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Dans la solitude des champs de coton (jusqu’au 26 juillet)
le 16/07/2025
au
Théâtre du Girasole, 24bis rue Guillaume Puy 84000 Avignon (les mercredis, vendredis et dimanches à 14h05)
Mise en scène de Alexandre Tchobanoff avec Prisca Lona et Justine Morel écrit par Bernard-Marie Koltès
Patrice Chéreau avait superbement mis en scène ce grand monologue à deux voix pour sa création théâtrale en 1987 avec Laurent Malet et Isaac de Bankolé, remplacé par Chéreau lui-même lors du festival d’Avignon de 1988 ! La pièce a reçu d’ailleurs un Molière en 96. Elle a été montée depuis à de très nombreuses reprises, notamment en 2016 aux Bouffes du Nord dans une version féminine interprétée par Anne Alvaro et Audrey Bonnet. Ce texte est presque comme un long poème sur le rapport humain, sans barrière. L’écriture ouvre la porte à moult combinaisons de « dealer » et de « client ». Seule contrainte… Le Désir ! Koltès écrivait : « La seule frontière qui existe est celle entre l’acheteur et le vendeur, mais incertaine, tous deux possédant le désir et l’objet du désir, à la fois creux et saillie, avec moins d’injustice encore qu’il y a à être mâle ou femelle parmi les hommes ou les animaux. ». Cette nouvelle version d’Alexandre Tchobanoff fait plus ressortir le côté sauvage du désir en jouant avec les prémices : la sensualité des regards, la force des silences, l’oppression du temps qui passe accentué par les bruits violents de la ville voisine. Les deux comédiennes –Prisca Lona et Justine Morel – se découvrent, se toisent, se fuient, s’affrontent telle la lionne et sa biche dans un course poursuite haletante, chacune étant fauve et proie de l’autre. Elles sont toutes les deux saisissantes, apportant force, fragilité et sensualité. Le désir est violent dans sa chorégraphie, tendre dans ses gestes, omniprésent, mais reste un questionnement inassouvi, une quête inatteignable. A souligner le travail millimétré des lumières qui sont un personnage à part entière et la sublime musique de la Symphonie N°5 en C mineur de Gustav Mahler en opposition avec Going Home de Albert Ayler au saxo. Un tout petit bémol cependant : le jour de l’avant-première, les lumières étaient trop basses, et le texte était parfois inaudible. Surtout quand les comédiennes sont dos au public. Mais je suis certain que tout ça s’est arrangé depuis !
Paul Mickaels
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