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Olympe(s) (jusqu’au 15 janvier)
le 04/12/2025
au
théâtre Essaïon, 6 rue Pierre-au-lard 75004 Paris (mercredi et jeudi à 19h sauf les 24, 25 et 31/12 et 01/01)
Mise en scène de Patrick Mons avec Véronique Ataly écrit par Patrick Mons et Véronique Ataly
A l’origine, il y a une idée, celle de montrer la modernité de la pensée d’Olympe de Gouges, menée en 1793 à l’échafaud pour avoir voulu promulguer une déclaration des droits de la femme. Pour ce faire, Florence, une comédienne bien de notre époque, qui doit l’interpréter sur scène, perd soudain ses mots comme Olympe avait perdu la tête. Voici donc réunies deux Olympe(s) à plus de 230 années de distance. Donc, à plus de deux siècles d’écart, la même révolte gronde : « femme, réveille-toi, le tocsin de la raison est en train de sonner ». Les deux récits vont ensuite entrer en collusion, occasion pour la comédienne, une certaine Florence, avatar de l’autrice et comédienne Véronique Ataly, de constater le chemin à encore parcourir dans la défense des droits féminins, et de circuler d’une époque à l’autre. De quand ainsi date cette phrase : « L’homme est né bon par nature, méchant par société, extravagant par instinct ; voilà la vie des Hommes […] à peine mettent-ils le pied sur la terre pour se conduire, que cette terre mobile et fragile s’entrouvre sous leurs pas, et cette vie courte […] n’a pu encore leur inspirer la forme d’un gouvernement sage et humain » ? XXème ou XVIIIème ? Dans ce ping-pong entre la pensée de la politicienne féministe et celle de la comédienne, on constate les innombrables passerelles. Il faut bien l’admettre, la Olympe d’origine était une libre penseuse, une iconoclaste : « Le mariage, disait-elle ainsi, c’est le tombeau de la confiance et de l’amour ». Et la Olympe d’aujourd’hui n’est pas en reste lorsqu’elle décrit le sexisme absolu dont avait été victime Cécile Duflot, alors ministre sous Hollande en 2012, lorsqu’elle se présentait devant le parlement : « tu portes une robe à fleurs un peu sexy, et tu n’es pas crédible, en revanche, tu as un triple menton, tu es gras du bide, et tu pètes en séance, tu es sénateur ». Avec le sourire et un certain talent, Véronique Ataly nous propose ainsi un slalom féministe entre deux périodes. Mais emportée par son sujet, et comptant peut-être un peu trop sur son seul charisme de comédienne, Véronique Ataly ne parvient hélas pas à dépasser une certaine confusion dans la construction de son propos. La lassitude s’installe ainsi et, entre débat sur le point médian, anecdote sur la guillotine à saucisson, propos de la comédienne en mal de subventions, et projet de loi de 1916, non adopté, envisageant d’accorder le droit de vote aux veuves de soldats, les spectatrices et spectateurs se perdent un peu. Ce qui est certain, c’est que l’une et l’autre des deux Olympe (trois si on compte l’autrice) aurait pu faire leur cette phrase de Mme De Gouges : « Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit ». Un spectacle instructif mais pas totalement abouti sur une des fondatrices du féminisme.
Eric Dotter
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