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Le silences des autres

Sortie  le  13/02/2019  

De Almudena Carracedo & Robert Bahar avec des acteurs inconnus


1977. Deux ans après la mort de Franco, dans l’urgence de la transition démocratique, l’Espagne vote la loi d’amnistie générale qui libère les prisonniers politiques mais interdit également le jugement des crimes franquistes.
Les exactions commises sous la dictature et jusque dans les années 1980 (disparitions, exécutions sommaires, vols de bébés, tortures) sont alors passées sous silence.
Mais depuis quelques années, des citoyens espagnols, rescapés du franquisme, saisissent la justice à 10.000 kilomètres des crimes commis, en Argentine, pour rompre ce « pacte de l’oubli » et faire condamner les coupables.


Une production hispanique signée Pedro Almodovar, ça ne laisse pas indifférent, du moins, ça attire l’attention, d’autant plus que ce n’est pas un film ordinaire au sens propre du terme mais plutôt un documentaire sur un sujet on ne peut plus sérieux voire épineux, un dossier encore sensible et douloureux pour beaucoup d’espagnols, celui de l’amnistie dont ont profité tout un tas de tortionnaires et l’immunité dont ils ont contribué, surtout un grand nombre de criminels de guerre devenus des hommes intouchables clairement identifiés, anciens partisans de Franco qui fut lui-même un dictateur implacable pendant 40 ans.
Mais comment rendre justice dans un pays qui a voté une loi, celle du « pacte de l’oubli » au parlement espagnol en 1977, pour aider à la transition démocratique en Espagne et notamment tous ceux qui ont perpétué des crimes contre l’humanité sous le régime totalitaire de Franco ? Faut-il choisir de tourner la page une bonne fois pour toute en évitant toute enquête (« ce n’est pas bien de remuer le passé » dixit certains hommes politiques encore récemment en place ; « il faut savoir avancer ») ou bien de devenir procédurier afin de juger et incarcérer ceux encore vivants qui ont commis des atrocités au nom et sous le couvert d’un régime dictatorial ? Encore faut-il trouver des survivants prêts à témoigner ou des témoins décidés à porter plainte et à parler devant un tribunal alors que cette loi est toujours en vigueur chez eux (elle sera abrogée beaucoup plus tard, seulement en 2007) !
Vaste dilemme qui prend toute son ampleur dramatique et toute sa dimension humaine lorsque les personnages, qui interviennent ici et là dans ce reportage, décrivent ce que certains ont subi ou enduré (sur fond d’images d’archives et de visites rapides d’une ancienne prison politique, d’un ancien bâtiment de la DGS où était enfermé et torturé des opposants au franquisme, et d’un ancien centre de détention) ! De Madrid à Buenos-Aires en Argentine où une juge va aider les plaignants (311 en 5 ans de procédures) ne pouvant le faire chez eux pour raison de cette loi du « déni » mensongé, on avance étape par étape entre les différents intervenants hommes ou femmes, jeunes (enfants) ou vieux (parents) qui sont concernés de prés (ayant subi des sévices à l’époque) ou de loin (un proche enterré dans une des nombreuses fosses communes).
Bref, un pas de plus vers la justice à travers cet acte de mémoire historique et aussi du souvenir de ces très nombreuses victimes, au même titre d’ailleurs que la Shoah mais toute proportion gardée bien sûr.....

C.LB



 
 
 
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