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Contre-enquête (sur Ciné + Frisson)

Sortie  le  02/05/2024  

De Franck Mancuso avec Jean Dujardin, Laurent Lucas, Agnès Blanchot, Jacques Frantz et Aurélien Recoing (les 02, 03, 07, 13, 16 et 20/05)


Malinowski, capitaine à la Crim., a l’habitude d’être confronté aux faits-divers les plus durs. Mais lorsque sa propre fille est assassinée, tout bascule. Bouleversés par sa détresse, ses collègues mènent l’enquête au pas de charge et un suspect est bientôt arrêté, puis condamné. Du fond de sa cellule, celui que tout semble accuser clame son innocence et décide d’écrire à Malinowski. Et s’il était innocent ? Face à la douleur du père qui a obtenu justice, le doute du flic s’installe peu à peu. Pour Malinowski, une contre-enquête solitaire commence….

Enfin, Jean Dujardin dans un rôle à contre-emploi ou si vous préférez dramatique, sans aucun doute le premier de sa très prometteuse carrière ! S’il n’est pas nouveau dans la peau d’un flic roublard (souvenez-vous du très moyen L’amour aux trousses !), d’un mec énigmatique (Le convoyeur) ou alors très différent dans celle d’un inspecteur franchouillard, aussi raciste qu’inculte (OSS117 nid de guêpes au Caire), il est par contre impressionnant dans celui d’un capitaine de police brisé, meurtri au plus profond de lui par l’horrible meurtre de sa fille. Il faut le voir s’être fait la gueule de l’emploi, barbe d’une semaine et mine blafarde, crier intensément sa douleur en apprenant la mort de son enfant chéri, se renfermer dans une solitude intérieure, sombre et froide, froncer les sourcils de chagrin et tirer une tronche de 2 kilomètres après ce drame poignant, aussi bien vis-à-vis de sa femme que de ses collègues de la PJ.
En tout cas, il est crédible et même convaincant dans cette prestation à la fois torturée et touchante, toute en nuance et pleine d’émotion, qui lui permet de franchir un cap et d’aborder un nouveau registre pas toujours évident pour un comique de cette réputation. Rappelez-vous de Bourvil dans Le cercle rouge de Melville ou de Coluche dans Tchao pantin de Berri ! Bref, c’est une nouvelle carrière qui s’ouvre pour cet excellent comédien. D’ailleurs, les autres protagonistes et spécialement Laurent Lucas ne sont pas en reste non plus. Ce dernier interprète un coupable des plus ambigus qui soit, tour à tour inquiétant et attachant, avec beaucoup de subtilité et de retenue. Le voir avec des cheveux blonds bien peignés, une paire de lunettes de fonctionnaire et une tenue de vieux garçon coincé, est du plus bel effet, laissant tout de même présager rapidement qu’il n’est pas si innocent ni étranger que cela dans cette affaire d’homicide crapuleux. Parce que cet acte épouvantable, viol suivi d’un meurtre, perpétré par un déviant sexuel, a tout du fait divers qu’on peut lire régulièrement dans la presse ou apprendre par la télévision, et que notre homme, Laurent Lucas (30 ans, Qui a tué Bambi ?, Tiresia, Lemming, De particulier à particulier) ressemble physiquement, parfois à s’y méprendre, à pas mal de ces meurtriers (Francis Heaulme, Patrick Dils) qui sévissent ici et là et qu’on arrête enfin. Jacques Frantz (Une femme de ménage, Fanfan La Tulipe, Asylum, Arthur et les Minimoys) en supérieur hiérarchique puissant et Aurélien Recoing (L’emploi du temps, Orlando Vargas, Douches froides, Les fragments d’Antonin) en ami et collègue de travail chaleureux sont en tout point remarquables et d’une sobriété à toute épreuve. Quand à Agnès Blanchot (Scout toujours, La maison assassinée, L’invitée surprise) en mère de famille éplorée, on ne l’avait plus revue à l’écran depuis 1988. Côté casting, aucune faute de goût !
Par contre, question narration, ce n’est pas encore çà ! Nous sommes face à un polar pour le moins très noir, très sombre, et nous n’avons malheureusement pas l’impression d’y être quand on voit le manque de rythme et de suspense ici. Comme un bon roman policier qui se respecte, un film de ce type doit tout de suite être palpitant et accrocher autant l’œil que l’esprit, hors là, point de cela comme si nous étions dans un de ses téléfilms policiers français bien lancinants que nous servent à profusion les grandes chaînes de télé. Il doit y avoir en pareille situation un peu plus de pression, d’angoisse et de crescendo narratifs, des rebondissements inattendus, des pistes alambiquées, des cavalcades échevelées et des personnages nébuleux, histoire qu’on colle au plus près du drame qui se noue. Hors ici, rien de cela même lorsque cette fiction parle d’un véritable vécu : tout le monde paraît d’aspect plutôt clair, assez lisse et sans fioriture, et les scènes se suivent et se ressemblent quasiment toutes.
En résumé, ce polar s’enlise dans une image plutôt introspective avec une identité psychologique bien soulignée de nos 2 personnages principaux qui affaiblie quelque peu la cadence et le bon déroulement de cette histoire. C’est certes dommage car on aurait aimé être plus impliqué, voire plus immergé dans cette enquête au demeurant fort intéressante. Néanmoins, ne jetons pas la pierre au réalisateur Franck Mancuso, qui est aussi scénariste (brillant co-auteur du film d’Olivier Marchal, 36 quai des Orfèvres) qui nous offre ici son premier long métrage, après avoir fait parti de la Police Judiciaire pendant 20 ans. S’il sait de quoi il parle, lui qui a du en voir pas mal d’affaires de ce style et qui a servit de consultant puis de créateur d’histoires pour quelques « Commissaire Moulin », il a encore un peu à apprendre côté mise en scène et narration visuelle pour ses prochaines versions sur grand écran !

C.LB



 
 
 
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