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- expo : L'âge d'or du cinéma muet allemand célébré à la Fondation Jérôme Seydoux - Pathé (jusqu'au 13 février)

le  10/01/2024  



L'écran démoniaque : un cycle cinématographique inédit inspiré par Lotte H. Eisner du 10 janvier au 13 février 2024

Pour son premier cycle de l’année 2024, la Fondation Pathé a travaillé conjointement avec Bernard Eisenschitz, historien et critique de cinéma, spécialiste du cinéma allemand et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Du 10 janvier au 13 février 2024, un cycle sera entièrement consacré à l’âge d’or du cinéma muet allemand, celui dont parlait si bien Lotte H. Eisner, collaboratrice d’Henri Langlois, mais aussi autrice du livre L’Écran démoniaque publié en 1952, dans lequel elle analyse les œuvres cinématographiques de la République de Weimar. Ce sont ces films, dont beaucoup sont de véritables chefs-d’œuvre signés Ernst Lubitsch, Fritz Lang, F.W. Murnau, Georg W. Pabst…, qui seront projetés et accompagnés au piano par accompagnés par les élèves issus de la classe d’improvisation de Jean-François Zygel (Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris).

Au début des années 1950, Lotte H. Eisner, journaliste et critique de cinéma berlinoise, exilée en 1933 et devenue une des collaboratrices essentielles d’Henri Langlois dès la création de la Cinémathèque française, publie L’Écran démoniaque, un livre qui sera publié dans son intégralité en 1965. Dans cet ouvrage essentiel, l’autrice analyse un ensemble de films réalisés en Allemagne après 1918 : un pays vaincu et occupé, où une révolution avortée, le chômage, l’inflation, l’assassinat politique scandaient l’actualité. L’arrivée au pouvoir de Hitler allait mettre fin à la première république allemande après moins de quinze ans. Le cinéma rend parfaitement compte du sentiment qui domine cette période. Lotte H. Eisner y voit une disposition « des Allemands » au fantastique et à la terreur. Le film fondateur est Le Cabinet du Dr Caligari, histoire, traitée en style expressionniste, d’un docteur qui est – peut-être – fou.

Mais pendant la guerre plusieurs films déjà se livraient à des satires de la société (docteurs, hypnotiseurs, bateleurs – Mabuse est tout cela à la fois) et de la guerre (Homunculus, sur un être artificiel devenu dictateur ; La Chatte des montagnes de Lubitsch), mettant en doute la réalité même. En 1926, Les Mystères d’une âme de G.W. Pabst s’inspire d’un cas de Sigmund Freud et raconte l’histoire d’un psychanalyste bienfaisant qui guérit les fantasmes de meurtre. Puis, en 1933, le docteur Mabuse refait son apparition avec un testament de terreur.

Liés à la thématique de l’Ecran démoniaque, les films « expressionnistes » au sens strict sont peu nombreux. Les grands cinéastes révélés dans ces années (Fritz Lang, Murnau, Pabst) se défendent de toute influence directe, à l’exception de Lubitsch qui en fait la parodie dans son antimilitariste et « grotesque » La Chatte des montagnes.

L’expressionnisme signifie une réinvention du monde : clair-obscur, ombres et reflets, jeux du champ et du hors-champ, créent une incertitude constante, où le regard prend un rôle dominant. La menace de la cécité (L’Entrée dans la nuit), les métaphores de l’œil (Mabuse, Faust), abondent, le titre Schatten (ombres) et son double français Le Montreur d’ombres sont programmatiques. Le cinéma devient un espace mental.

Un monde imaginaire est produit dans les studios. Du théâtre, le cinéma allemand a hérité un mode de travail en équipe, où les collaborateurs sont des créateurs à part entière. Caligari est autant l’œuvre de ses deux scénaristes (Hanns Janowitz, Carl Mayer) et de son trio de décorateurs (Warm, Reimann, Röhrig) que du réalisateur Robert Wiene.

Les cinéastes les plus autocratiques, Murnau ou Lang, recherchent ce dialogue avec opérateurs et décorateurs.

Le scénariste Carl Mayer, qui n’a jamais réalisé de film, et le décorateur Paul Leni, qui en a réalisé peu, sont parmi les inventeurs essentiels de ces années. Tous font du récit filmique une expérience sans précédent, qui échappe à la littérature comme au théâtre.

Lotte H. Eisner, historienne de l’art, élargissait son étude du style à la description d’une conception du monde. Un tel panorama a laissé des traces profondes jusqu’à aujourd’hui. A la question « y a-t-il un cinéma expressionniste ? », bien des cinéastes apportent leur réponse. Ils invitent, comme Le Montreur d’ombres d’Artur Robison, à passer de l’autre côté de l’écran. Avec cette rétrospective inédite, chacun pourra se faire son propre avis.

*Conférence de Bernard Eisenschitz : Vendredi 26 janvier à 15h, suivie de la projection de Shatten (Le Montreur d’ombres) à 17h.
Quels films peuvent être rassemblés sous le titre L’Ecran démoniaque ? S’agit-il ici d’histoire des formes, d’histoire du cinéma, ou d’histoire tout court ? Des trois, bien sûr. Que devons-nous (que doivent nos parents, nos enfants, que doit Jean-Luc Godard) à Lotte H. Eisner ? Ces questions et d’autres seront posées dans l’intervention de Bernard Eisenschitz.



 
 
 
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