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Comme des rois

Sortie  le  02/05/2018  

De Xabi Molia avec Kad Merad, Kacey Mottet-Klein, Sylvie Testud, Tiphaine Daviot, Clément Clavel et Amir El Kacem


Joseph ne parvient pas à joindre les deux bouts. Sa petite entreprise d’escroquerie au porte-à-porte, dans laquelle il a embarqué son fils Micka, est sous pression depuis que le propriétaire de l’appartement où vit toute sa famille a choisi la manière forte pour récupérer les loyers en retard. Joseph a plus que jamais besoin de son fils, mais Micka rêve en secret d’une autre vie. Loin des arnaques, loin de son père...

Kad Merad en être méprisable ou, du moins, en personnage limite antipathique, c’est plutôt assez inhabituel chez lui, surtout dans sa déjà fort longue filmographie tendance comique ! Excepté le fait d’avoir joué au cinéma - et à la télévision - dans quelques très rares drames (L’immortel en gestionnaire d’affaires assez louches ; Superstar en simple ouvrier sous les projecteurs des médias ; Disparue en hiver en ancien policier chargé de recouvrement ; La mélodie en violoniste désabusé ; la série Baron noir en politicien vengeur), l’acteur est plutôt associé voire cantonné aux rôles humoristiques dans des comédies bien françaises. Cette fois, il interprète un père de famille adepte autant de « la bonne affaire » que de la galère, allant de l’entourloupe à la petite magouille en série (surtout grâce à « des combines de merde » !), dans laquelle il entraîne son fils (« l’un a la vocation et l’autre, seulement des dispositions ! ») alors que ce dernier ne rêve qu’à des perspectives d’avenir plus artistiques à travers notamment des cours de théâtre.
Si le premier est plus ou moins crédible avec ses yeux de basset et ses plans assez foireux, et cela malgré ses « absences » dites pensives, le second (le suisse Kacey Mottet-Klein, vu entre autres dans Gainsbourg vie héroïque, L’enfant d’en haut, Gemma Bovery, Une mère, Quand on a 17 ans, et L’échange des princesses) crève l’écran sous les traits d’un jeune homme qui cherche à échapper à son conditionnement, à son environnement étouffant (il veut qu’on « lui foute la paix ! »), en quête de valeurs dans un autre univers moins astreignant et plus créatif que le sien, courant les castings et auditions en tant qu’amateur comédien (« t’as le potentiel ! », lui répète d’ailleurs son papa). Quant à Sylvie Testud, elle a pris le ton de voix pas loin de celui d’Annie Girardot pour incarner sa maman. Bref, une « drôle » de fratrie qui se débrouille tant bien que mal, en vivotant grâce au système D (leur appartement dans un HLM sert de garderie d’enfants dans la journée !) et en tapant partout où ça peut rapporter un peu (entre représentant de commerce en faux grand vin, revendeur de guitare électrique empruntée, loueur de jumelles pour des enfants afin qu’ils matent leurs voisines...).
En résumé, un film sociétal dans toute sa splendeur (le réalisateur Xabi Molia – on lui doit Huit fois debout, et Les conquérants – a souvent tourné caméra à l’épaule tel un reportage pris sur le vif qui suit au plus près dans leur sillage les différents protagonistes), aussi déçu qu’accidenté et aussi « déchu » que léger mais néanmoins humain (avec tout ce que cela peut comporter comme gravité, dureté et violence parfois !), sur fond de précarité, de transmission et de rapports conflictuels dans ce duo père/fils, qui s’amuse à nous montrer une sorte de communauté genre smala assez misérable à la manière de celle des Thénardier mais en beaucoup plus attachante, bien plus touchante et surtout moins nombreuse que leurs célèbres « aînés » littéraires ! En un mot, un portait certes intime, sensible et plein de ressources déployées qui aurait tout de même pu gagner en saveur avec un peu plus de surprises scénaristiques et autres rebondissements narratifs (les metteurs en scène anglais sont d’ailleurs très forts dans ce domaine-là, celui de la représentation des classes populaires d’outre-Manche)....

C.LB



 
 
 
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