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La disparition de Josef Mengelé (jusqu’au 5 novembre)
le 09/09/2025
au
sein de la Pépinière théâtre, 7 rue Louis Le Grand 75002 Paris (mardi et mercredi à 21h)
Mise en scène de Benoit Giros avec Mikaël Chirinian écrit par Olivier Guez (adapté par Mikaël Chirinian)
Si la monstruosité ultime avait un nom, elle aurait celui de Josef Mengele. Un nazi qui humilia le titre de docteur en soumettant d’innombrables hommes, mais surtout des femmes et des enfants internés à Auschwitz à d’atroces expériences. Dans « la disparition de Josef Mengele », certaines sont décrites mais le sensationnalisme morbide n’est pas le credo du spectacle, loin de là et fort heureusement. Ici, le metteur en scène (qui s’inspire du livre d’Oliver Guez du même nom) s’intéresse à la façon dont « l’ange de la mort » d’Auschwitz réussit à échapper à la justice allemande, aux services secrets israéliens (le Mossad réussit à enlever Eichmann pour le juger) et aux dénonciations. De 1949, date de sa fuite en Argentine, jusqu’en 1979, date de son décès au Brésil, le bourreau sadique sera ainsi protégé, abrité, camouflé sous d’innombrables identités, dans de nombreux pays d’Amérique latine. Il faut dire qu’en 1949, tout ce que l’Allemagne vaincue comptait de nazis de haut grade est bien accueilli en Amérique Latine, et particulièrement en Argentine. Buenos Aires devient ainsi un refuge du « tout nazisme ». Hormis son père, soutien de tous les instants, Mengele pourra ainsi compter sur d’innombrables complicités locales, héros du IIIème Reich ou nazillons éditeurs de torchons antisémites. C’est un récit déroulé par un narrateur extérieur à l’action que l’adaptateur et comédien Mikaël Chirinian a choisi pour adapter le roman, prix Renaudot 2017. On comprend à quel point le sujet est brûlant, au point de rendre impossible une quelconque autre incarnation. Tout au plus la mise en scène évoque-t-elle Mengele via un tapis de photos de l’homme, avec ou sans uniforme nazi. On suit néanmoins et presque jour après jour la vie plutôt tranquille de celui qui prit toutes les précautions du monde pour ne pas être retrouvé. Seul instant d’humanité, le dialogue du monstre et de Rolf, son fils, qui tentera de lui faire entendre raison et de lui arracher de quelques remords. Ce sera évidemment en pure perte. Que reste-t-il au spectateur une fois ce récit sec et détaillé achevé par un brutal rappel au jour et à la lumière de la salle soudainement rallumée ? L’impression diffuse d’avoir assisté à un récit historique brut et désincarné qui l’a informé sans vraiment lui donner sa dose de théâtre. On comprend bien qu’il s’agit là d’un choix d’adaptation et de mise en scène (elle est signée Benoît Giros) destinée à garder toujours la bonne distance vis-à-vis d’un personnage dont la simple évocation terrorisait les prisonniers des camps de la mort. Il n’en reste pas moins que c’est là un indispensable spectacle, surtout pour une génération qui n’a pas été confrontée aux rescapés. Car il faut s’en souvenir avec force : non, nazi n’est pas un sobriquet destiné à disqualifier un adversaire politique dans un débat trop polarisé. Oui, le nazisme était une idéologie mortifère et exterminatrice, et Josef Mengele en était le représentant le plus chimiquement pur. Ce spectacle nous le rappelle, histoire de ne pas oublier.
Eric Dotter
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