Yé ! - L’eau de Circus baobab (jusqu'au 29 juillet en Provence)

le  07/07/2023   au sein de la Scala Provence (du mardi au samedi à 21h et dimanche à 17h) - du 7 au 29 juillet)

Mise en scène de Yann Ecauvre avec 13 acrobates et danseurs écrit par Kerfalla Bakala Camara



Au sol, une allée centrale. De part et d’autre, un tapis de bouteilles plastique compactées. Une femme entre sous les lumières de la scène : elle porte une bouteille dans laquelle un peu d’eau subsiste. Un homme l’observe apparemment avec défi. En arrive ensuite un autre, puis encore un autre jusqu’à ce qu’ils soient 13 sur le plateau.
Voilà brièvement décrite la scène introductive de Yé (l’eau), le spectacle présenté en ce moment à la Scala par la troupe de Circus Baobab. Il sera beaucoup question de l’eau, au fil de ce festival ininterrompu d’acrobaties. En dehors des bouteilles susmentionnées, on assistera ainsi à des batailles successives pour la conquête du précieux liquide, des batailles prétextes à d’époustouflantes acrobaties, pyramides, et autres sauts périlleux.
Loin des riches costumes des cirques américains, ou de ceux traditionnels à la française, Circus Baobab propose une forme d’« arte povera ». Pas d’accessoires ni d’agrès ici, la seule richesse, ce sont ces treize artistes, onze hommes et deux femmes, et leur immense talent à présenter avec « fluidité » (normal !) une performance physique et artistique réunissant presque sans interruption l’ensemble de la troupe sur le plateau.
L’œil n’est pas assez rapide pour balayer tout ce qui se déroule sur la scène de la Scala : une pyramide humaine se forme, des artistes jugés sur les épaules de leurs camarades finissent par former d’impressionnantes figures dont on ne regarde que le sommet, un corps bondit comme inanimé pour aboutir dans un filet tapissé (à nouveau) de bouteilles, un impressionnant contorsionniste tord son corps en tous sens provoquant les cris mi effrayés- mi enthousiasmés du public.
Et peu à peu, avec finesse, la métaphore se tisse, celle de la rareté de la ressource aquatique. Loin des gros sabots de beaucoup de production qui défendent actuellement sur scène l’idée d’un théâtre de sensibilisation aux enjeux écologistes et humains, Yé brosse à petites touches le tableau d’une humanité soudée mais inquiète. Le fonds rejoint d’ailleurs la forme dans l’essence même de la troupe : fondée en 1998 à Conakry, en Guinée, la compagnie réunit des artistes de l’ouest de l’Afrique fédérant toutes sortes de talents.
Elle propose ici un spectacle non dénué d’humour, reprenant les techniques circassiennes en les mâtinant de traditions africaines, de hip-hop et d’un éclairage qui insufflent un rythme soutenu qui portent le public. Circus Baobab réunit une troupe d’artistes superbes, engagés et totalement solidaires. Elle nous offre une prestation magnifique et totalement enthousiasmante dont le sens n’est pas absent. Et ça fait un bien fou !

Eric Dotter