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Fauteuils d’orchestre (sur Ciné + Emotion)

Sortie  le  12/04/2024  

De Danièle Thompson avec Cécile de France, Valérie Lemercier, Albert Dupontel, Laura Morante, Claude Brasseur, Dani et Christopher Thompson


Elle triomphe à la télé ; elle est célèbre, populaire, adorée ! Pourtant, elle ne rêve que cinéma intimiste et reconnaissance intello. Catherine tourne toute la nuit son 100ème épisode, répète le jour une pièce à la comédie des Champs Elysées. Elle est surmenée, mais la première est le 17, il faut être à la hauteur pour jouer Feydeau même si on préfère Sartre ! Pianiste surdoué, adulé, surbooké ; le 17, Jean-François jouera Beethoven à côté, la plus belle salle du monde, les meilleurs musiciens, le public le plus raffiné…Pourtant, il ne rêve que solitude, liberté et d’un public ignorant et naïf. Toute sa vie, il a cherché, découvert des artistes, cassé sa tirelire pour amasser des œuvres rares. Le 17, Jacques vend tout ! En un seul soir, l’œuvre de sa vie sera dispersée aux 4 coins du monde. Sa grand-mère, ancienne dame pipi dans les palaces, lui a dit : « je n’avais pas les moyens de vivre dans le luxe, alors j’ai décidé d’y travailler ». Un jour, Jessica, elle aussi, tente sa chance à Paris. Le 17, il va manquer du personnel : elle est embauchée au café des 2 théâtres et de sa salle des ventes. C’est là que tous, actrice, pianiste, serveur, concierge, collectionneur, fils de l’un, femme de l’autre viennent soigner leur névrose devant un café ou un « tartare frite ». Confrontée à cet univers qu’elle croyait paradisiaque, Jessica, positive et lucide, y perd des illusions mais y trouve les clefs d’une nouvelle vie. Attention aux fauteuils d’orchestre : trop loin, on ne profite pas du spectacle, mais trop prêt, on n’y voit plus rien !

Après La bûche et Décalage horaire, on retrouve le duo de scénaristes, la mère et réalisatrice Danielle Thompson ainsi que son fils Christopher, pour une nouvelle approche de la race humaine et plus particulièrement une nouvelle représentation d’une certaine gente féminine comme masculine. Nous sommes en présence notamment d’une catégorie bien définie de personnages plutôt célèbres et fortunés qui vont graviter plus ou moins ensemble dans un endroit donné, presque confiné, celui du bout de l’avenue Montaigne à Paris, et cela pendant quelques jours, 3 exactement. Ce que ce duo d’auteurs nous propose, c’est en quelque sorte une petite étude des mœurs, qu’elle soit psychologique ou philosophique, de personnes venant donc d’un milieu plutôt aisé mais insatisfaits et surtout en mal d’existence, et cela à un moment bien précis de leur vie. Ils se remettent chacun en cause pratiquement au même moment, un moyen pour que leurs histoires viennent se croiser, s’entrechoquer et s’imbriquer les uns dans les autres, en espérant que tout cela puisse prendre forme, une nouvelle tournure comme un nouveau départ pour chacun d’entre eux. Bien évidement, les uns comme les autres devront passer quelques épreuves plus ou moins mouvementées, avant de se remettre d’aplomb physiquement et moralement, de mettre un peu d’ordre dans leurs vies, désirs et autres souhaits, et enfin de calmer le jeu pour que le cours de leur existence reprenne sagement, voire docilement, son cours. Il y a là l’actrice populaire mais débordée qui attend le grand rôle de sa vie (Valérie Lemercier impayable de drôlerie et véritable petite bouffée d’oxygène dans un numéro de séduction face à Sydney Pollack) ; le pianiste virtuose qui veut faire le bien autour de lui mais qui est coincé par ses nombreux contrats (Albert Dupontel assez crispant et trop musclé pour ce rôle qui devrait être tout en douceur) ; le collectionneur plutôt riche qui veut liquider sa collection d’œuvres d’art (Claude Brasseur toujours égal à lui-même, c’est-à-dire bon, malgré le fait qu’on ait du mal à croire qu’il ait été chauffeur de taxi) ; son fils mal dans sa peau qui tente de recoller les morceaux avec son père (Christopher Thompson toujours aussi triste et peu souriant) ; et enfin la jeune serveuse qui sert d’intermédiaire et de guide entre tout ce beau monde, à la fois pôle d’attraction et centre névralgique de ce microcosme urbain (Cécile de France fort sympathique et proche de son rôle de nunuche dans La confiance règne). Là-dessus viennent se pointer en filigrane Dani en concierge de théâtre branchée musique populaire et sur le départ à la retraite, Laura Morante en femme de pianiste blessée et triste, et Suzanne Flon en vieille dame dans son dernier rôle au cinéma. Le problème, c’est qu’on ne croit pas un instant à ce chassé-croisé qui tombe comme un cheveu dans la soupe. Le portrait à peine dévoilé de cette dizaine de personnes est trop appuyé, souligné et exacerbé pour être touchant, attachant et émouvant. On dirait parfois du soap-opéra, de la série télévisée pour vieux programmée en début d’après-midi. Ca se veut clinquant et représentatif d’un milieu mais ça reste une esquisse très linéaire et sans réelle profondeur narrative. Il n’y a pas de vraie psychologie ici, juste une ébauche de caractères avec quelques sentiments greffés dessus. C’est de plus un peu poussif et prévisible d’avance, au point qu’on ne voit pas qui peut bien sortir véritablement du lot. On n’arrive pas à s’attacher à un personnage en particulier, à peine dépeint et trop superficiel comme le quartier dans lequel ce petit monde travaille. De plus, cette même unité de lieu semble tellement contraignante qu’il manque une échappatoire, un peu d’oxygène pour qu’on s’évade de temps à autre nous aussi, comme si on était bloqué comme eux dans les interminables couloirs et escaliers de ses bâtiments impressionnants. Bref, cette comédie romanesque, qui aurait du partir dans plusieurs directions évolutives avec des retombés plus ou moins mouvementées, stagne dans un lieu étouffant et reste trop élitiste et parisien de surcroît, sans tenir sa promesse de nous garder en haleine de façon intense, et sans donner de supplément d’âme à cette galerie de personnes certes vrais mais sans être tout à fait réalistes, d’êtres en perdition, en quête d’autre chose, à la recherche de quelque chose d’autre alors qu’ils ont choisi d’emblée et en connaissance de cause une vie faite d’aventures et de changements de point de vue réguliers, de remises en question et de compromis perpétuels. Pas la peine d’en faire 1h45 de film pour comprendre tout cela !



 
 
 
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