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Aviator (sur Ciné + Emotion)

Sortie  le  26/02/2022  

De Martin Scorsese avec Leonardi DiCaprio, Cate Blanchett, Kate Beckinsale, John C.Reilly, Alec Baldwin et Jude Law


Héritier d’une des plus grandes fortunes du Texas, Howard Hughes rompt avec sa famille pour réaliser le premier de ses rêves : devenir producteur. A peine majeur, il réalise et finance lui-même Hell’s angels. Pour cette fresque d’une ampleur sans précédent, il réunit des dizaines d’avions et plus d’une vingtaine d’opérateurs, exécute lui-même les cascades les plus ébouriffantes et accumule des centaines d’heures de rushes. Bilan : 3 ans de tournage, le budget le plus colossal de l’histoire du cinéma…et un triomphe critique et commercial. Hughes est entré dans la légende hollywoodienne. Mais un autre rêve le poursuit depuis l’enfance : être le plus grand pilote de son temps. Menant de front sa tumultueuse carrière cinématographique, la gestion de ses entreprises et d’innombrables conquêtes amoureuses, Hughes signe plusieurs records de vitesse et accompli un spectaculaire tour du monde en 3 jours. Sa gloire égale désormais celles de Charles Lindbergh. Devenu à son corps défendant le héros de l’Amérique, l’excentrique milliardaire rachète la compagnie TWA pour créer sa propre ligne transatlantique et se lance dans la construction du plus grand hydravion de tous les temps, un monstre baptisé Hercule. Ce nouveau défi sera à l’origine du plus âpre de ses combats et manquera de la faire basculer dans la folie. Hughes, le visionnaire, l’éternel rescapé, en sortira une fois de plus vainqueur. Prêt pour d’autres aventures, et plus décidé que jamais à voler toujours plus haut, toujours plus vite. Mais pour combien de temps encore ?

