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- BD : Portraits de Nikos Tsouknidas aux éditions Dargaud
le 02/06/2023
En 1838, Louis Jacques Mandé Daguerre, l'un des inventeurs de la photographie avec Joseph Nicéphore Niépce, rend visite à un vieil ami, le professeur Takis, qui fut son condisciple à Paris avant de se retirer dans son île natale grec située sur la mer Egée.
Daguerre veut lui montrer sa dernière invention, que l'on n'appelle pas encore la photographie et qui le rendre bientôt célèbre. Pour l'heure, il est en proie à un véritable dilemme et aimerait connaître son avis : doit-il mettre la photographie à la portée de tous, ou faut-il au contraire garder cette invention secrète ?
La réponse viendra de Marko, un brillant disciple de Takis. Le jeune homme aussi ingénieux que sympathique, auquel celui-ci a prêté en secret l'appareil de Daguerre, a imaginé divers procédés pour le rendre plus performant. Si une seule personne est capable d'améliorer la technique de la photographie, on ne peut qu'attendre d'immenses progrès d'une mise en commun de cette invention... Au-delà de la photographie, Iland traite des thèmes de l'exil et de la migration : l'appareil de Daguerre permettra à Marko, s'il s'exile, d'emporter sa terre natale avec lui.
S'il faut rendre justice à Louis Daguerre, n'oublions pas les travaux de Joseph dit Nicéphore Niépce, dont il s'inspira pour mettre au point son fameux "daguerréotype". Au-delà de cette querelle de paternité scientifique, Portraits n'est pas une histoire des origines de cette invention, qui fait depuis longtemps partie de notre vie quotidienne. A travers le personnage de Marko, courtisé par les universités grecques mais qui hésite à quitter son île, l'auteur nous livre une réflexion émouvante sur l'attachement à la terre natale et la douleur du déracinement. C'est aussi une interrogation sur la notion de trahison. En montrant l'appareil de Daguerre à Marko, alors qu'il s'était engagé à n'en parler à personne, Taki a-t-il trahi la confiance de son ami, ou lui a-t-il permis de faire un pas déterminant dans sa prise de décision ? Traité dans un graphisme qui privilégie la liberté du dessin et de la mise en scène, Portraits nous montre que la photographie, loin de se réduire à une simple technique, est aussi le meilleur moyen de conserver des fragments de nos vies pour l'éternité. Bref, cette première bande dessinée de Nikos Tsouknidas est un coup de maître, servi par une liberté de trait, une maîtrise des couleurs et un sens de la composition impressionnants.
-L'auteur : Nikos Tsouknidas naît en Grèce. Il suit des études d'informatique et d'électrotechnique à Athènes avant de partir au Japon pour y préparer un diplôme en design stratégique. Il s'installe ensuite à Londres, où il travaille pour la BBC comme ingénieur principal en traitement de données et en apprentissage automatique (« lead data ingeneer in machine learning »). Mais Nikos a un double, Tsouk, qui, la nuit, dessine des bandes dessinées. C'est d'ailleurs lui que l'on retrouve en 2023 chez Dargaud avec « Iland », son premier roman graphique.
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