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L’homme le plus heureux du monde

Sortie  le  22/02/2023  

De Teona Strugar Mitevska avec Jelena Kordić Kuret, Adnan Omerovic, Labina Mitevska et Ana Kostovska


Sarajevo, de nos jours. Asja, 40 ans, célibataire, s’est inscrite à une journée de speed dating pour faire de nouvelles rencontres. On lui présente Zoran, un banquier de son âge. Mais Zoran ne cherche pas l’amour, il cherche le pardon.

Le titre plutôt ironique pourrait induire en erreur le spectateur : il ne s’agit pas d’une pseudo comédie mais plutôt d’un drame latent qui, de façon sous-jacente, monte inexorablement jusqu’à révéler sa véritable identité et sa réelle intention, celle d’une critique contre la guerre et notamment celle concernant le conflit qui a eu lieu dès août 1990 et qui s’est déroulée en ex-Yougoslavie entre bosniaques, croates et serbes. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien si certains souvenirs d’un passé récent, des blessures et des cicatrices qui resurgissent sous forme de flash-back rapides, semblant hanter l’âme des protagonistes principaux, meurtris aussi bien dans leur propre chair que psychologiquement.
Sous le couvert d’une journée de « rencontres matrimoniales » intitulées « En quête du bonheur », avec son jeu des questions et des réponses plutôt bizarres voire parfois oppressantes (celles sur le jugement de l’appartenance religieuse et communautaire), se créée artificiellement des « couples » de célibataires (des « cobayes » comme ils disent !) qui se forment mais se déforment aussi, où chaque caractère humain connu est représenté et bien souligné. Parmi eux, se trouve un participant criminel qui cherche l’absolution et c’est à partir de là que les souffrances vont refaire surface, que les langues vont se délier. Le film est construit un peu comme une énigme avec des ruptures de ton, dans lequel on nous distille quelques éléments afin de reconstituer le puzzle en entier.
On doit cette espèce de tribunal/réquisitoire à la réalisatrice nord-macédonienne Teona Strugar Mitevska qui nous avait étonné et même emballé avec Je suis de Titov Velez, puis avec Dieu existe, son nom est Petrunya. Tournant au plus près de ces différents personnages « innocents » situés en huis clos, elle nous tient en haleine à coup de petites révélations puis de passages un peu plus rentre-dedans, dont certaines images marquantes (la « tuerie » réaliste ; la vue sur l’immense cimetière).
Si tout semble être assez détaché comme en suspension (les intervenants sont plus ou moins concerné parce qu’ils disent et font), seule la danse libératrice au final est l’unique exutoire pour cette femme éprouvée qui essaye d’oublier ce qu’elle a vécu au plus profond d’elle-même.

C.LB



 
 
 
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