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Munich (sur Ciné + Premier)

Sortie  le  02/07/2023  

De Steven Spielberg avec Eric Bana, Daniel Craig, Ciaràn Hinds, Hannis Zischler, Ayelet Zurer, Geofrrey Rush, Mathieu Kassovitz, Yvan Attal, Michael Lonsdale, Mathieu Amalric, Valeria Bruni-Tedeschi, Marie-Josée Croze et Hiam Abbass (les 02, 04, 05, 10, 16 et 20/07)


Munich 1972. Dans la nuit du 5 septembre, un commando de l’organisation palestinienne Septembre Noir s’introduit dans le village olympique, force l’entrée du pavillon israélien, abat 2 de ses occupants et prend en otages les 9 autres. 21 heures plus tard, tous seront morts et 900 millions de téléspectateurs auront découvert en direct le nouveau visage du terrorisme. Après avoir refusé tout compromis avec les preneurs d’otages, le gouvernement de Golda Meir monte une opération de représailles sans précédent, baptisée « Colère de Dieu ». Avner, un jeune agent du Mossad, prend la tête d’une équipe de 4 hommes, chargée de traquer à travers le monde 11 représentants de Septembre Noir désignés comme responsables de l’attentat de Munich. Pour mener à bien cette mission ultrasecrète, les 5 hommes devront renoncer du jour au lendemain à leur identité, se couper de leur pays et de leur famille, vivre en permanence dans l’ombre, s’exposer à tout moment à la vengeance de leurs cibles. Genève, Francfort, Rome, Paris, Chypre, Londres, Beyrouth…une longue traque s’engage, émaillée d’exécutions spectaculaires, mais aussi de bavures, de doutes, d’angoisses et de déchirements. Dans la spirale infernale de la violence, des questions restent sans réponses : Qui tuons-nous ? Ces actes peuvent-ils être justifiés ? Cela mettra-t-il fin au terrorisme ? (voir la BO dans la rubrique Sorties musicales)

