en 
 
 
cinema

 
 

Pars vite et reviens tard (sur Ciné + Premier)

Sortie  le  08/12/2021  

De Régis Wargnier avec José Garcia, Lucas Belvaux, Marie Gillain, Olivier Gourmet, Nicolas Cazalé, Linh Dan Pham et Michel Serrault (sur Ciné + Premier les 08, 09, 10, 20 et 21/12)


Le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg n’aime pas le Printemps. Il se méfie des montées de sève, des désirs d’évasion, du déferlement des pulsions, tous ces signaux qui sonnent le retour des beaux jours…Et il a raison Adamsberg…Sa fiancée, Camille, se fait la malle, et son absence coupe les ailes du commissaire, au moment où il en aurait le plus besoin : quelque chose vient de tomber sur la capitale, une énigme porteuse de malédiction, qui pourrait bien virer au malheur, si on la résout pas fissa….D’étranges signaux se répandent sur les portes des immeubles de Paris, et des mots inquiétants, mystérieux, sont lâchés à la criée sur la place publique…Et puis arrive ce qu’Adamsberg redoutait : un premier mort, le corps noirci, le visage figé dans une grimace de terreur, les signes de la peste…Et c’était ça qu’annonçait l’énigme, le retour du terrible fléau, mais avec une sacrée variante, il semble que quelqu’un contrôle la maladie et la porte où il veut…

