en 
 
 
cinema

 
 

- expo : Le cinéma s'expose avec Jean Painlevé et Marine Hugonnier au Jeu de Paume (jusqu'au 18 septembre)

le  08/06/2022  



Lieu : Jeu de Paume, 1 place de La Concorde 75001 Paris (mardi • 12h — 21h, du mercredi au vendredi • 12h — 20h, du samedi au dimanche • 11h — 20h / lundi • fermé).

-Jean Painlevé - Les pieds dans l'eau :
*Une première :
Cet été le Jeu de Paume présentera la toute première exposition en France entièrement consacrée à la figure de Jean Painlevé. Le public pourra alors découvrir plus de 200 œuvres, dont des tirages d’époque, des documents ainsi qu’une douzaine de ses films, issus pour la plupart des Documents Cinématographiques, organisation que Painlevé avait créée en 1930 (sous le nom de La Cinégraphie Documentaire). L’exposition sera accompagnée d’un catalogue qui se veut parmi les plus exhaustifs sur l’œuvre de celui qui a été à la fois un scientifique et un réalisateur reconnu par l’avant-garde.

*Arts & science :
L’œuvre de Jean Painlevé se caractérise par un savant mélange entre science et septième art et se distingue par la dimension poétique indéniable des images. Ses relations avec les mouvements d’avant-garde et plus particulièrement le mouvement surréaliste, n’ont fait que renforcer sa place dans l’univers artistique. Toutefois il ne n’adhérera jamais à aucun mouvement, préservant une part d’originalité et de liberté dans son œuvre.

*Le cinéma du vivant :
Jean Painlevé n’a eu de cesse de s’intéresser à la biologie et plus particulièrement à la faune aquatique. Fasciné par la vie qui se déploie sous la surface de l’eau près du rivage, le cinéaste cherche à partager ses découvertes avec le plus grand nombre. Animé par cette volonté, Painlevé est convaincu que l’image animée peut se transformer en un véritable outil pédagogique. Aujourd’hui encore, les explorations du cinéaste nous offrent une réflexion sur le rapport de l’homme au vivant, sur le rôle de la technologie dans l’acte de voir et de comprendre.

*Le littoral :
Terrain de jeu familial et populaire, cette zone du bord de mer a offert à Painlevé son premier territoire d’exploration. Avec Geneviève Hamon – son assistante et compagne d’une vie – il tourne ses dix premiers films consacrés à la faune marine près de Port-Blanc, en Bretagne, un environnement qui se révèle vital pour ses recherches. Dans la plupart de ses films de vulgarisation figurent toutes sortes de créatures familières - crabes, crevettes, étoiles de mer, oursins-, qui, souvent dissimulés à la vue humaine, peuplent le rivage et les eaux peu profondes de la côte bretonne.

*Commandes & films grand public :
En fonction du type de public visé, Painlevé différencie trois sortes de films : le film de recherche, le film d’enseignement et le film destiné au grand public. Il réalise environ deux cents films tout au long de sa carrière. Plus d’une centaine est issue du travail effectué avec des scientifiques, entre 1927 et 1982, il réalise une vingtaine de courts-métrages de vulgarisation scientifique en plus de plusieurs films de méthode ou de reportage.

*La musique :
Son éclectisme musical, allant du jazz à la musique classique et en passant par des compositions de Pierre Henry ou de François de Roubaix, accompagne le rythme de ses films.
Sophistiquée, évoluant en rythme avec les animaux, la musique contribue à leur personnification, à brouiller les frontières entre les règnes du vivant et les espèces, un procédé subversif récurrent dans toute son œuvre.

*Engagement politique :
Personnalité publique
respectée dès les années 1930, il est difficile de distinguer les engagements sociaux et politiques de l’œuvre cinématographique de Jean Painlevé. Engagé dans la Résistance et membre actif du Comité mondial contre la guerre et le fascisme, en art comme en politique Painlevé demeure un franc-tireur.
Son implication et son engagement dans le Comité de libération du cinéma Français, lui valent d’être nommé à la libération en août 1944 à la Direction générale du cinéma, organisme provisoire, avant la création du CNC en 1946.

