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- Rétrospective King Vidor à la fondation Jérôme Seydoux - Pathé (jusqu'au 27 septembre)

le  31/08/2022  



King Vidor, de la « silent music » à « Hallelujah", du 31 août au 27 septembre 2022 à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé propose d’explorer l’œuvre muette du cinéaste américain King Vidor jusqu’à son premier film parlant. Du polar au mélodrame, du film social au western, en passant par la grande fresque en costume, l’œuvre de King Vidor est monumentale. Considéré comme l’un des réalisateurs les plus prolifiques du cinéma américain, il réalisa pas moins de 65 films dont la moitié furent muets. Poète épique, grand inventeur de formes, King Vidor est un architecte visionnaire. Par sa rétrospective, la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé met en lumière les fondements de son cinéma et révèle des chefs-d’œuvre du septième art. Un cycle inédit à vivre en ciné-concert grâce aux élèves issus de la classe d’improvisation de Jean-François Zygel (Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris) qui accompagnent tous les films muets au piano.

La carrière de King Vidor est longue et prolifique (1913-1959), émaillée de succès comme The Big Parade (1925), Notre pain quotidien (1934), Duel au soleil (1946), Le Rebelle (1949) ou son adaptation de Guerre et paix de Tolstoï (1956). Sa filmographie entreprise pendant la période muette est notable car l’exigence et la variété de son œuvre y sont déjà perceptibles. Influencé par D. W. Griffith, les premiers films soviétiques et le cinéma allemand de Weimar, il développe sa vision personnelle, son intérêt pour les héros du quotidien, les tiraillements de l’être, le désir et la passion et un goût prononcé pour la satire.
Ses films décrivent bien souvent le cheminement inéluctable de personnages en questionnement ou solitaires, dont l’aboutissement annonce une renaissance ou l’émergence d’une lucidité.

Durant cette période muette, King Vidor amorce sa trilogie sur la guerre, le blé et l’acier avec The Big Parade (1925), son premier succès qui influencera d’autres films dénonçant la guerre et qui instaure l’idée du héros ordinaire, cet « homme des masses » que l’on retrouve dans The Crowd (1928). Les rapports et l’opposition entre l’individu et la société, le rural et le citadin, sont une donnée constante dans son œuvre. Né au Texas, son attachement au prestige déchu du Sud est visible dans bien des films, de The Family Honor (1920) à Wild Oranges (1924) dont le récit troublant se déroule sur une île marécageuse peuplée de quelques reclus. Certains films sont d’ailleurs tournés dans des décors naturels impressionnants : les marais de Wild Oranges mais aussi le fil de l’eau pour Jack-Knife Man (1920), les montagnes enneigées de The Sky Pilot (1921), un pont surplombant les gorges et les rapides pour Love Never Dies (1921). Vidor s’essaye également au film à costumes avec son ami l’acteur John Gilbert offrant une imitation de Douglas Fairbanks dans Bardelys the Magnificient (1926), ou dans le mélodrame La Bohème (1926) avec une Lillian Gish bouleversante.

Sa compréhension des sentiments humains lui permet d’en traduire l’étendue de manière prodigieuse, du désespoir jusqu’à la vanité (la critique américaine Rose Pelswick le qualifiait de « vivisecteur de l’âme »). Si ses drames sont souvent imprégnés d’ironie – nécessaire mise à distance du sordide – parfois même d’épisodes burlesques, c’est que Vidor excelle aussi dans la comédie. En témoignent les films tournés avec Marion Davies, The Patsy (1928) et Show People (1928), portrait du petit monde d’Hollywood au crépuscule de l’ère du muet, dans lesquels il s’attaque à la prétention et aux faux-semblants d’une société mondaine, puritaine, tout comme dans Wine of Youth (1924) où il malmène l’institution matrimoniale.

King Vidor a toujours pensé « en images » et expérimenté des techniques cinématographiques variées et complexes, cependant la musique est constamment présente dans sa mise en scène. Il développe une conception très personnelle du rythme dans le film muet, qu’il nomme « silent music », qui consiste à accorder à l’aide d’un métronome ou d’une grosse caisse la cadence à l’émotion qu’il souhaite susciter. Ainsi, dans The Big Parade, la cadence lente et mesurée des troupes militaires avançant vers le front reflète magistralement l’imminence de la mort. Son premier film parlant Hallelujah (1929) est surtout un film musical et chanté, axé sur la ferveur religieuse d’une communauté noire qui le fascine. La post-synchronisation lui offre un vaste champ d’expérimentations. En traitant le son de manière impressionniste, il brouille les pistes, modifie, amplifie ses effets ou impose le silence. Ce premier film sonore tumultueux s’inscrit dans la continuité de son œuvre, alliant le Sud rural, la passion et la violence, il est souvent qualifié de « premier chef
d’œuvre du cinéma parlant ».

-Au programme également :
*Conférence : King Vidor, le premier « auteur » américain ? par Jean-Loup Bourget(*) et Françoise Zamour(**) le Vendredi 16 septembre à 14h30
Cette conférence s’attachera en priorité à la période muette (27 films), encore lacunaire, et à ses titres moins connus, dont plusieurs ont été redécouverts ou restaurés récemment : The Jack-Knife Man (film qui parmi d’autres explique qu’on ait pu définir Vidor comme « Mark Twain écrivant avec une caméra »), The Sky Pilot (western psychomachique, avec un personnage de pasteur inspiré), Wild Oranges (le Sud gothique des marécages), La Bohème (délicate adaptation de Murger, avec Lillian Gish), Bardelys le Magnifique (film de cape et épée, avec John Gilbert), Mirages / Show People (« prototype du métafilm hollywoodien », selon Marc Cerisuelo)...

*Séance Signature : Projection du film "The Big Parade" de King Vidor, 1925 (2h30) présentée par Jean-Loup Bourget(*) et Françoise Zamour(**) - Séance suivie de la signature de leur ouvrage King Vidor (Editions Vrin 2016) le Vendredi 9 septembre à 14h

(*)Jean-Loup Bourget est professeur émérite d’études cinématographiques à l’École normale supérieure et critique à la revue Positif. Il est l’auteur ou le coauteur de dix-sept ouvrages, dont plusieurs sont consacrés partiellement à l’œuvre muette de cinéastes : Lubitsch, ou la satire romanesque (avec Eithne O’Neill, 1987), John Ford (1990), Fritz Lang, Ladykiller (2009), Cecil B. DeMille, le gladiateur de Dieu (2013), King Vidor (avec Françoise Zamour, 2016), Sir Alfred Hitchcock, cinéaste anglais (2021). Il s’est longtemps rendu aux Giornate del cinema muto de Pordenone et fréquente aujourd’hui assidûment la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé.

(**)Françoise Zamour est maîtresse de conférences en études cinématographiques à l’Ecole normale supérieure. Ses recherches portent essentiellement sur le mélodrame à l’interface du théâtre et du cinéma, le cinéma classique hollywoodien, les modalités de représentation du politique au cinéma. Derniers ouvrages parus : Le Mélodrame dans le cinéma contemporain, une fabrique de peuples, Presses universitaires de Rennes, King Vidor (en collaboration avec Jean-Loup Bourget), éditions Vrin, L’Epopée des petites filles, avec Deborah Levy-Bertherat, Editions L’improviste, 2020.



 
 
 
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