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Harvey Milk (sur Canal + Grand Ecran)

Sortie  le  16/06/2025  

De Gus Van Sant avec Sean Penn, Emile Hirsch, Josh Brolin, Diego Luna et James Branco (les 16, 18 et 20/06)


Le film retrace les 8 dernières années de la vie d’Harvey Milk. Dans les années 70, il fut le premier homme politique américain ouvertement gay à être élu à des fonctions officielles, à San Francisco en Californie. Son combat pour la tolérance et l’intégration des communautés homosexuelles lui coûta la vie. Son action a changé les mentalités, et son engagement a changé l’histoire.

Dès qu’un acteur (ou une actrice d’ailleurs) américain(e) commence à vouloir faire des « prouesses » au cinéma, en jouant par exemple un peu à contre-emploi, dans un rôle de composition où il (elle) doit se « transformer » autant physiquement que mentalement et moralement, c’est la nomination assurée et parfois le prix comme l’Oscar qui va avec. Souvenez-vous de Charlize Théron dans Monster où elle s’était autant « grimée » le visage que « maquillée » le corps, prenant quelques kilos au passage pour être plus crédible ! On retrouve ce même comportement à chaque fois qu’un artiste décide de s’engager, voire de s’impliquer complètement dans un sujet qui lui tient à cœur, qu’il soit d’ordre historique ou bien d’actualité.
C’est le cas ici avec Sean Penn qui s’est investi « corps et âme » dans le rôle d’un personnage qui a vraiment existé, à travers l’histoire vraie d’un activiste homosexuel qui a voulu faire sauter un certain nombre de préjugés afin de briser le mythe des « pas comme nous » et qu’enfin cesse la croisade anti-gay menée aux USA, qui s’est mobilisé pour que soit enfin reconnu et respecté les homosexuels en se battant notamment pour faire annuler, voire éradiquer des lois contre eux les privant de droits civils, et qui est devenu le premier gay élu à une fonction publique aux USA, en tant que conseiller municipal à la mairie de San Francisco. Sans pour autant avoir besoin pour cela d’emmagasiner des kilos supplémentaires ni de porter quelques prothèses faciales, il est entré dans la peau de ce protagoniste avec un certain mimétisme, prenant des allures quelque peu efféminées (embrasser un garçon), changeant sa voix pour être légèrement plus haute (juste plus fluette), et arborant des tenues typiques (tee-shirt moulant, jean serré, coupe de cheveux en forme de vague) en corrélation avec les habitudes et autres coutumes employées par le mouvement homo. Evitant soigneusement de les singer, de se déguiser en grande folle, de caricaturer outrageusement ce milieu ou bien de parodier les tapettes, Sean Penn est ici un homo (…comme ils disent) certes pas plus vrai que nature mais au moins plus crédible que vous et moi. Ce qui n’a pas échappé au jury des Oscars qui vient de lui remettre la statuette d’or tant convoitée, celle du meilleur acteur !
Néanmoins, si le procédé a bien fonctionné, il est dommage de voir que l’acteur s’investit à nouveau dans ce genre de prestations engagées pour ne pas dire orientées, qui ont souvent traits de près ou de loin au pouvoir et à la politique (Colors, La dernière marche, The assassination of Richard Nixon), comme il nous l’avait déjà si bien démontré dans Les fous du roi de Steven Zaillian, racontant la réelle ascension politique du gouverneur de La Louisiane, l’idéaliste Huey P.Long, et révélant entre autres la corruption qui le conduisit à sa perte dans les années 30. Loin de vouloir absolument ressembler à cette même toile de fond, il n’en est pas moins à nous resservir ce même besoin de nous entraîner dans l’univers politique et les arcanes de l’âme humaine, histoire de monter sur une estrade pour faire de longs discours emportés et haranguer la foule, ou alors pour décrire des confrontations saignantes, des rapports de force houleux et quelques affres troublants de la politique. Si le message se veut clair et d’une limpidité exemplaire, retraçant de façon chronologique les dernières années de la vie d’Harvey Milk avant d’être froidement abattu (d’où une mise en scène simple qui nous le montre racontant son existence et ses engagements qu’il enregistre sur un magnétophone, le tout entrecoupé de flash backs narratifs, d’images d’archives et d’extraits de reportages d’époque), il n’est pas sûr que les intentions soient toutes louables et d’une pureté exemplaire (les gentils pédés contre les méchants policiers ; les « gros » conservateurs catholiques irlandais contre cette pauvre minorité sans défense), plus paranos, démagos et réacs qu’autre chose.
Néanmoins, même si cette « fable » grandiloquente sur la nature humaine, plus ou moins « poétique », et cette fresque honorable d’un passé pas si lointain que cela, n’est plus vraiment d’actualité aujourd’hui, on se laisse pourtant prendre au jeu de Sean Penn, acteur certes un peu cabot mais fort méritant en humble orateur gouailleur et ambitieux politicien justicier. Tout comme la réalisation de Gus Van Sant qui, retranscrivant fidèlement le parcours et dépeignant les situations comme les méandres de la carrière politique d’Harvey Milk dans les années 70, lui rend ici un vibrant hommage sans (trop) s’apitoyer sur son sort, le présentant tel qu’il était, ni plus ni moins, et encore moins sur l’atmosphère nostalgique d’une époque révolue. Il s’en sort plutôt avec les honneurs, sachant capter l’essence même de son personnage principal, et c’est bel et bien là toute l’importance comme l’intérêt de ce fait divers dramatique. Et le spectateur pourra contempler avec distinction et perspicacité toutes les pertinences, nuances et autres subtilités, de ce sujet politique plutôt riche et finalement assez actuel !

C.LB



 
 
 
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