|
Qui êtes-vous Andrée Turcy ?
le 11/04/2025
au
Guichet Montparnasse, 15 rue du Maine 75014 Paris (vendredi et samedi à 20h30, et dimanche à 16h30)
Mise en scène de Guillemette Lefèvre et Jean-Christophe Born avec Guillemette Lefèvre et Jean-Christophe Born écrit par Guillemette Lefèvre et Jean-Christophe Born
Qui êtes-vous Andrée Turcy ? A moins que vous ayez 90 ans et que vous habitiez dans la région de Toulon ou de Marseille il est probable que vous ne vous êtes jamais posé la question. Qu’à cela ne tienne, Jean-Christophe Born, initiateur du spectacle nous la présente. Pour cela, il revêt le costume très élimé du journaliste admirateur, venu recueillir avec respect et émotion les propos de la grande dame. Il aura été précédé par un interminable micro-trottoir sûrement très daté de marseillais se souvenant d’une chanteuse de cabaret officiant à « l’Alcazar de Marseille » dans les années 20 ou 30. Mais voici le journaliste tremblant d’émotion, rencontrant une Andrée Turcy, jeune et enjouée, affable et rieuse. C’est Guillemette Lefèvre qui lui prête ses traits et sa voix à l’accent chantant. Née à Toulon en 1891, Andrée Turcy, de son vrai nom Alphonsine Turc, est petite fille d’officier de marine et fille de vendeur de coquillages : elle fera ses débuts à 21 ans dans un café-concert. Quelques allers retours plus tard, entre Paris et Marseille, elle créera sa troupe de « 28 personnes, deux voitures et deux camions » avec laquelle elle fera une tournée ininterrompue de 7 mois. Après de multiples rencontres et spectacles, elle prendra ensuite la direction du casino d’Alger entre 1937 et 1946, avant de rejoindre l’Alcazar de Marseille. Si la dame n’a pas grand-chose à nous apprendre sur elle, il en est autrement des chansons qu’elle chante. Après un moment d’ennui du spectateur et de relâchement du jeu des deux comédiens, le sourcil se lève et le sourire se forme sur les lèvres en entendant les paroles joliment datées de tous les succès d’André Turcy, qu’il s’agisse du « Marché de Ménilmontant », emprunté à Maurice Chevalier, du « petit Bosco », chef d’œuvre de tire larmes réaliste avec « ses grands yeux remplis de larmes… », ou encore un extrait de cette autre « c’était un gars de la coloniale, il avait une cicatrice en diagonale ». Progressivement, l’intérêt gagne le spectateur : entre jeu truculent de la comédienne et paroles désuètes de chansons inenvisageables aujourd’hui, le spectateur se déride : on peine ainsi à croire qu’il a été possible d’écrire, dans « mon homme », que « la femme n’est faite que pour souffrir…quand y’m’dit de venir, j’suis comme un chien ». Si la pièce échoue à donner un peu d’universalisme à son propos en permettant au public de découvrir une inconnue, il réussit, grâce à sa comédienne, son joli brin de voix parlée et chantée, et son naturel enjoué, à apporter un peu de soleil dans la petite salle du guichet Montparnasse.
Eric Dotter
|