-Présentation :
Cinéaste de réputation internationale, Jean Painlevé (1902-1989) est un spécialiste du documentaire scientifique et des techniques cinématographiques. Associé à l’avant-garde, il utilise le cinéma comme un outil d’exploration pour révéler des aspects inconnus et mystérieux d’organismes vivants. Painlevé accompagne le spectateur avec un récit descriptif et informatif sur les sujets étudiés, tandis que, dans la plupart de ses films, les images alternes continuellement entre observations à l’échelle réelle et analyses à l’échelle microscopique.
Durant l’entre-deux-guerres, son œuvre est diffusée hors du champ scientifique, dans des
salles de cinéma d’avant-garde et dans les cinéclubs. Painlevé est rapidement reconnu et ses publications dans la presse illustrée des années 1930 contribuent à sa notoriété. Son attitude non conformiste et ses affinités avec l’esprit surréaliste sont sans aucun doute à l’origine du lien privilégié qu’il entretient avec le cinéma documentaire indépendant. L’aisance avec laquelle il traverse les frontières entre science et art prend source dans ses fréquentations artistiques : Jacques-André Boiffard, Alexander Calder, Ivan Goll, Fernand Léger, Éli Lotar, Pierre Naville, Pierre Prévert, Jean Vigo...

À partir des années 1950, Painlevé et Geneviève Hamon, sa compagne et collaboratrice, réalisent un nombre important de films de recherche alors que leur œuvre personnelle se poursuit, nourrie par les études des zoologistes et biologistes pour lesquels ils travaillent.
Quatre aspects majeurs soulignent la spécificité de cette œuvre : le littoral comme terrain de prédilection ; l’approche scientifique et pédagogique ; les relations avec le mouvement surréaliste ; enfin, la dynamique du montage cinématographique et le rôle du
mouvement, du rythme et de la danse comme caractéristiques et motifs.
Cette exposition situe le travail de Painlevé dans le contexte historique et scientifique de sa réalisation, mettant en lumière l’importance de la recherche dans son œuvre. Inspirant encore maints artistes, il trouve sa résonance actuelle dans la manière dont les films immergent le spectateur dans un espace mental indéfini qui, entre expériences familières et dérive onirique, est à même de déstabiliser notre sens de la réalité.

-L'exposition :
*Le littoral :
Frange entre terre et mer, alternativement couverte et découverte par la marée, le littoral appartient à notre mémoire collective. Terrain de jeu familial et populaire, identifié au XVIIIe siècle comme lieu de plaisir et de loisir par le mouvement romantique, cette zone du bord de mer a offert à Painlevé son premier champ d’exploration. Avec les modestes moyens d’un studio cinématographique improvisé dans la maison familiale des Hamon, Ty an Diaoul (« La Maison du diable ») à Port-Blanc, en Bretagne, Jean Painlevé, assisté de Geneviève Hamon et d’opérateurs comme André Raymond ou Éli Lotar, tourne ses dix premiers films consacrés à la faune marine.
Son œuvre est composée de plus de deux cents films, dont une vingtaine de films documentaires pour tous publics dans lesquels figure toute une ménagerie de créatures familières - crabes, crevettes, étoiles de mer, oursins et bernard-l’ermite -, qui peuplent les eaux peu profondes de la côte rocheuse bretonne.
Le style du cinéma documentaire de Painlevé est empreint d’une vitalité organique manifestement inspirée de films scientifiques. Produits en toute indépendance, ses films publics, à mi-chemin entre art et science, mettent en lumière un ensemble de qualités présentées comme autant d’aspects complémentaires et interpénétrés d’une même réalité : le visible et l’imaginaire, l’inconnu et l’intelligible, le reconnaissable et microscopique, le détail photographique fixe et l’image animée d’organismes macroscopiques. Ces éléments sont tous abordés dans une perpétuelle osmose visuelle.

-Marine Hugonnier - le cinéma à l'estomac :
Pour sa première grande exposition en France, le Jeu de Paume réunira une sélection d’œuvres représentatives de son approche artistique depuis ses débuts en 1998.

À la frontière du documentaire et de la fiction, le travail de Marine Hugonnier constitue une exploration des politiques du regard. Sa pratique est une tentative de déconstruction de la complicité inhérente entre le regard et les idéologies politiques. L’artiste vise ainsi à interroger le cadre culturel et politique qui conforme chaque point de vue. Cinéaste avant tout, sa pratique comprend aussi des photographies et des travaux sur papier. Cette exposition, conçue comme une installation dynamique et performative dans laquelle certains projets évolueront au fil des mois, comprend une sélection d’œuvres dont certaines sont inédites.

