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Le mystère Ophélia

le  07/04/2025   au théâtre Le Lucernaire, 53 rue Notre Dame des Champs 75006 Paris (lundi 07/04 à 19h30 et le 04/07 à 10h au théâtre des Corps Saints à Avignon)

Mise en scène de Céline Devalan avec Romain Arnaud-Kneisky et Céline Devalan écrit par Céline Devalan




C’est l’histoire d’une existence miroir, celle du modèle d’un peintre qui partagea le funeste destin de celle qu’elle représenta. C’est l’histoire d’une jeune modiste Lizzie Siddal, devenue la muse d’un groupe de peintres dans les années 1850 et qui posa pour incarner Ophélia, l’héroïne de Shakespeare peinte par Millais, et dont les longs cheveux flottaient à la surface de l’eau pendant qu’elle se laissait entrainer et noyer par l’onde.
C’est l’histoire d’un tableau, aussi beau que maudit, figeant Lizzie en « muse impérissable », provoquant indirectement sa folie puis sa mort. C’est l’histoire d’une autrice, metteuse en scène et comédienne fascinée par ce drame, au point d’en suivre les traces jusqu’en Angleterre. C’est l’histoire enfin d’un spectacle dont l’ambition est de nous donner à voir la fascination et la séduction réciproque entre deux amants puis époux tumultueux, Lizzie Siddal susmentionnée et Dante Rossetti, peintre rival de Millais.
Le spectacle était présenté en préfiguration le 7 avril avant d’être montrée à Avignon. Pour le mettre dans l’ambiance, le public est accueilli par une voix off lisant un texte en anglais (so chic !) évoquant l’histoire que l’on va nous conter. Une fois les lumières de la salle éteinte, la comédienne déjà présente sur le plateau nous livre sa fascination pour l’histoire de Lizzie. Nous voilà prêts à déguster les belles histoires de Céline Devalan. Et à découvrir l’identité des sorts entre modèle et inspiratrice.
Voici qu’arrivent sur scène le modèle et son peintre, elle, robe soyeuse, perruque rousse et cascadante (mais apparemment encombrante) et lui, jeune au physique romantique en tenue de peintre. Très vite hélas, les choses se gâtent sur la scène du Lucernaire : une musique sirupeuse colle bientôt aux oreilles du spectateur comme un mauvais soda et l’on tente à toute force de trouver une émotion sur le visage et les expressions des comédiens. « L’excès n’est pas dans mes gênes, la pudeur si », fait dire l’autrice à son personnage. On a envie de lui répliquer que la pudeur n’empêche pas les sentiments. Et de sentiments, on n’en lit pas dans le jeu du duo d’acteurs.
Des interventions vidéo viennent ponctuer le spectacle et c’est parfois fort réussi grâce à un ingénieux dispositif de rideau en fil permettant d’apercevoir des fragments de tableaux. Le recours à l’image est hélas nettement moins convaincant lorsque les comédiens sont à l’écran, et, si l’on peut attribuer certaines faiblesses de jeu sur le plateau à l’émotion de la première, on doute d’un quelconque changement en ce qui concerne le support vidéo. On ne comprend, pas, et c’est un doux euphémisme la vidéo qui clôt quasiment le spectacle : on y voit la comédienne dans le cimetière où repose la vraie Lizzie, creuser sa tombe pour y enterrer un recueil de poèmes de son aimé. Le geste un peu autocentré d’une artiste qui se veut la justicière d’une autre !
Nous l’avons dit, le spectacle était en démonstration avant les représentations à Avignon. Peut-être subira-t-il des changements d’ici là. Ce serait heureux. Invitons donc Céline Devalan a plus de générosité dans son jeu pour que le spectateur se sente lui aussi invité à découvrir le fameux « mystère Ophélia ».

Eric Dotter



 
 
 
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