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Le pianiste (sur Canal + Grand Ecran)

Sortie  le  26/05/2023  

De Roman Polanski avec Adrien Brody, Thomas Kretschmann, Frank Finlay, Maureen Lipman, Emilia Fox et Ed Stoppard


Wladyslaw Szpilman, brillant pianiste juif polonais, échappe à la déportation. Contraint de vivre au cœur du ghetto de Varsovie, il en partage les souffrances, les humiliations et les luttes. Il parvient à s’échapper et à se réfugier dans les ruines de la capitale. Un officier allemand va l’aider et lui permettre de survivre.

Le Palme d’Or du dernier festival de Cannes sent la grosse production à plein nez : un budget colossal d’environ 35 millions d’euros, des décors impressionnants tournés en partie dans la ville même de Varsovie et à Berlin, une reconstitution extraordinaire et minutieuse avec notamment la reconstruction partielle des rues et bâtiments de cette époque, et enfin une figuration importante pour représenter la vie dans cette belle ville martyrisée entre 1939 et 1945. Voilà de quoi mériter quelques hautes distinctions pour cette réalisation délicate et difficile, certes d’une ampleur périlleuse, voire même risquée, mais mise en scène par un grand amoureux du cinéma, le célèbre et talentueux Roman Polanski. Faut-il vraiment être aussi mégalo que lui et vouloir autant se faire plaisir pour qu’il nous raconte à sa manière l’incroyable destin et l’histoire douloureuse mais vraie d’un jeune et brillant pianiste juif qui a survécu miraculeusement aux massacres et à la déportation, caché et perdu dans les ruines de sa ville natale ? Même s’il s’était toujours refusé jusqu’alors à évoquer cette guerre, la réponse est ici affirmative : il est allé tourner dans son propre pays, la Pologne et plus spécialement dans la banlieue de Varsovie, comme un pèlerinage, un profond retour aux sources de son enfance, et comme une sorte d’hommage rendue à ses parents décimés dans le ghetto de Cracovie. Il y parle de douleur et d’horreur mais aussi de positivité et d’espoir, lui-même miraculeux survivant de cet effroyable massacre, ce qui lui a sans doute permis de toucher la corde sensible et d’avoir l’adhésion d’un prestigieux jury de festival. Voilà donc une belle récompense, sûrement l’une des plus belles de son long palmarès ! Il faut dire que Roman Polanski est un réalisateur opportuniste et astucieux qui a choisit un sujet personnel, un vrai coup de cœur avec en plus un thème fédérateur, pour attirer un public de plus en plus passionné par la représentation de la musique au cinéma, surtout lorsque celle-ci est classique. En effet, il semblerait que le nom d’instruments de musique, ici le piano, soit à la mode ces temps-ci : La pianiste de Michael Haneke a reçu le prix d’interprétation féminine au festival de Cannes 2001. Le hic, c’est qu’il ne nous laisse qu’une dizaine de minutes en sa présence et à son écoute, surtout vers la fin, sur 2h30 d’images de misère et de mort. C’est peu et cela pourrait faire fuir un grand nombre de spectateurs mélomanes, venus spécialement pour en entendre un peu plus. D’autre part, une histoire comme celle-là a largement été vue au cinéma, au point que le public pourrait vite saturer de ce sujet ou tout simplement dénigrer une œuvre qui montre encore et toujours les atrocités de la 2ème guerre mondiale. Ses dernières réalisations n’ayant pas spécialement rallier tous les suffrages (Pirates, Frantic, Lunes de fiel, La jeune fille et la mort, La 9ème porte), Roman Polanski s’achète comme une nouvelle conduite avec un scénario adapté du livre autobiographique du pianiste polonais Szpilman. Il n’a pas pu s’empêcher d’insérer au passage quelques-uns de ses souvenirs d’enfance, tout en restant aussi proche que possible de ce que fut la réalité. Si on se perd dans les méandres de cette ville éventrée, torturée et ensanglantée, au point de nous montrer sans aucun ménagement les sévices infligés aux juifs à cette époque, on n’est pas plus avancé quand à la description et la finalité de ce parcours du combattant, celui qu’a emprunté ce héros anonyme mais authentique. On sait que le froid peut faire des dégâts, mais qu’il permette à un pianiste épuisé, sous-alimenté, malade et détruit moralement, de jouer avec émotion et les doigts chauds du Chopin par moins zéro au thermomètre, devant un officier allemand qui ne dégage aucune buée lorsqu’il lui adresse la parole, c’est une erreur vraiment regrettable ! En parlant d’émotion et de sensibilité, on peut dire que ce film n’en contient pas énormément : aucune véritable scène poignante, à part bien sûr les quelques atrocités de rigueur pour un film de ce type. L’acteur Adrien Brody (Summer of Sam, Liberty heights, Oxygen, Bread and roses, Harrison’s flowers), pourtant plein de séduction, d’élan et de crédibilité dans ce rôle délicat (il joue quelques morceaux de piano à l’écran) et ingrat (il a perdu 15 kilos pour l’occasion), n’arrive pas à nous tirer la moindre larme pendant toute sa prestation. Même s’il se glisse aisément dans la peau du personnage, il ne donne pas toujours la mesure de l’enjeu et du danger, restant hermétique aux glandes lacrymales des siens et aux appels déchirants de son peuple mourant. De plus, on ne peut pas dire qu’il ait vraiment pris part aux luttes héroïques de ses congénères, plus souvent enfermé que vivant à visage découvert ! Bref, on aurait espérer un peu plus d’intensité et d’engagement de sa part, lui qui semble traverser les intempéries avec une évidente passivité ! Porter de bout en bout un film tel que celui-là aurait nécessité sans nul doute une meilleure direction d’acteur, et aurait demandé à coup sûr un changement de comportement au fur et à mesure des souffrances et des humiliations vécues lors de sa lente descente vers l’enfer. Quand aux autres personnages, ils sont certes représentatifs d’un état de fait mais trop fugaces pour qu’on ait le temps de s’en rendre tout à fait compte. En définitif, Roman Polanski s’est investit dans une gigantesque opération du souvenir sur un ton plutôt optimiste, en oubliant d’avoir une réflexion sur les doutes, les choix et la survie de son protagoniste principal. Quelle dommage, surtout qu’il y avait matière à rendre plus oppressant et plus fort cette réalité, décrite par son auteur avec un ton détaché et une objectivité surprenante, presque froide. En effet, dans son livre, il y a de mauvais et de bons polonais, tout comme de mauvais et de bons juifs, de mauvais et de bons allemands. Dans cette représentation quelque peu lisse d’un passé maintes fois ressassé au cinéma, on reste le cul entre 2 chaises et l’œil rivé sur la montre !



 
 
 
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