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La jeune fille à la perle (Canal + Grand Ecran)

Sortie  le  29/11/2023  

De Peter Webber avec Colin Firth, Scarlett Johansson et Tom Wilkinson


La jeune et ravissante Griet est engagée comme servante dans la maison du peintre Vermeer. Nous sommes à Delft, au XVIIème siècle, l’âge d’or de la peinture hollandaise. Griet s’occupe du ménage et des 6 enfants de Vermeer en s’efforçant d’amadouer l’épouse, la belle-mère et la gouvernante, chacune très jalouse de ses prérogatives. Au fil du temps, la douceur, la sensibilité et le vivacité de la jeune fille émeuvent le maître qui l’introduit dans son univers. A mesure que s’affirme leur intimité, le scandale se propage dans la ville.

Il y avait longtemps qu’on ne nous avait pas proposé une fresque cinématographique aussi passionnante sur l’un des grands peintres qui a révolutionné l’art de la peinture flamande. Depuis Van Gogh de Pialat et Picasso de James Ivory, on n’avait pas eu la chance de pouvoir admirer au cinéma le travail et les œuvres d’un grand maître. On peut remercier le réalisateur Peter Webber, ancien étudiant en histoire de l’art, d’avoir réussi, pour son premier long métrage, à nous offrir une fort belle démonstration de son savoir-faire, à savoir un sens du cadrage, de l’image et de la reconstitution qui restitue à merveille ce que pouvait être la vision, la lumière et la vie à cette époque, tout en nous replongeant dans certains des tableaux de Vermeer qui exhalaient une sérénité et un calme uniques, ainsi qu’une éclatante beauté et une éblouissante clarté. On se croirait d’ailleurs un peu dans un film académique en costumes, du style Duel de Ridley Scott ou Barry Lindon de Stanley Kubrick, ce dernier ayant été réalisé pour les intérieurs uniquement à la seule lumière des bougies. D’ailleurs, on a la même impression en voyant ce film en retrouvant cette formidable prouesse technique qui consiste à rendre, tout en nuance, en retenue et en simplicité, l’ambiance authentique qui pouvait régner pendant cette période propice à l’expression créative. Tous les plans sont d’une pure splendeur, léchée à l’extrême, avec juste ce qu’il faut d’évanescence et de légèreté pour rendre cette histoire sur la vision et la peinture, les apparences et la réalité, aussi prenante qu’elle devait l’être dans le livre dont elle est adaptée. Le destin de cette jeune fille, pourtant un épisode dans son existence, qui a sans doute inspiré et influencé quelques tableaux à Vermeer (comme celui tiré de l’affiche et du titre de ce film – voir ci-dessus), est d’autant plus incroyable qu’elle semble avoir compris l’art de Vermeer, et même participé à la préparation des peintures, à l’élaboration de la mise en place de certaines de ses créations. Anecdote ou pas, fiction ou réalité, là n’est pas le problème puisqu’on ne connaît même pas l’identité du modèle qui a posé pour ce célèbre tableau ! Ce qui est passionnant ici, c’est de voir les rapports et conflits entre leurs émotions et leurs devoirs respectifs qui vont se tisser peu à peu entre ses 2 personnes diamétralement différentes, d’abord leur timidité, puis leur intimité et leur complicité dans le travail et le désir de découvrir ou d’apprendre tous les 2 quelque chose de l’autre. Si Vermeer était adulée par un mécène qui lui commandait régulièrement des toiles, Griet n’était qu’une simple servante attentionnée, d’une grande sensibilité intérieure et d’une calme assurance, mais déterminée à suivre son instinct, celui de comprendre certaines nuances chez son employeur et de survivre malgré toute la pression et les contraintes qu’elle devait subire quotidiennement au sein de cette grande maison. Pour interpréter ses 2 protagonistes quelque peu aux antipodes, quel meilleur choix que celui mieux du ténébreux Colin Firth (Le patient anglais, Shakespeare in love, Le journal de Bridget Jones, Love actually) pour jouer ce peintre harcelé et torturé entre ses obligations professionnelles et créatives, et sa famille acariâtre et méchante, omniprésente dans presque toutes ses décisions ! Pour le rôle de la jeune Griet, la délicatesse et la pureté de Scarlett Johansson (L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux, The barber, Lost in translation) étaient parfaites pour exprimer d’une part une réelle ressemblance avec le modèle du tableau (même regard et même visage) et d’autre part, tous les non-dits, toutes les émotions cachées et réprimées, ainsi que toutes les facettes de son émancipation et de sa passion avec le maître au fur et à mesure de son apprentissage avec lui. A travers les siècles, cette œuvre de Vermeer est toujours là pour nous parler du don du modèle envers son créateur. Nous sommes bien loin du mélodrame façon Hollywood avec des scènes torrides entre eux 2 : seule la force érotique de l’histoire tient justement au fait que leur passion ne se consume pas. Ce drame relativement noir, qui inclut tous les ingrédients du genre (argent, sexe, amour, pouvoir, art et beauté), est davantage une exploration des sentiments entre un artiste et son modèle, le tout sur fond d’une probable vérité, imaginée par quelques faits historiques (la chaise effectivement disparue du tableau La femme à la cruche d’eau), et surtout de la minutieuse description d’une période qui pourrait correspondre à ce que nous savons aujourd’hui du peintre, de sa maison, de sa famille, de ses soucis d’argent, de sa dépendance vis-à-vis de son mécène et employeur, et enfin de sa fascination pour la chambre obscure, la fameuse camera obscura. Les intérieurs de cette époque et spécialement l’atelier de Vermeer ont été réalisés en recherchant la plus grande fidélité à la réalité. Quoi qu’il en soit, ce très beau film, qui retient l’essentiel de l’émotion sans être creux à un seul moment, sonne vrai d’un bout à l’autre comme si tout ce qui était raconté dans ce film n’était nullement le fruit d’une quelconque imagination débordante, venant soit d’une romancière, soit d’une scénariste !



 
 
 
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