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Ashkal, l’enquête de Tunis (sur Ciné + Emotion)

Sortie  le  26/10/2023  

De Youssef Chebbi avec Fatma Oussaifi, Mohamed Houcine Grayaa, Rami Harrabi, Hichem Riahi et Nabil Trabelsi


Dans un des bâtiments des Jardins de Carthage, quartier de Tunis créé par l’ancien régime mais dont la construction a été brutalement stoppée au début de la révolution, deux flics, Fatma et Batal, découvrent un corps calciné. Alors que les chantiers reprennent peu à peu, ils commencent à se pencher sur ce cas mystérieux. Quand un incident similaire se produit, l’enquête prend un tour déconcertant.

On dirait bien que nous avons à faire à un polar mais pas que puisque, derrière des « meurtres » étranges ou des « suicides » par immolation inexpliqués, se profile la peinture d’un mal-être ambiant qui semble régner sur la capitale de la Tunisie, à la sortie d’une révolution dite de jasmin (connue aussi sous le nom de Printemps arabe) n’ayant pas changé grand-chose ni offert tout ce qu’en attendaient ses habitants. D’ailleurs, une commission siégeant suite à une vaste affaire de corruption au sein des forces de l’ordre, apparaît ici en filigrane. D’où sans aucun doute cette ambiance froide, morne, et cette atmosphère pesante qui planent pendant tout le film comme une chape de plomb.
Il y a tout de même bel et bien une enquête menée autour de corps calcinés retrouvés dans des chantiers de constructions d’immeubles, lieux architecturaux déserts comme mort-nés, bétonnés et délaissés pour le moins impressionnants, de par leur taille majestueuse, leur dimension mystérieuse et leur abandon pour certains à Mère Nature, comme s’ils faisaient partie intégrante de cette histoire, tel un personnage à part entière. Ces décors sont magnifiquement rendus à l’image, sans gros effets stylisés, le tout sur fond d’assez peu de tension, de pas beaucoup de dialogues, et d’une BO plus ou moins expérimentale. Ainsi posé, ce long-métrage nous accapare la vue et l’esprit.
On doit cette espèce de faux policier noir et tragique, saupoudré de fantastique au réalisateur, scénariste et chef monteur tunisien Youssef Chebbi (Black Medusa) qui réussit à nous tenir en haleine malgré un rythme plutôt lent, sans intensité, et le peu d’échanges verbaux entre les différents protagonistes. Notons au passage les prestations convaincantes de Fatma Oussaifi (danseuse et prof de danse) et de Mohamed Houcine Grayaa (vu dans Khorma) en duo d’enquêteurs désabusés, pas loin du désespoir face à ces êtres en détresse qui s’embrasent et se consument sans raison apparente.
Ce n’est d’ailleurs pas pour rien si cette production a été sélectionnée à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2022, et qu’elle est remportée l'Antigone d'or et le prix de la critique à la dernière édition du festival Cinemed de Montpellier.

C.LB



 
 
 
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