On ne pouvait pas faire plus épique, plus grandiose et plus incroyable, que ce film qui nous raconte sur presque 20 ans (entre 1920 et 1940) le parcours époustouflant, sorte de saga tumultueuse et riche en évènements, de l’un des grands précurseurs du XXème siècle, Howard Hughes. Ce grand industriel, milliardaire, aventurier casse-cou, pilote émérite, pionnier de l’aviation civile, inventeur, concepteur et recordman, producteur glamour, réalisateur notamment de Scarface et Hell’s angels, directeur de studio et séducteur insatiable, nous est conté en 2h45 montre en main. Ce n’est pas une chronique, c’est carrément sa vie durant toute sa durée ! N’exagérons pas trop mais c’est tout de même pas loin d’une bonne tranche d’existence. A l’écran, nous découvrons 3 de ses plus grandes périodes, son passion pour le cinéma, puis celle pour l’aviation et enfin celle pour les femmes. A travers ces 3 parties bien distinctes, qui sont d’ailleurs filmées et mises presque bout à bout, se dessinent en fait un homme tour à tour excentrique et flamboyant qui devint un leader de l’industrie aéronautique en même temps qu’une figure mythique, auréolée de glamour et de mystère.
Pour interpréter ce passionnant Howard Hughes, l’une des figures les plus énigmatiques du XXème siècle, il n’y avait pas plus fringuant et plus expressif que Leonardo DiCaprio, tellement passionné par cet homme qu’il initia ce projet et en devint l’un des producteurs exécutifs, qui tourne ici pour la 2ème fois avec le célèbre réalisateur, Martin Scorsese. Après le raté Gangs of New-York, c’est cette nouvelle collaboration qui fait les gorges chaudes de tout Hollywood à quelques jours avant la remise des Oscars. En effet, Aviator est nommé dans plusieurs catégories dont celle du meilleur acteur et donc, bien évidemment, une possibilité pour Leonardo DiCaprio de remporter enfin la fameuse statuette qui lui est passé sous le nez à l’époque de Titanic. Si on peut considérer qu’il irradie véritablement sur pellicule, d’autant plus qu’il est omniprésent pendant toute la durée du film, il reste tout de même moins charismatique et envoûtant qu’un Daniel Day-Lewis dans Le temps de l’innocence, ou qu’un Robert Redford dans Out of Africa. Néanmoins, il arrive à irradier dans un certain nombre de situations qui représentent quelques-unes de ses principales activités pour le moins fécondes et mouvementées. Martin Scorsese n’a pas lésiné sur les moyens et le sens aigu du détail et des accessoires pour retranscrire cette époque révolue de façon authentique, que ce soit dans les paysages, les décors et les costumes, tous plus flamboyants les uns que les autres. Il est vrai que la reconstitution vaut le détour, à voir les différents lieux de tournage utilisés, les personnages qui gravitaient autour d’Howard Hughes et les techniques numériques ainsi que les procédés classiques employés pour redonner toute sa splendeur et son envergure à ce qu’on a appelé l’âge d’or américain.
On se laisse certes surprendre par un sens du rythme, une rigueur narrative, des images léchées et un cadrage parfait mais il manque un effet de surprise, celui d’être étonné par ce qui arrive à ce personnage hors norme qui, il faut bien le constater, se cantonne à aligner plus souvent les billets de banques quand il le faut, tout comme les conquêtes féminines, que les véritables combats d’homme à homme, corps à corps, contre un adversaire bel et bien réel dans tout combat qui se respecte et digne de ce nom. Ses tragédies pourraient se résumer au moment où il ne réussit pas à avoir tout de suite ce qu’il veut. Les seules fois où il devient vraiment touchant et sincère, c’est lorsqu’on le voit dessiner ou inventer une ligne particulière pour l’un de ses modèles d’avions. Là, son œil s’illumine et on sent la passion l’envahir pendant cette phase qui fut la plus glorieuse de sa vie, mais aussi celle où il commença à payer le prix de sa célébrité, de ses ambitions démesurées et de son perfectionnisme obsessionnel.
En ce qui concerne les autres protagonistes, ils lui servent un peu de faire-valoir, lui renvoyant à juste titre la balle pour mieux qu’il rebondisse sur un autre défi démentiel ou bien un autre projet démesuré. Là-dessus, on est déçu de voir que les scénaristes (entre autre John Logan a qui l’on doit le script de Gladiator) ont oublié de raconter les quelques déconfitures qu’a du subir cet illustre inventeur aussi complexe que contradictoire, notamment avec son gigantesque HK-1 (le légendaire Spruce goose) inexploitable qui ne fut jamais commercialisé faute de pouvoir décoller (lors de son premier et dernier vol de 60 secondes à Long Beach en 1947), se bornant juste à nous montrer sa biographie avec les plus glorieux et élogieux passages de sa brillante et fougueuse ascension, et seulement quelques-unes de ses imperfections humaines, ses doutes comme ses phobies obsessionnelles comme sa manie de la propreté, ses nombreuses angoisses et sa paranoïa incurable. En ce qui concerne sa descente tardive dans la folie, point de scènes dramatiques, puisque l’enquête sénatoriale contre Howard Hughes ressemble à une mascarade, plus proche de la foire d’empoigne, et que le film s’arrête juste après l’envol de son hydravion géant Hercule, avant de rester véritablement cloîtré chez lui. Question femmes, il y a bien sûr celles qui ont beaucoup compté comme Katharine Hepburn (magistralement campé par Cate Blanchett) mais les Jean Harlow (interprétée rapidement par la très ressemblante Gwen Stefani, ex-chanteuse du groupe No Doubt) et Ava Gardner (jouée par Kate Beckinsale, pas vraiment convaincante) passent aussi vite à l’écran que la prestation fugace de Jude Law en Errol Flynn. Bref, même si ce film possède une dimension biographique authentique, un souffle épique et des personnages à facettes, cela ne veut pas forcément dire que les producteurs aient pris un grand risque en l’adaptant aussi fidèlement que possible mais avec distance et froideur, telle une belle photo de pin-up tirée sur papier glacé.

C.LB



 
 
 
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