en 
 
 
cinema

 
 

Pour la France (sur Canal + Box office)

Sortie  le  26/02/2024  

De Rachid Hami avec Karim Leklou, Shaïn Boumedine, Lubna Azabal, Samir Guesmi, Laurent Lafitte et Vivian Sung


Lors d’un rituel d’intégration dans la prestigieuse École Militaire de Saint-Cyr, Aïssa, 23 ans, perd la vie. Face à une Armée qui peine à reconnaître ses responsabilités, Ismaël, son grand frère, se lance dans une bataille pour la vérité. Son enquête sur le parcours de son cadet va faire ressurgir ses souvenirs, de leur enfance à Alger aux derniers moments ensemble à Taipei.

«…(Tombé) pour La France… », comme le chantait Etienne Daho en 1985, un titre plutôt léger devenu un tube dansant. Cette fois, rien à voir avec ce morceau de new-wave ludique : nous sommes plongés dans un drame survenu en 2012, une histoire vraie, celle d’un jeune homme brillant décédé des suites d’un accident - un bahutage ou « bizutage » d’incorporation (« des jeux stupides et humiliants ») qui a mal tourné -, manquant aux règles les plus élémentaires d’encadrement et de sécurité, portée par des acteurs – jeunes comme adultes - remarquables, autant dans leur expressivité grave que dans la justesse de ton.
Il est question ici de se donner bonne conscience, de rechercher le pardon comme une rédemption, d’accepter à faire le deuil sur cet homicide involontaire - alors que l’armée fondait beaucoup d’espoir sur ce sous-lieutenant engagé, fier d’être entré dans cette prestigieuse institution -, sans ressasser les éternels problèmes d’immigration et d’intégration lorsque l’on est d’origine étrangère mais pourtant français, de surcroît musulman, banlieusard et néanmoins patriote. Pas de discrimination, de ségrégation ou de racisme latent donc, ni d’enquête « sur ce fils méritant ou plutôt sur ceux qui l’ont tué », juste une suite de longs flash-back (pas toujours fluides) qui permet de découvrir petit à petit leurs rapports fraternels sensibles – et parfois de force autour de leurs différends -, existants entre ses 2 frères diamétralement opposés mais soudés malgré eux par une vie quelque peu mouvementée, entre un père autoritaire et violent, une mère complexe, forte et courageuse (interprétée par la formidable Lubna Azabal), ainsi qu’un petit frère questionnant à tout va, à la recherche de réponses peu explicites et non résolues.
Cette épreuve à la fois intime et sombre, douloureuse et poignante, est magnifiquement restituée à l’écran par le réalisateur – et acteur - Rachid Hami (La mélodie), d’autant que ce sujet le touche tout personnellement puisqu’il implique directement sa propre famille à travers la destinée de son frère qui a trouvé la mort (« par la faute de ses camarades »), suite à l’organisation de cette brimade militaire autorisée. Son casting très souvent en mouvement est à la hauteur du projet, c’est-à-dire dur, profond, convaincant, sincère, rageur, intense comme habité par leurs personnages respectifs. On est pris par cet épisode certes malheureux mais pourtant réel avec toutes les nuances, la dignité, la compassion, la finesse et la subtilité qu’il mérite, sans jamais tomber dans le film social, ni dans le pathos souligné et encore moins dans les clichés habituels, pour mieux se concentrer sur le sens, la signification réaliste de cette « parenthèse » souvenirs à la fois douce, mélancolique, salvatrice et tendre pour le grand frère mortifié (joué par l’excellent Karim Leklou, vu notamment dans Le monde est à toi, Bac Nord, et Un monde), sur fond de message politique.
Ce n’est sans doute pas par hasard si ce long métrage marquant a obtenu le Grand prix des Prix du Scénario 2020 au cours de la cérémonie de la 33ème édition.

C.LB



 
 
 
                                                      cinema - theatre - musique