Si Steven Spielberg avait voulu parler de terrorisme, il ne s’y serait pas pris autrement pour démontrer comment de tels évènements se sont déroulés, parfois d’une sauvagerie, d’une barbarie et d’une horreur pareilles, que ce soit d’ailleurs aussi bien du côté des terroristes que de celui des agents secrets ! Sans doute marqué par les attentats du 11 septembre au même titre que l’ensemble de la population américaine (comme il le montrait d’une certaine manière dans La guerre des mondes), il s’est lancé dans le vaste et authentique projet de nous montrer non pas les attaques du World Trade Center mais celles perpétrées contre des athlètes israéliens lors des Jeux Olympiques de Munich en 1972 et surtout des représailles qui en suivirent, histoire de nous prouver qu’en fin de compte le terrorisme ne paye pas pour les uns comme pour les autres.
En effet, si on se base sur les actes rapportés à cette époque, il y a eu au moins autant de dégâts du côté des traqueurs que de celui des traqués. Puisque c’est de l’histoire ancienne, il a pu, avec le recul nécessaire et surtout l’inspiration du livre du journaliste canadien George Jonas (Vengeance), expliquer amplement comment se sont passées de telles horreurs et atrocités avec les victimes et les dégâts occasionnés dans ce thriller qui lève un voile sur les aspects les moins connus du drame et les plus délicats à évoquer. Sous le couvert d’aucune objectivité particulière, sauf celle de montrer la détermination d’une poignée d’hommes qui pensaient agir pour une bonne et juste cause, le bien et le salut de la paix et celle de leur patrie (qui est d’ailleurs aussi un peu celle du réalisateur), il filme la traque et l’élimination systématique et sans autre forme de procès de terroristes palestiniens les uns après les autres. On assiste à une longue et tragique chasse à l’homme, bien orchestrée et plutôt sanglante, par les services secrets israéliens, appelés le Mossad, et cela par l’intermédiaire d’une poignée de soldats anonymes, originaires de divers pays et sans aucune identité réelle puisqu’ils ne devaient apparaître d’aucune façon possible au grand jour et sous leur véritable nom. Bref, une opération secrète menée dans la plus grande clandestinité !
Cette fidèle reconstitution des faits, qui se sont véritablement déroulés il y a plus de 30 ans, témoigne du désir du réalisateur de bien marquer les esprits du monde entier de ce qui a touché la foi intérieure, l’âme profonde et la propre chair de tout un peuple en lutte perpétuelle contre un voisin et un adversaire omniprésents, le monde arabe. Spielberg n’y va pas par 4 chemins, préférant filmer la difficile et périlleuse enquête de ses israéliens à travers plusieurs pays d’Europe, que de donner son éventuel point de vue, argumenté ou non. Certes, sa préoccupation première est d’éclairer l’individu lambda des raisons et des conditions qui ont poussé ses hommes à combattre un ennemi aussi redoutable et machiavélique que celui-ci. En réalité, il n’est pas là pour expliquer le pourquoi du comment de tels actes, entre autre l’un des épisodes les plus marquants du conflit israélo-palestinien, mais plutôt pour dépeindre ce qui s’est vraiment passé et se faire en sorte le messager de l’actualité. On pourrait appeler cela un film politique puisqu’il se déroule dans un contexte de guerre pour le moins complexe, à la fois guerre secrète entre agents, guerre régulière entre 2 pays voisins et guerre froide entre américains et russes.
Mais c’est bien plus que cela ici car le vrai message derrière ses images d’une violence certaine, c’est le désir d’un peuple à aspirer peut-être un jour à la paix et à la tolérance, sans attentats ni morts pour y parvenir enfin. Ce film est en vérité une belle et profonde démonstration comme une prière contre l’intransigeance, mais plus portée ici vers une version vengeresse du type œil pour œil et dent pour dent. Il ne mâche pas ses mots ni ses plans, préférant les séquences chocs avec l’organisation et l’exécution d’assassinats ciblés bien planifiés, perpétrés purement et simplement de sang froid, plutôt que les réflexions, les doutes et les interrogations de ses exécuteurs sans véritable état d’âme, conscience ou en proie à quelque tourments existentiels, surtout ceux du personnage principal (Eric Bana – Chopper, La chute du faucon noir, Hulk, Troie – très habité par son rôle) qui commence à comprendre seulement à la fin du film de la supercherie dont il a été victime, odieusement manipulé et trompé par son gouvernement. Spielberg a choisi encore une fois son camp, celui de faire comme d’habitude un film poignant, tour à tour coup-de-poing et bien rentre-dedans, à la place d’un film psychologique et bourrage de crâne !
Ca lui réussit plutôt bien puisqu’on suit avec intérêt les pérégrinations mouvementées de ses hommes (l’intrépide Daniel Craig – le nouveau James Bond -, le fringant et méticuleux Ciaràn Hinds, l’étonnant Mathieu Kassovitz en artificier et le débonnaire Hanns Zischler en faussaire) qui ne se posent pas beaucoup de questions (et pour cause sinon il n’y aurait pas d’histoire !) mais qui agissent vite et assez salement à vrai dire (à voir les moyens utilisés pour exterminer chaque terroriste). Place donc à l’action et légèrement à l’humour (merci à Geoffrey Rush pour sa courte mais merveilleuse prestation en bureaucrate mentor), et pas vraiment aux sentiments ! Donc, pas vraiment de place pour les femmes ou si peu, Marie-Josée Croze (Ararat, Les invasions barbares) et Ayelet Zurer (Nina’s tragedies) ne faisant que de rares et succinctes apparitions. N’empêche qu’après L’empire du soleil et Il faut sauver le soldat Ryan sur les affrontements pendant la Seconde Guerre Mondiale, La liste de Schindler sur l’Holocauste et les camps de concentration, puis Amistad sur la traite des noirs et l’esclavagisme, Spielberg se porte à nouveau garant de l’ordre moral international en tant que représentant soucieux du souvenir, en réalisant successivement des grosses productions historiques qui fleurent bon les grands évènements retracés (il place ici quelques documents d’époque filmés au moment des faits) et les belles valeurs finalement sauvegardées (le bon droit revient toujours à celui qui s’est bien battu ou alors bien défendu).
Voulant à tout prix sensibiliser l’opinion générale pour qu’elle prenne partie d’une manière ou d’une autre, il est devenu en quelque sorte le porte-parole établi des faits passés et marquants qui ont frappé notre monde et tout particulièrement le sien. A travers un cinéma révélateur et énergique, il nous pousse un peu à aller voir ses réalisations fort musclées et pleines d’effets (spéciaux ou pas) pour qu’on n’oublie pas ce qui s’est déroulé ici et là dans le monde. C’est sans doute très galvanisant pour l’auteur de se placer ainsi comme gardien d’un certain savoir et d’une certaine connaissance, mais c’est un peu trop accès sur certains points de l’Histoire, à en juger par les thèmes qu’il aborde habituellement ! N’est-il pas sur le point de tourner la vie d’Abraham Lincoln, le président américain justement antiesclavagiste, et qui ferait suite d’une certaine façon à Amistad ?
A vouloir être le plus fidèle et le plus proche possibles de la réalité en remettant les choses et certains moments-clés de notre existence en perspective, il espère nous ouvrir un peu plus les yeux pour faire en sorte qu’on ne les oublie jamais, et nous protéger du chaos ambiant qui règne et dans lequel nous vivons, dans l’espoir que certains actes de l’histoire ne se reproduiront pas un jour ou l’autre. Loin d’imaginer une seconde que ce film grave, âpre et dur, va résoudre le problème du Moyen-Orient, Spielberg pense tout de même que le cinéma est un bon moyen et un excellent véhicule pour avoir une profonde résonance sur les gens et arriver à les sensibiliser. Et là-dessus, il n’a pas tout à fait tort puisque cette forme d’expression artistique est capable de toucher en très peu de temps des générations entières d’individus de tout bord et de toute nationalité. Mais il ne peut pas à lui tout seul porter cette lourde et encombrante croix de protecteur de la pensée historique universelle. Même s’il n’a plus rien à prouver question cinéma après ses années d’expérience, il a encore la faculté de nous émouvoir sur un scénario donné et la possibilité de vouloir rester gravé à tout jamais dans la mémoire collective de chacun ! C’est une sacré mission qu’il n’est pas prêt d’abandonner de sitôt, vues ses motivations nombreuses et sa boulimie de tournages pour le moins incessantes…..



 
 
 
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