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Volver (sur Canal + Grand Ecran)

Sortie  le  06/07/2022  

De Pedro Almodovar avec Penélope Cruz, Carmen Maura, Lola Duenas, Bianca Portillo, Yohana Cobo et Chus Lampreave


Ce film est un croisement entre « Le roman de Mildred Pierce » de Michael Curtiz (Boulevard des passions), « Arsenic et vieilles dentelles » de Frank Capra, allié au naturalisme surréaliste du 4ème film de Pedro Almodovar, « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter çà ? », c’est-à-dire Madrid et les quartiers bouillonnants de la classe ouvrière, où les immigrés des différentes provinces espagnoles partagent leurs rêves, leur vie et leur sort, avec une multitude d’ethnies et de races étrangères. Au sein de cette trame sociale, 3 générations de femmes survivent au vent, au feu et même à la mort, grâce à leur bonté, à leur audace et à une vitalité sans limites, dans le Madrid des quartiers ouvriers.

C’est la nouvelle comédie du plus renommé des cinéastes espagnoles qui est encore et comme souvent un hymne à la femme (il l’a toujours agrémenté à toutes les sauces, qu’elle soit droguée, madone, mère, putain ou femme fatale, tour à tour forte, pathétique, brisée et dingue) et à son regard sur la vie et la mort. En effet, pour son 16ème long métrage, Pedro Almodovar va aux frontières du fantastique et retrouve 2 de ses comédiennes fétiches, Penélope Cruz et Carmen Maura, une vraie « revenante » qui n’avait pas tourné avec lui depuis Femmes au bord de la crise de nerfs, il y a 18 ans.
Ce réalisateur de mélos flamboyants (Tout sur ma mère, Parle avec elle) flirte maintenant avec le paranormal et le fantastique dans une histoire où son héroïne découvre bientôt que sa mère, morte dans un incendie avec son père, est revenue la perturber. Mais Volver, qui signifie revenir en français, n’a rien à voir avec une variante du film américain 6ème sens puisque nous sommes ici dans une comédie de fiction à l’univers féminin maltraité par l’existence, composé notamment de la grand-mère (l’excellente Carmen Maura en drôle de ressuscitée), de ses 2 filles (la ravissante Pénélope Cruz aussi sensuelle que Sophia Loren dans le film italien « Une journée particulière », et la pimpante Lola Duenas, aperçue dans Parle avec elle, 20 centimètres et Mar adentro, dans un rôle tour à tour complexe et excentrique), de la petite fille (Yohana Cobo, très présente et éloquente sans pratiquement rien faire), et de la voisine du village qui en sait long sur les secrets de la famille et qui a entendu tant de choses (Bianca Portillo, bientôt dans Goya’s ghosts, qui fait ici une création superbe). Mais le principal « retour » de Volver est celui du fantôme d’une mère qui apparaît à ses filles pour les aider.
Il est ici question de mystère, de crime, de deuil, d’amour, de bouffe, d’humour et de rire, qui a fait encore une fois, on s’en doute bien, le bonheur des festivaliers à Cannes, tout comme l’année dernière avec sa « Mauvaise éducation ». Ce qui frappe dans ce récit de revenants sous la forme d’un puzzle, c’est l’hyperréalisme des premières scènes qui nous place dans un état de grande tension émotionnelle, ainsi que le côté fantastique qui nous place dans une dimension de la réalité à travers des situations quotidiennes des plus banales. Ce scénario délicatement traité et fort bien maîtrisé est un tour de passe-passe narratif permanent au mécanisme prodigieux dont on ne voit jamais les ficelles, brodant des variations soit désopilantes, soit alors bouleversantes.
Pedro Almodovar, en metteur qui prend beaucoup de libertés, a réussi à mélanger avec un naturel étonnant des éléments de narration apparemment incompatibles, notamment le fait de faire co-exister les vivants et les morts, le réel et le surréalisme, le fantastique et le quotidien, l’imaginaire et le vécu, le rêve et l’état de veille. Et plus il en ajoute, plus la logique interne du récit est grande comme si nous étions plongé en permanence dans une ambiance onirique. Le fait qu’il y ait un fantôme dans l’histoire est un élément essentiellement comique, dans la mesure où il est traité sur un mode réaliste. Ce film est également un pèlerinage dans sa région natale (la Mancha) et un hommage aux rites sociaux et mortuaires que pratiquent les gens dans la plupart des villages de l’Espagne profonde, qui sont liés autant à la solidarité entre voisins (et voisines) qu’à la mort et aux morts qui, pour eux, ne meurent jamais totalement, cultivant leur mémoire et entretenant régulièrement leurs tombes.
Voilà donc une farce féminine et familiale, aussi loufoque que mélancolique, qui mélange les genres, ressemblant à un conte quelque peu dramatique, à la fois émouvant et comique, aussi étrange que poétique, plein de tendresse et de sentiments, parlant de l’au-delà qu’il soit d’ailleurs aussi bien là-haut qu’ici-bas ! Bref, dans ce film, on parle beaucoup, on crie pas mal, on cache également beaucoup et, bien que ce soit tout de même une comédie, on pleure aussi beaucoup……En un mot, du grand Almodovar à la patte toujours incomparable !

C.LB



 
 
 
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