*Un film sera spécifiquement produit pour l’exposition.

À l’été 2022, le Jeu de Paume ouvre ses portes à Marine Hugonnier pour sa première grande exposition en France. L’exposition réunira une sélection d’œuvres représentatives de son approche artistique depuis ses débuts en 1998.
Depuis vingt ans, le travail de Marine Hugonnier opère une lecture critique de la complicité que les conventions de la représentation entretiennent avec les idéologies politiques. Concevant sa pratique comme une recherche sur les politiques du regard, elle tente de mettre au jour les mécanismes de pouvoir qui les sous-tendent en cette époque de spectacularisation généralisée qui est la nôtre. L’artiste franco-britannique s’attache ainsi à rendre compte de ce qui façonne les images pour mettre en question l’empreinte qu’exercent le colonialisme, le capitalisme et le patriarcat sur tout appareil de captation et de restitution dans nos sociétés occidentales.
Habitée par le sentiment d’être toujours une étrangère en raison des différents pays dans lesquelles elle a vécu, elle est animée par la volonté de déconstruire le cadre culturel qui modèle notre regard pour en imaginer un autre qui soit émancipateur et non aliéné.
Cinéaste avant tout, Hugonnier a souvent voyagé avec sa caméra Aaton, filmant en marchant et vice versa, empruntant la posture d’une reporter ou d’une ethnographe afin de brouiller délibérément le statut de l’artiste.
Après des études de philosophie et d’anthropologie, Hugonnier participe à la numérisation de la photothèque du musée de l’Homme, ce qui lui donne accès aux clichés des expéditions ethnographiques de Jean-Baptiste Charcot, Désiré Charnay, Paul-Émile Miot et Claude LéviStrauss. L’étude de cette documentation sera déterminante quant à la définition des enjeux majeurs de son travail : une attention portée à la matérialité des images et un intérêt particulier à interroger la distance qui sépare l’observateur de l’observé afin d’éviter l’écueil d’une instrumentalisation du monde par les images.
Cette démarche discursive s’est traduite par une thèse intitulée Mapping the Politics of Vision: Searching for a Transformative Gaze [Cartographier les politiques du regard. À la recherche d’un regard transformatif], que l’artiste mène au Centre de recherche du cinéma expérimental et documentaire de l’université de Westminster à Londres et qu’elle soutient en mars 2021.
Sa deuxième expérience fondatrice a lieu en 1990 lorsqu’elle effectue un stage au Centre Pompidou à l’occasion de l’exposition « Passages de l’image ». Hugonnier se trouve alors en contact avec les œuvres, entre autres, de Jeff Wall, Gary Hill et Michael Snow, mais c’est Chris Marker et son Zapping Zone (Proposals for an Imaginary Television) qui la marquera le plus durablement.
Cette installation multimédia, constituée d’une collection d’images, de logiciels informatiques et de fragments de vidéos d’origines diverses, critique l’attitude passive des téléspectateurs devant une représentation chaotique du monde globalisé et médiatisé.

