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Selon Charlie (sur Ciné + Club)

Sortie  le  10/10/2022  

De Nicole Garcia avec Ferdinand Martin, Jean-Pierre Bacri, Vincent Lindon, Benoît Magimel, Patrick Pineau, Benoît Poelvoorde et Arnaud Valois


Une ville au bord de l’Atlantique, hors saison. On dit que chaque homme une fois dans sa vie rencontre son histoire. Comment reconnaître que c’est elle qui passe là…3 jours. 7 hommes, 7 vies en mouvement en quête d’elles-mêmes, qui se croisent, se ratent, se frôlent, se percutent, pensent se sauver et qui, en se quittant, ne seront plus jamais les mêmes, et tout cela sous le regard de Charlie, un enfant.

Qui est Charlie ? Un enfant de 11 ans qui regarde autour de lui ses parents se disputer comme des proches se chercher, des gens à la dérive qu’ils croisent au gré de son quotidien tels que le maire de sa ville, la maîtresse de son père, le professeur de sciences naturelles de son école, le scientifique de passage ou le déménageur de brocante. Il ne les connaît pas ou si peu, mais il va apprendre à les discerner pendant un laps de temps très court, voire pousser certains à se confronter (parfois de plein fouet) avec leur réalité, leurs démons comme leurs vices cachés.
Charlie est une sorte de fil conducteur de tout ce petit monde qui tente les uns après les autres de régler un certain nombre de problèmes, que ce soit son père, Vincent Lindon, qui trompe sa femme avec celle du professeur de son fils, Benoît Magimel, lui-même partagé entre son petit boulot de fonctionnaire et ses vieux rêves de chercheur/aventurier non concrétisés qui réapparaissent avec la venue de l’un de ses anciens amis et partenaires de recherche, Patrick Pineau ; le maire, Jean-Pierre Bacri, qui aimerait vivre une belle histoire d’amour avec une jeune jardinière, même si c’est incompatible avec ses responsabilités, ses fonctions et sa vie familiale ; le brocanteur, Benoît Poelvoorde, en liberté conditionnel, qui aimerait bien réussir un « coup » mais qui est incapable de réussir ce qu’il entreprend.
Bref, l’étude approfondi et légèrement psychologique d’un microcosme humain bien particulier, à un moment précis de leur existence où ils peuvent trébucher, et cela au sein d’une petite communauté villageoise en bordure de mer ! La croisée de leurs destins va les conduire à des issues auxquelles ils n’auraient pas pensé. La réalisatrice Nicole Garcia n’a pas son pareil pour nous dépendre les souffrances et les turpitudes ainsi que les questionnements, les angoisses et les errances de nos contemporains ici essentiellement masculins, comme elle l’avait déjà si bien présenté dans Le fils préféré, L’adversaire et Place Vendôme (sauf Un week-end sur 2 qui, quand à lui, était exclusivement féminin). Elle aime montrer des hommes qui sont mis à mal, voire à dure épreuve à un tournant de leur vie, par des vents contraires de l’existence, mais qui finissent toujours par s’en sortir ou être sauvés. Elle dévoile d’abord qu’ils sont plus fragiles que ce qu’ils veulent bien montrer d’eux, avant de se reprendre ou de réagir face à l’adversité qui les enquiquine ou les maltraite.
Comme elle, le spectateur n’en finit pas de s’interroger sur ces hommes qui se comportent parfois maladroitement, avec bassesse, lâcheté, silence ou bien résignation. Et son casting de premier plan est à la hauteur de notre attente, des grands noms d’acteurs aussi magnifiques que talentueux, exprimant tous les degrés de la réversibilité du destin et tous les stades de la solitude des hommes, à la fois impressionnants de sincérité, d’expression, de profondeur, de dignité et de supplément d’âme, au point qu’ils auraient pu, eux aussi, remporter le prix d’interprétation masculine au festival de Cannes au même titre que ceux du film Indigènes. C’est vrai qu’ils sont parfaits chacun dans leur partie, certes un peu similaire aux rôles qu’ils jouent habituellement (entre autre Lindon et ses airs de chien battu, Bacri avec ses éternels sautes d’humeur, Poelvoorde et ses facéties à la fois orales et gestuelles, Magimel avec son calme tout en retenu et ses doutes en silence), mais tellement à leur place ici, surtout avec la prestation fabuleuse de l’excellent Patrick Pineau (Un monde sans pitié, Lacenaire, Capitaine Conan, Vénus beauté, Liberté-Oléron, Quand j’étais chanteur) qui gagne à être reconnu à sa juste valeur. Ils portent littéralement cette histoire qui pourrait paraître un peu longue à ceux qui aiment être confrontés à plus d’action et de réactions.
Qu’importe, Nicole Garcia a remonté son film depuis sa présentation en sélection officielle cannoise pour enlever 20 minutes de la première monture. Si le film gagne en rythme, il perd en clarté sur des points de détails (la présence sans corrélation ni intérêt d’un jeune joueur de tennis) qui, fort heureusement, n’alternent en rien le bon déroulement du scénario. Voilà donc un film choral bien orchestré, certes complexe dans son traitement narratif qui brouille quelque peu les destins de chacun des protagonistes mais simple dans sa mise en scène soignée, sa photo raffinée et son interprétation irréprochable, haute en couleurs et défendue avec ce qui se fait de mieux comme casting version crème française. Le sujet tantôt sombre tantôt comique, d’ailleurs, n’est pas s’en rappelé le style d’histoires émouvantes et intimes qu’affectionnait généralement Claude Sautet puisque le scénariste n’est autre que son ancien collaborateur, Jacques Fieschi (Quelques jours avec moi, Un cœur en hiver, Nelly et monsieur Arnaud), qui travaille également avec Nicole Garcia depuis le début (c’est leur 5ème film ensemble).
En résumé, une sorte de Cœur des hommes, non pas dans le registre de la comédie mais dans le domaine de la détresse masculine, de la réflexion sur la vie et du changement d’existence….Tout un programme à portée de main, plein de belles convictions et de bonnes résolutions en perspective !

C.LB



 
 
 
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