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- BD : Epouvantail de Philippe Pelaez (dessin de Stéphane Sénégas) aux éditions Dargaud
le 16/05/2025
Dans une ferme isolée, Lily, une petite fille au caractère bien affirmé, vit avec son père et sa belle-mère. Sa maman est morte mais son père préfère lui laisser croire qu'elle est partie faire le tour du monde. En attendant qu'elle revienne, elle partage son quotidien entre ses animaux, l'école et un épouvantail planté en haut d'un champ, de l'autre côté de la route. Un épouvantail qui, un jour, se met à lui parler. Le genre à lui dire des gros mots...Les échanges sont houleux, car l'épouvantail se montre vulgaire : il n'a pas besoin d'amis, contrairement à Lily. Le mannequin de paille et de bois lui révèle qu'il a été le témoin d'un tragique accident de voiture sur la route, en bas du champ. Depuis, il a mal au ventre. Le père de Lily a lui aussi été un témoin capital de ce drame : il a pu sauver le passager mais pas la conductrice de la voiture, lorsque la voiture a dévalé le talus pour finir dans l'étang du bois qui jouxte la ferme. Le même étang que celui où est morte la mère de Lily. Tandis qu'une enquête est ouverte pour déterminer les circonstances exactes de l'accident, tous les protagonistes commencent à faire d'étranges cauchemars hantés par la présence singulière... de l'épouvantail. Et le gendarme chargé de l'enquête en vient à se demander s'il n'aurait pas joué un rôle dans ce drame !
On ne se méfie jamais assez de l'atmosphère paisible de la campagne. Il suffit d'un mannequin fait de paille et de bois, à priori banal - quoique son rictus n'ait rien de rassurant ! -, pour faire basculer le quotidien le plus anodin dans un univers fantastique aussi envoûtant que menaçant. Le scénario de Philippe Pelaez, dont la construction diaboliquement implacable a tôt fait de nous prendre à la gorge pour ne plus nous lâcher, est servi par la mise en scène inventive et le trait dramatique voire fantastique de Stéphane Sénégas, aussi tranchant qu'une lame de couteau. Celui-ci joue du noir et blanc avec une rare maestria, tandis que l'ombre et la lumière se conjugent avec un dessin sublime aux illustrations expressionnistes fascinantes pour installer l'angoisse et l'inquiétude chez le lecteur. Il y a du Tim Burton dans ce récit, un univers qui navigue sur la ligne de crête séparant la réalité du rêve, et qu'il est recommandé de ne pas lire avant de s'endormir. Ou ne venez pas vous plaindre ensuite si un épouvantail devient votre pire cauchemar...
-Les auteurs : *Philippe Pelaez naît en 1970, à Castres (Tarn). Il suit des études pour devenir professeur d'anglais. Son diplôme en poche, il enseigne à Pontarlier (Doubs) pendant cinq ans puis sur un atoll des Tuamotu (Polynésie française) durant quatre ans, avant de mettre le cap sur l'île de La Réunion. Un peu par hasard, il se lance dans l'écriture de scénarios. Sa première bande dessinée, « Gaultier de Châlus » (dessin d'Olivier Giraud), paraît en 2015 dans la maison réunionnaise Des bulles dans l'océan. S'ensuivent deux séries, « Olivier et Peter » (dessin Cinzia Di Felice) et « Parallèle » (dessin de de Laval NG), qu'il publie grâce à un financement participatif. Sa carrière est lancée, les portes des maisons d'édition s'ouvrent, et il enchaîne les albums et les séries sans plus s'arrêter ! Petit échantillon de l'oeuvre de Philippe Pelaez : « Fièvre » (avec Antonio Menin), « Un peu de tarte aux épinards » (avec Javier Casado), « Maudit sois-tu » (avec Carlos Puerta), « Puisqu'il faut des hommes » (avec Victor Pinel), « Chroniques américaines » (avec Afif Ben Hamida), « Dans mon village, on mangeait des chats » (avec Francis Porcel), « Alter » (de Laval NG)... Sur la seule année 2022, il publie « Furioso » (de Laval NG), « L'Enfer pour Aube » (avec Tiburce Oger), « L'Écluse » (avec Gilles Aris), « Bagnard de guerre » (avec Porcel), deux tomes du « Bossu de Montfaucon » (avec Éric Stalner), « Automne en baie de Somme » (avec Alexis Chabert) ou encore « La Chambre des merveilles » (avec Delpeche) et « Super Vilains » (avec Morgann Tanco). En 2023, on le découvre chez Dargaud avec le premier tome de la série « Six » avec Javier Casado au dessin.
*Stéphane Sénégas, né en 1974 à Carcassonne (Aude), est un auteur français, scénariste et dessinateur de bandes dessinées. Dès son plus jeune âge, Stéphane Sénégas dévore les albums de la bibliothèque familiale, « Tintin », « Astérix », « Spirou », « Lucky Luke », autant de modèles qui l'invitent au dessin. Ses petits griffonnages dans les marges de ses cahiers de classe le conduisent à l'école Émile-Cohl, à Lyon. Il en sort diplômé en 1998. Il s'essaie à la peinture, à la fresque, au dessin, puis il choisit de raconter et de dessiner la vie et ce qui la rend belle, souvent à travers des yeux d'enfants. Il est aujourd'hui l'auteur et/ou le dessinateur d'une trentaine d'albums pour les enfants, dont « Pourquoi les libellules ont le corps si long ? » (Kaléidoscope, 2002), « Pirateries » (Kaléidoscope, 2004), « L'Éphémère » (Kaléidoscope, 2007), « Qu'est-ce que tu vois ? » (Kaléidoscope, 2011) ou « Silex » (Kaléidoscope, 2020). Entre-temps, la bande dessinée lui ouvre ses pages. Il signe ainsi « Mon père chasseur de monstres » (Danger public, 2007) et dessine « Anuki » (Les Éditions de la gouttière, 2011), de Frédéric Maupomé. La série rencontre un franc succès ; le onzième tome sort en 2023. En 2022, il se glisse dans la bande dessinée adulte, avec le très remarqué « Lucien » (Delcourt), un roman graphique écrit par Guillaume Carayol. En 2024, il met en images « L'épouvantail », scénarisé par Philippe Pelaez et paru aux éditions Dargaud.
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