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La môme (sur Ciné + Emotion)

Sortie  le  26/03/2024  

De Olivier Dahan avec Marion Cotillard, Sylvie Testud, Pascal Greggory, Emmanuelle Seigner, Jean-Paul Rouve, Clotilde Courau, Jean-Pierre Martins, Catherine Allegret, Marc Barbe et Gérard Depardieu (les 26, 27 et 29/03 + 01, 07 et 09/04)


De son enfance à sa gloire, de ses victoires à ses blessures, de Belleville à New York, voici l’exceptionnel parcours d’Edith Piaf. A travers un destin plus incroyable qu’un roman, découvrez l’âme d’une artiste et le cœur d’une femme. Intime, intense, fragile et indestructible, dévouée à son art jusqu’au sacrifice, voici la plus immortelle des chanteuses….

Ce qui prime aux premiers abords, c’est l’émotion, l’indicible sentiment qu’on va assister à la longue et périlleuse mais aussi fulgurante ascension d’une artiste au parcours certes difficile mais pour le moins formidable. On a l’impression que cette émotion intacte est palpable, tant on la sent à chaque image et à chaque fois qu’on entend la voix d’Edith Piaf entamée un de ces airs archi-connus qu’on a depuis si longtemps en mémoire dans notre tête. Impossible de rester insensible devant ce petit bout de femme plutôt maligne qui s’est donnée à fond pour son métier, au point d’en perdre la santé et de mourir relativement assez jeune. On sent que le réalisateur Olivier Dahan (Déjà mort, Le petit Poucet, La vie promise, Les rivières pourpres 2) s’est vraiment investi dans son sujet (dont il est d’ailleurs aussi le scénariste), jusqu’à tourner non pas un vrai film comme on a l’habitude d’en voir avec un début, un milieu et une fin, mais plutôt une suite de saynètes qui représentent parfaitement les moments clés de la vie de cette grande dame de la chanson. Il s’est plus concentré sur les parties fortes et les instants d’émotions, qu’ils soient joyeux ou tristes, que sur l’ordre chronologique d’une autobiographie avec ces hauts et ces bas mais narrer de façon traditionnelle.
Olivier Dahan n’a pas voulu coller point par point à l’évolution caractéristique de cette femme hors du commun (des mortels) pour mieux nous sensibiliser et nous faire vibrer à ces instants magiques ou tristes qui ont jalonnés son parcours mouvementé. C’est pour cela que nous avons à l’écran un certain nombre d’allés et retours entre sa prime jeunesse et ses derniers jours, passant de son adolescence ballottée entre un mère ivrogne (pauvre Clotilde Courau pas franchement crédible), un père forain (Jean-Paul Rouve qui a la tronche de l’emploi), une grand-mère maquerelle (Catherine Allégret qui ressemble de plus en plus à sa mère) et une fille de joie attendrie (Emmanuelle Seigner plutôt mauvaise en pute au grand coeur), à ses premiers pas dans la chanson (courte apparition de Gérard Depardieu en gérant de restaurant qui fut le premier à donner sa chance professionnelle à la Môme en chantant devant un vrai public), sa rencontre avec Marcel Cerdan son grand amour (Jean-Pierre Martins, vu dans Laisse tes mains sur mes hanches et dans L’empire des loups, plus beau que le vrai Cerdan lui-même), et sa lente descente aux enfers, entre piquouse, cure de désintoxication, séjour à l’hôpital et maladie de Parkinson.
Si la carte du désespoir est donnée dès le départ (parents dans la misère, apprentissage difficile de la vie dans les rues avec comme fréquentation des mecs pas très nets) et revient inlassablement pendant tout le film jusqu’à la fin, plutôt que celle de ses heures de gloire (rondement menées en fondu enchaîné) et de ses rencontres importantes (que des noms et parfois un personnage en figuration mais sans parler d’Aznavour, de Montand, de Moustaki et des autres) qui sont ici quelque peu relégués, voire passées à l’as ou tout bonnement présentées sans autre formalité particulière pour laisser la place à pas mal de ses voyages aux Etats-Unis et à beaucoup de ses beuveries entre potes (Sylvie Testud pas au mieux de sa forme…et pour cause !), il ne faut pas en vouloir au réalisateur qui a voulu uniquement se focaliser sur une seule ligne directrice, celle de l’émotion, du cœur de Piaf dans tous les sens du terme, dans tous ses états et sous toutes ses formes possibles, autour des personnes qui l’ont construite. D’où ses séquences intimes et frappantes avec ses peurs, ses angoisses mais aussi ses envies, voire même chocs, notamment son autodestruction lorsqu’elle se pique pour pouvoir continuer à chanter et malade à la fin de sa vie, ses rares parties chantées mais oh combien mises en scène, et ses textes de chansons qui viennent ponctuer astucieusement le déroulement et les choix de son existence. On peut même dire que son destin tragique a été presque plus fort que ses chansons.
C’est un parti pris qui se défend, autant par la beauté de la restitution à l’image d’une époque révolue qui est parfaite, que par la splendide prestation de Marion Cotillard, plus éblouissante que jamais et vraiment imprégnée par ce rôle vraiment écrasant. Elle porte le film à bout de bras, sa silhouette, ses intonations, ses postures comme son visage, même si pour cela on l’a maquillé en personnage extrêmement triste, sorte de croisement entre Bozo le clown et le mime Marceau, et fait parler comme une charretière ou une vendeuse de poissons. N’empêche qu’elle dégage une humanité indéniable, une force intérieure et une puissance de jeu phénoménales, rarement égalées dans le cinéma français. Sans être un film musical, cette histoire d’amour populaire, tragique et romanesque, est plutôt basé sur le fonctionnement intérieur d’une artiste et pas n’importe laquelle, la Môme Piaf, frêle icône à la robe noire qui n’a jamais eu de frontière entre son art et sa vie ! Bref, du grand cinéma juste, honnête et respectueux, avec un portrait parfaitement restitué et sans complaisance d’un artiste véritable comme on en voit rarement à l’écran…..

C.LB



 
 
 
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