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Love life

Sortie  le  14/06/2023  

De Kôji Fukada avec Kento Nagayama, Win Morisaki, Tetta Shimada, Kanno Misuzu, Hirona Yamazaki et TomorowoTaguchi


Taeko vit avec son époux Jiro et son fils Keita en face de chez ses beaux-parents, qui n'ont jamais vraiment accepté ce mariage. Alors que Taeko découvre l’existence d'une ancienne fiancée de son mari, le père biologique de Keita refait surface suite à un événement inattendu. C'est le début d'un impitoyable jeu de chaises musicales, dont personne ne sortira indemne.

Le scénariste et réalisateur japonais Kôji Fukada n’en est pas à sa première observation – voire même ici et là introspection – des sentiments et autres réactions de ces semblables. Déjà avec Harmonium (Prix du Jury à Un Certain Regard à Cannes en 2016), L’infirmière (2019) et Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis (2020), il scrutait et analysait les liens plus ou moins intimes qui unissaient - ou pas - plusieurs personnes entre elles. Que ce soient leurs comportements, entre vulnérabilité et emportement, promiscuité et culpabilité, naïveté et excès, il a toujours réussi à dépeindre, avec nuance, subtilité et clairvoyance, les aléas et travers existentiels de ces « congénères », filmant au plus près de ce microcosme en équilibre au sein de la société nippone.
Cette fois, il « s’en prend » à une famille sur le point d’imploser après le décès accidentel d’un « enfant », faisant resurgir de la suspicion, des reproches, de la jalousie et des rancœurs, sur fond d’une ambiance à l’apparence certes normale, paisible, presque décontractée, mais pleine de fausse retenue dite conventionnelle et de respectabilité fragilisée pour ne pas dire malmenée. Que ce soit l’héroïne corvéable à souhait (elle s’occupe d’actions sociales pour les plus démunis), de son mari directeur d’une aide sociale mais incapable d’affronter le regard des autres (il a préféré épouser sa maîtresse plutôt que sa petite amie), des parents de ce dernier aux propos parfois déplacés (« quand faites-vous un petit enfant à nous ? ») ou du retour de son ex, un ressortissant coréen tiraillé et privé de la parole, qui s’exprime avec le langage des signes (omniprésent à l’écran), c’est un festival d’aveuglements accentués, de sous-entendus « distanciels » et de vérités bien – ou mal - placées.
Dans une atmosphère paisible et « heureuse », baignée d’une BO à la Claude Debussy ou à la Erik Satie, nimbée de lumière un peu voilée, légèrement trouble par moment, se joue plusieurs trames et différents axes d’une vie autour desquels cette famille va d’abord vaciller, puis s’effriter et enfin s’éparpiller avant de tenter de se ressouder tant bien que mal et cela malgré les affres vécus par chacun(e). Si la narration donne l’impression d’une certaine lenteur, c’est pour mieux expliquer les errances insondables et les décisions éminentes prises par ces protagonistes pudiques qui se dérobent et ne semblent pas trop être très affectés ni vraiment éplorés par les malheurs rencontrés et la tragédie qui les touche. Voilà un mélodrame familial qui gagne en intensité tout en restant formel, compliqué, pétri de bonnes intentions et de mauvaises certitudes. Du grand (7ème) art parfaitement maîtrisé comme on en voit assez rarement aujourd’hui !

C.LB



 
 
 
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