*Marine Hugonnier :
Le cinéma à l’estomac est sa première grande exposition en France. Elle emprunte à Julien Gracq une partie du titre de son pamphlet La Littérature à l’estomac, publié en 1950. Sachant que Gracq méprisait le cinéma, cela peut paraître curieux. Pourtant, c’est en jetant le discrédit et le doute sur les images qu’Hugonnier parvient à les reconsidérer. Car selon elle, faire des images et du cinéma est une affaire délicate qui nécessite une réflexion sur ses implications économiques, techniques et idéologiques. Aussi la cinématographie joue-t-elle un rôle important dans sa pratique, exigeant une maîtrise de tous les éléments mobilisés dans la fabrication d’une image pour mieux en appréhender les rouages. La tension fructueuse entre l’illusion et la matérialité du film s’inscrit au cœur de son approche, marquée par un désir qui lui tient au ventre et lui vient des tripes de formuler un autre cinéma, un autre régime d’images.
C’est aimer les images et le cinéma que de douter d’eux, c’est entretenir une relation passionnelle avec eux que de leur interdire d’être informatifs. La filmographie d’Hugonnier comporte ainsi des films non réalisés, qu’elle appelle des ghost films [films fantômes] et qu’elle considère comme participant à l’articulation de son travail. Cela décrit l’essentiel de son rapport aux images, auxquelles elle confère le pouvoir de restituer des idées, des sentiments, sans avoir à les réaliser ni à les montrer.
Si elle commence dans les années 2000 par des films qui établissent un champ critique autour du regard militaire, du regard touristique et du regard dominant avec la Trilogie composée par Ariana (2003), The Last Tour (2004) et Travelling Amazonia (2006), les films de deux décennies suivantes, dont Death of an Icon (2005), May 13, 1968 (2011), Apicula Enigma (2013), Desire Is Not Much, but Nonetheless… (2015), Cinetracts (2012-2022), La Vijanera (2019), Antonio Negri (2020), Meadow Report (2021), tour à tour explorent la possibilité de représenter le regard non-humain, livrent une critique de l’hétéronormativité et étudient le démantèlement des structures du pouvoir.
La sélection des œuvres autant que la scénographie de l’exposition explorent la notion de climat dans ses différentes acceptions : politique, sociale, météorologique ou plus largement métaphorique. Le parcours établit un dialogue entre les différentes significations de ce mot polysémique et permet une expérience unique à l’occasion de chaque visite. Ce mot clé, pourtant galvaudé dans le langage commun contemporain, est un fil conducteur qui permet de penser les espaces de manière dynamique et d’y tenter des expérimentations.
La lumière naturelle, variable en fonction du moment de la journée, est privilégiée, permettant une temporalisation de l’espace de l’exposition. La restauration en direct d’une copie de Louis Maisonneuve de La Liberté guidant le peuple d‘Eugène Delacroix se fait ainsi à la lumière d’un soleil d’été et permet de confronter la surface du tableau mise à nu pendant ce processus à l’atmosphère actuelle. Programme météo propose la diffusion en temps réel de l’image du ciel au-dessus du centre d’art. L’artiste y ajoute chaque jour quelques lignes de sous-titres faisant référence au climat social et météorologique, tandis que Flower embaume les salles avec des fleurs qui paraissent éternellement fraîches. Une sélection de films 35 mm et 16 mm sont projetés en boucle de sorte que le travail des images nécessaire à leur perception, d’ordinaire dissimulé, s’offre au regard.

*Le cinéma à l'estomac :
Cette volonté de rendre le présent tangible était un défi technique qui n’a pu être relevé que grâce à l’implication essentielle de l’équipe du Jeu de Paume ainsi qu’à la mobilisation des compétences de partenaires extérieurs.
Quelques mois avant l’ouverture de cette exposition a eu lieu l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, un événement historique de très grande importance aux conséquences encore inconnues.
Marine Hugonnier décide de consacrer son nouveau film à ce conflit et également d’organiser une collecte de vivres et de médicaments auprès de l’équipe du Jeu de Paume, des autres coproducteurs et collaborateurs de ce projet ainsi que de ses proches. Cette initiative devient alors une entreprise collective.
Il s’agit pour l’artiste de faire un cinéma qui ne se contente pas de dépeindre une réalité, mais qui en crée une. Dispatch from Przemyśl (Notes from a Democratic Europe) est réalisé le vingt et unième jour de la guerre. Par le biais d’interviews et de plans-séquences, ce film inscrit dans les sels d’argent de la pellicule le souffle de ceux qui arrivent dans cette gare du sud-est de la Pologne et de ceux qui retournent se battre en Ukraine. Fragile et intense, réalisé dans l’urgence, il se conçoit en même temps qu’il se crée, avec la volonté d’être autant témoin qu’acteur et de documenter les formes de résistance et de solidarité civile. L’équipe trouvera sur place le moyen de faire rentrer en Ukraine les 30 kilos de dons qui seront ainsi emportés directement dans la ville de Tchernihiv, assiégée par les forces russes.
Participant de ce même élan, le travail d’Hugonnier révèle un dévouement au service des images et du cinéma et une pratique qui repose sur le postulat que toute création artistique est un acte subversif et séditieux. La lecture de ses travaux nous invite à réapprendre à regarder, en un geste engagé, en nous proposant d’envisager la création d’un autre type d’images, d’un autre cinéma et donc peut-être à terme d’un autre monde.



 
 
 
                                                      cinema - theatre - musique