et de passer son temps à croire voir des choses, puis les interpréter en les détournant pour mieux affabuler autour d’elles, elle va se faire des idées et provoquer l’irréparable sans vraiment se rendre compte de la portée de ses accusations, en dénonçant injustement ce pauvre garçon comme un obsédé sexuel qui va être broyé par le snobisme d’une famille de la grande bourgeoisie.
Aucun retour en arrière n’étant possible, c’est une vie gâchée à tout jamais qui se présente à ce jeune homme qui devait entrer dans une prestigieuse université et faire des études de médecine. Le chemin d’une éventuelle rédemption sera d’autant plus difficile, voire même impossible, que Briony âgée ne trouvera jamais le vrai pardon tant espéré. Alors que dans le film Les risques du métier, Jacques Brel était accusé à tort par simple vengeance mesquine, ici c’est par maladresse, erreur d'interprétation et totale absurdité que l’accusation dégénère et que le mal est délibérément fait. Dans cette peine d’amour perdue admirablement jouée, les interprètes sont tous au diapason, aussi sobres que passionnés les uns que les autres.
Il en va de même pour la réalisation d’une simplicité et d’une fluidité évidentes, tournée dans une ambiance évanescente et douce avec une photo filtrée très soignée, une luminosité particulière et des paysages surréalistes tels des tableaux vivants, et montée avec un sens du rythme narratif original sans esbroufe ni tape-à-l’œil, un peu comme si on naviguait dans un rêve à la David Hamilton ou bien dans une publicité pour un parfum. Il faut voir notamment le plan séquence au Steadicam de plusieurs minutes et très théâtral de l’errance de 3 soldats coincés sur une plage pendant la guerre de Dunkerque pour comprendre toute la portée et la nuance de ce qui arrivent aux protagonistes principaux quelque peu déboussolés, ainsi que tout le romantisme qui se dégage de cette terrible histoire d’amour aux évènements sombres et aux rebondissements tragiques.
En résumé, ce film d’époque intelligent, grandiose et enflammé, plus formel qu’anatomique, d’une incroyable beauté visuelle et d’une réelle présence à l’écran, plein de silence, de regards, de mystère, de suspicion, de non-dits et de sous-entendus, saura vous toucher autant que l’a pu faire par exemple Raisons et sentiments ou bien d’autres mises en scène à l'esprit « so british » !

C.LB



 
 
 
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