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Le dernier gang (sur Ciné + Frisson)
Sortie
le 14/12/2021
De Ariel Zeïtoun avec Vincent Elbaz, Clémence Poésy, Sami Bouajila, Gilles Lellouche, Pascal Elbé, Patrick Dell’Isola, Grégory Gadebois, Guillaume Viry, Matthieu Boujenah et Gabriella Wright (sur Ciné + Frisson les 14, 16 et 17/12)
1960. Réunis autour de Simon, 6 ans, 3 gosses du même âge s’apprêtent à faire leur premier coup : voler des canards sur l’étang du parc des Buttes Chaumont pour les revendre aux bouchers de Belleville. 1981. 20 ans plus tard, les mêmes forment le noyau dur du Gang de Belleville, parfois appelé « Les postiches », gang qui marquera les esprits par son audace et les méthodes qui ont fait d’eux des fantômes insaisissables. Leur singularité : se déguiser et se transformer physiquement pour se fondre dans le paysage des beaux quartiers, pénétrer dans les banques comme de respectables clients, maîtriser personnels et clients avec un sang-froid total, puis dévaliser en rafale les coffres des particuliers, quitte à rester plusieurs heures pour achever le travail. Rien ne les arrête. Pas même Julie, le grand amour de Simon ; pas même Claire, la fille qu’ils ont eue ensemble. Pas même, et encore moins, la menace policière qui grandit à chaque casse et qui agit comme un excitant sur l’ambition et l’audace du gang. Mais ce dont Simon ne se doute pas, c’est que depuis longtemps, il est le gibier d’un chasseur patient et obstiné. Un « policier » différent, Milan, qui à force de le traquer, a fait de lui sa raison de vivre, et qui attend lui aussi le moment de l’affrontement. Pour tirer le premier….
Le réalisateur, scénariste et producteur Ariel Zeïtoun (Le nombril du monde, Bimboland, Yamakasi) s’est inspiré d’un fait divers mouvementé mais pour le moins captivant, le fameux Gang des Postiches qui a sévit au début des années 80 (jusqu’en 1986 exactement), pour raconter la folle ascension de 6 copains d’enfance parisiens, des voyous prêt à tout pour braquer des banques et en découdre avec la police. Il faut savoir qu’à la base, il y a l’histoire d’André Bellaiche, Ma vie sans postiche qui sortira le 17/10 chez First Editions, et qui retrace sa vie personnelle à Belleville et surtout son amitié ainsi que son lien très proche avec les membres de ce gang pour lequel d’ailleurs il fut condamné pour recel et association de malfaiteurs, puis acquitté au bout de 5 ans de prison après avoir obtenu un non-lieu pour les vols à main armée. A partir de ces mémoires, Ariel Zeïtoun a voulu raconter l’odyssée rocambolesque, aussi fulgurante que macabre, de ses casseurs inexpérimentés qui improvisaient au début mais sacrément culottés et inventifs par la suite, capables de dévaliser tous les coffres de particuliers d’une banque pendant plusieurs heures sans être le moins du monde dérangés. Devenu le gang le plus populaire à l’époque, ses 6 voleurs n’ont pourtant pas hésité à prendre en otage des clients (une première en France à l’époque !), ni à tuer parfois des caissiers récalcitrants ou des flics à leur trousse. Bref, pas des enfants de chœurs mais plutôt des juifs et des arabes mélangés et un peu fêlés sur les bords avec, comme devise, « ni Dieu ni maître ». Loin d’être encore une fois un film sur le « Milieu », le réalisateur s’est attaché à raconter la destinée quotidienne de cette bande de cadors soudée comme les 5 doigts d’une main et volontairement en marge du milieu, qui s’est fait connaître en dépouillant plus d’une centaine de banques et en semant la zizanie au sein des services de police. Caméra à l’épaule ou steadycam le plus souvent possible, il filme cet univers particulier, ces mentalités singulières et cette cavalcade frénétique avec une énergie folle et une suite d’images saccadées, ne laissant pas beaucoup de temps à une quelconque autre histoire (comme d’amour par exemple) de s’installer : il y en a une seule, brève, cul-cul et un peu trop téléphonée. On est envahie de plans tourbillonnants et de séquences à l’emporte-pièce dans cette aventure qui démarre sur les chapeaux de roue et ainsi jusqu’au bout, telle une bande annonce ininterrompue. Au moins, avec ce procédé musclé, on est vite plongé dans le feu de l’action entre les préparatifs, les braquages, les fêtes et les cavales ! Certains diront sans doute que ce n’est pas très nuancé et un peu répétitif à la longue mais ça a au moins le mérite d’être clair, rapide, vif et sans fioritures. Heureusement, il y a ici et là quelques moments de respiration, notamment lorsque le chef du gang, Simon, le cerveau au grand coeur, tombe amoureux d’une jeune fille un peu fragile et timide, Julie. Interprété par Vincent Elbaz (Ma vie en l’air, J’aurais voulu être un danseur, Tel père telle fille), ce dernier s’en donne à cœur joie dans la provocation, la frime, la « tchache », la drague et la démesure la plus totale, laissant libre cours à son talent, son charisme et son abattage naturel. Il est plus convaincant que dans Ni pour ni contre (bien au contraire). Face à lui, Gilles Lellouche (Ma vie en l’air – où il retrouve son partenaire -, Ne le dis à personne, Le héros de la famille) joue un flic taciturne et violent, obsédé jusqu’à la névrose par la capture de ce fougueux bandit qui ne craint rien ni personne. Malheureusement, sa barbe postiche au début, lorsqu’on le voit en clochard déguisé, est d’un ridicule patenté qui décrédibilise complètement sa prestation plutôt rentre-dedans. Pareil pour Patrick Dell’Isola (Roberto Succo, Etat des lieux, Etat de grâce) en tueur de sang froid qui porte une moumoute très visible alors que le gang n’en est pas encore au stade de la postiche, et même chose pour Clémence Poésy (Harry Potter et la coupe de feu, Le grand Meaulnes) en femme amoureuse et soumise qui n’arrive pas à trouver la bonne perruque adéquate pour passer incognito ou inaperçue aux yeux de la police. Côté reconstitution, tout y est, l’esprit comme le look, les voitures (tel que par exemple la Citroën SM) comme les vêtements dans les années 80, les journaux comme les archives des actualités télévisées et radiophoniques de cette période. Rien n’a été oublié, ni la trajectoire de ses individus issus d’un milieu difficile, ni leur vie sociale à Paris, ni leur rapport au monde, sauf peut-être au niveau des dialogues qui sont pour le moins faiblards (« T’es mon plus beau hold-up ! » en parlant à sa fiancée) et qui auraient pu être un peu plus élaborés. N’empêche qu’on se laisse emporter par l’ambiance de ce film angoissant, très noir, bien ficelé et rondement mené, qui se veut aussi relevé et passionnant qu’un bon polar sur le monde du grand banditisme, du moins de la trempe des Affranchis, de L’impasse ou du Cercle rouge, version française bien entendu ! En résumé, on peut dire qu’Ariel Zeitoun a réalisé un film comme s’il faisait un casse….
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