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Le secret de Brokeback Mountain (sur Ciné + Emotion)

Sortie  le  30/07/2023  

De Ang Lee avec Jake Gyllenhaal, Heath Ledger, Linda Cardellini, Anna Faris, Anne Hathaway, Randy Quaid et Michelle Williams


Eté 1963, Wyoming. 2 jeunes cow-boys, Jack et Ennis, sont engagés pour garder ensemble un troupeau de moutons à Brokeback Mountain. Isolés au milieu d’une nature sauvage, leur complicité se transforme lentement en une attirance aussi irrésistible qu’inattendue. A la fin de la saison de transhumance, les 2 hommes doivent se séparer. Ennis se marie avec sa fiancée, Alma, tandis que Jack épouse Lureen. Quand ils se revoient 4 ans plus tard, un seul regard suffit pour raviver l’amour né à Brokeback Mountain.

Ah, les grandes étendues montagneuses américaines, aussi sauvages que somptueuses, aussi désolées qu’impressionnantes, aussi grandioses qu’ensorcelantes ! La beauté et la pureté de ces paysages vous prennent à la gorge, au point qu’on s’y croirait presque, s’imaginant chevaucher à travers les forêts, garder les troupeaux sur les pentes, partager les repas le soir au coin du feu et se laver dans le lit de la rivière. On voudrait se perdre dans ces vastes décors, partir à l’aventure, se frayer un chemin dans ces lieux presque vierges et y séjourner quelques temps, exactement comme ses 2 cow-boys en mal d’amour.
Parce qu’il s’agit bien ici, non pas d’une comédie ou d’un drame mais bel et bien d’une histoire d’amour toute bête entre 2 hommes, à une époque où ce genre de relation n’était pas bien vu, ni tout à fait dans l’air du temps. Ca ne se faisait pas et il fallait se cacher pour réussir à vivre ses passions différentes, dites honteuses. Avec beaucoup de retenu et de pudeur, le réalisateur Ang Lee (Salé sucré, Raison et sentiments, The ice storm, Tigre et dragon, Hulk) a su montrer les rapports d’abord amicaux puis plus intimes sans tomber dans le vulgaire et le voyeurisme. Il en est de même avec la nature qu’il réussit à sublimer sans en rajouter dans les cadrages alambiqués et les focales colorées. Par contre, il aurait pu accélérer la cadence, tant on trouve le temps un peu long et les images légèrement répétitives. On a l’impression qu’il a laissé défiler la bobine, histoire de bien montrer ces endroits magiques et de bien installer les situations pleines d’émotions, que n’importe quel spectateur a comprise depuis longtemps. Même récompensé par le Lion d’Or à Venise dernièrement, Ang Lee, qui a déjà réalisé un western, Chevauchée avec le diable, se déroulant à une époque plus ancienne que celle-ci, aurait du éviter de laisser tourner sa caméra après l’échec de ce dernier qui avait d’ailleurs le même défaut.
Quoi qu’il en soit, il nous raconte cette histoire dramatique, certes au sujet qui tiendrait en 3 lignes, tiré d’une nouvelle de Annie Proulx, mais pour le moins dépaysante, avec un réel amour pour ces régions aussi gigantesques qu’extraordinaires. Même s’il en rajoute un peu dans la représentation de l’Amérique profonde, ces cow-boys, pures produits de leur environnement, qui parlent comme s’ils avaient constamment quelque chose de coincer dans la bouche (d’ailleurs, on ne comprend pas tout ce qu’ils disent !), leurs dégaines avec les jambes arquées et leurs chapeaux éternellement visés sur la tête, il aurait pu y placer un peu plus de relief et d’identité chez ses 2 protagonistes somme toute assez linéaires et absents, ainsi que des séquences vraiment musclées, au lieu de nous infliger quelques castagnes sans raison d’être, notamment avec un automobiliste et 2 grossiers personnages, pour nous prouver que nous avons à faire à de durs, parfois même violents. On ne peut pas dire que les 2 comédiens principaux soient vraiment des machos costauds et cela malgré leur entraînement à ce type d’existence et l’endroit d’où ils viennent (la campagne), mais ni Jake Gyllenhaal (Donnie Darko, Le jour d’après, Jarhead - la fin de l'innocence), ni le regretté Heath Ledger (Chevalier, A l’ombre de la haine, Les frères Grimm) ne donnent l’impression d’être de véritables cow-boys. Ce n’est pas que nous soyons en présence de 2 « tapettes » mais le fait de garder des moutons, au lieu que ce soit des taureaux et des vaches, nous laisse supposer que nous avons à faire à des apprentis plutôt qu’à des icônes Marlboro.
Néanmoins, ne boudons pas notre plaisir d’assister de temps à autre à la magnifique vision de ces contrées merveilleuses de l’Ouest rurale sur fond de récit romanesque, qui se veut à tout prix sensible et émouvant, mais qui, avuons-le, ne déclenche pas les larmes et ne casse pas 3 pattes à un canard. En un mot, distrayant mais pas transcendant, pour un public averti et digne de ce nom !

C.LB



 
 
 
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