Puisque, depuis quelques temps, la veine scénaristique est aux sujets bien noires, aussi mystérieux qu’ésotériques, place donc aux adaptations littéraires de ce type sur grand écran ! Voilà donc l’occasion de prendre un réalisateur confirmé, Régis Wargnier (Indochine, Est ouest, Man to man), histoire de rendre crédible l’ensemble du projet ; de choisir un casting plutôt relevé pour attirer le chaland qui hésiterait entre tel ou tel acteur (Garcia, Gillain, Gourmet, Serrault) ; d’acheter assez de pellicule pour faire durer le suspense comme le plaisir (au moins 2 bonnes heures !) ; d’installer la caméra dans le centre de Paris pour souligner le côté envoûtant et sombre de notre belle capitale (surtout la nuit !) ; et de placer un certain nombre de confrontations et autres conflits ici et là pour rendre l’action et l’atmosphère palpables (et pour que l’alchimie prenne enfin, tout en reposant sur des basses solides !). Mais n’est pas Hitchcock ou Brian de Palma (à sa grande et bonne époque !) qui veut ! On a beau avoir sous la main un roman passionnant (celui de Fred Vargas), l’adaptation et la mise en scène en grand format ne se révèlent pas toujours être parfaites. Souvenez-vous des Rivières pourpres qui touchaient déjà aux signes cabalistiques et aux peurs irraisonnées, qui parodiaient ouvertement le genre « coucou fais-moi peur » ! Même chose pour des films comme Belphégor qui ridiculisait complètement le style « grand guignol » en tombant dans le grandiloquent le plus éhonté autour de croyances ancestrales ! Ici, c’est la même chose mais en beaucoup plus laborieux. En résumé, on veut nous montrer un gros éléphant, c’est-à-dire une intrigue sérieuse, dite intelligente, et on accouche finalement d’une souris, mais alors toute petite, entre autre une histoire de vengeance et d’épidémie ressuscitée à dormir debout ! Pensez donc, cette psychose médiévale avec le soi-disant retour de la peste est une grosse plaisanterie potache à grande échelle, vu que la moindre petite alerte prend des proportions démentielles. On se croirait revenu quasiment au temps du Moyen Age, d’autant qu’on souligne outrageusement le fait que le décor principal soit planté au coeur de Paris, côté place Stravinsky à côté de l’église Saint-Merri et de Beaubourg, bien chargé d’histoire pour jouer un peu l’effet panique et angoissante à la Quasimodo qui d’ailleurs ne se trouve pas si loin de là. Et, de plus, que ce soit un crieur public, une sorte d’aboyeur qui harangue la foule à haute voix et qui annonce chaque jour les messages et les lettres, qu’on lui glisse dans une boîte, en place publique comme jadis. Rien que cela enlève déjà à ce thriller toute possibilité d’être crédible et réaliste à nos yeux, surtout dans le Paris d’aujourd’hui. D’autre part, on nous assomme de ralentis et autres retours en arrière comme pour mieux appuyer le fait que le personnage principal, un commissaire interprété par un José Garcia moribond, parfois hagard mais toujours taciturne, soit dans un état de léthargie avancé (le pauvre vient de voir sa belle déguerpir !) et incapable de travailler, lui qui a un véritable flair (de chien) pour dépister les méchants. On retrouve ce petit air de chien battu qu’il endossait déjà à contre-emploi dans Les morsures de l’aube, Extension du domaine de la lutte et Le couperet. C’est d’un comique, à force de le voir renifler la foule ambiante (à la recherche de l’assassin), de faire la gueule (de basset) à tout bout de champ, et de ramener une petite jeunette, Marie Gillain inexpressive au possible, chez lui alors que sa chère et tendre dulcinée l’attend bien sagement à la maison. Ce n’est vraiment pas de chance pour lui et c’est tout à fait compréhensible qu’elle se taille fissa après ce camouflet ! Bref, le bougre se la joue bougon sans piste à suivre ni intuition ou pressentiment à avoir, et encore moins de poulette à se taper ! A ses côtés, Lucas Belvaux (Un couple épatant, Cavale, Après la vie) fait l’adjoint besogneux et compagnon de travail avec toujours la même conviction et la même assiduité du travail accompli et bien fait ; Olivier Gourmet (Le fils), le crieur atypique, renfrogné et revenu de tout, avec la même phrase qui revient inlassablement dans sa bouche (« C’est pas vos oignons ! ») ; Linh Dan Pham dans un rôle en pointillé, pratiquement inexistante et sans texte puisqu’elle semble n’être qu’une compagne à éclipses, une apparition furtive à certains moments du film ; et enfin Michel Serrault, toujours égale à lui-même dans la prestation du bon samaritain, prêt à rendre service à la police. Le pauvre est abonné à ce genre de rôles de vieux croûtons comme dans l’insipide Belphégor ! Le seul qui pourrait tirer son épingle du jeu est le jeune Nicolas Cazalé (Le grand voyage, Saint-Jacques La Mecque) qui fait des prouesses en roller et qu’on aimerait avoir comme accompagnateur lors des grandes virées nocturnes en patin à roulettes, ces fameuses traversées parisiennes organisées tous les vendredis soirs ! En résumé, on ne croit pas une seconde à ce polar certes dense et complexe, qui se veut noir et haletant, mais qui sombre dans des dédales de pistes abracadabrantes et autres directions plus complexes et foireuses les unes que les autres. C’est à se demander si le réalisateur ne s’est pas attelé à cette production nonchalante, uniquement pour faire comme les autres (Nicloux, Schoendoerffer et consorts qui filment dans ce même état d’esprit des sujets mystérieux, glauques et baroques, voire mystiques), ou pour tenter de briller à nouveau après son relatif échec avec l’exotique gonflant, Man to man. D’ailleurs, à ce sujet, il est reparti en Afrique pour tourner quelques plans de flash-back répétitifs et légèrement tirés par les cheveux ! Ah, nostalgie, quand tu nous prends ! En résumé, à force de tenter de résumer au mieux l’ambiance du roman, Wargnier s’empêtre dans un dédale de pistes et de situations plus denses et tortueuses les unes que les autres, se reposant trop souvent sur ses personnages au lieu de se concentrer un peu plus à l’enquête. Il manque du rythme, ici beaucoup trop lent pour garder un semblant de suspense ; de l’intrigue, quasiment occultée, voire sacrifiée au détriment et à l’omniprésence d’un petit parterre d’individus lambda peu récurrents qui vivent en communauté à Beaubourg ; et de l’action, à part une poursuite finale bien mollassonne sous le pont Alexandre III et dans l’eau de la Seine. Bref, rien de franchement transcendant dans cette étrange affaire qui ne fait qu’en porter le nom d’ailleurs ! Un conseil : « partez vite » de ce film « et » ne « revenez » jamais, même plus « tard » !



 
 
 
                                                      cinema - theatre - musique